En 2021, L’autre Parole célèbre son 45e anniversaire de fondation tout comme la revue du même nom qui est publiée depuis 1976. Ce sont 158 numéros disponibles gratuitement sur Internet : www.lautreparole.org/revues
Depuis plus de quatre décennies, nous avons réfléchi, questionné, écrit, milité pour la transformation de l’Église catholique et de la société. Nous misons sur une collective qui rompt avec l’isolement et la vulnérabilité individuelle.
Les thèmes abordés dans la revue sont multiples : les abus sexuels contre les femmes dans l’Église catholique, une perspective féministe sur la laïcité et la religion majoritaire au Québec, le catholicisme, les impacts du fondamentalisme catholique pour les femmes, l’avortement : être pour la vie et pour le libre choix, les femmes, la guerre et la paix, la violence conjugale, sexuelle et psychologique, les impacts de la pandémie de COVID-19 selon le genre, etc.
Pour notre participation aux 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes 2021, nous vous proposons, plus bas, trois documents, dont deux sur les féminicides : un poème et une recension sur les féminicides dont le nombre augmente depuis le début de la pandémie et un troisième, une courte bibliographie de textes publiés dans notre revue intitulée L’autre Parole sur les violences systémiques à l’égard des femmes dans l’Église catholique et dans la société.
Un poème dont le titre est « Non. »
je me souviens
la radio
la panique
la peur, coup de feu
elle est morte violemment
sur la montagne
Non.
La moitié du monde.
Menacée.
je pleurais
tout le monde
pleurait
dans le haut débit médiatique
tout à coup l’image surgit
de l’homme qui tire sur elle
Elle est morte.
Violemment.
Non.
nous refusons
nous revendiquons
la paix, qui semble impossible
le silence lourd
nous mobilise
encore une autre année
Non aux féminicides.
(Nancy Labonté, Bonne Nouv’ailes)
Au Québec, parce que Ce jour-là est advenu, nous nommons l’homicide volontaire d’une femme, un féminicide
Cette publication de Josée Boileau date de 2019 pour souligner le 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique.
Le 6 décembre 1989, quatorze jeunes femmes y ont perdu la vie parce que femmes. C’est un événement marquant pour la société québécoise, pour les femmes et pour les hommes. Il y a l’avant-Poly, Poly et l’après-Poly !
Depuis mars 2020, début de la pandémie de la COVID-19, le nombre de féminicides au Québec, comme ailleurs au Canada et dans le monde augmente. Au Québec, avant 2020, la moyenne annuelle est de 12 féminicides par année. En 2020, il y en a eu 21 et en 2021, en ce début du mois de novembre, nous en sommes à 17 !
C’est dans ce contexte qu’il nous semble primordial de rappeler l’importance de l’essai de Josée Boileau intitulé : Ce jour-là — Parce qu’elles étaient des femmes. L’autrice aborde dans des parties et des chapitres du livre Cet après-midi-là, Ces 20 minutes-là, Ce soir-là, avec les mots pour le dire, dire le drame, la douleur, l’horreur, les blessures… Pour moi, aucun écrit, aucun film, aucun documentaire vu sur le sujet n’a su le dire avec autant de force. C’est une lecture difficile émotivement, l’écriture l’a sans doute été tout autant.
De plus, afin de mieux cerner l’augmentation du nombre de féminicides en 2020 et 2021 au Québec, le portrait social décrit par Josée Boileau de L’avant, 1969-1989, de La tragédie, 1989-1991 et de L’après, 1992-2019 peut fournir des pistes pour essayer de comprendre l’incompréhensible tout comme la chronique de Francine Pelletier dans Le Devoir du 24 novembre 2021 où il est question d’un changement de paradigme proposé par le professeur Evan Stark. Les femmes sont prises en otage dans cette relation. Le conjoint veut exercer un contrôle et c’est une gradation de moyens qui semble mise en action. Voir : www.ledevoir.com/opinion/chroniques/649347/chronique-j-avais-besoin-de-faire-ca
Si au moment des événements de Polytechnique, nous entendions de nombreuses résistances à nommer, à identifier, à accepter que ce soit un attentat contre les femmes, les filles et les féministes, en 2020 et en 2021, commentateurs et commentatrices, journalistes des deux sexes et politiciens et politiciennes n’hésitent plus devant la pléthore de féminicides de nommer ce qui est. Même le premier ministre du Québec indique que :
S’attaquer à une femme est un geste inacceptable. En tant que premier ministre, je ne tolérerai pas que nos mères, nos femmes, nos sœurs, nos filles, nos collègues ou nos amies soient victimes d’autant de violence. Je veux absolument agir pour enrayer les crimes contre les femmes et les féminicides et c’est pourquoi je souhaite que l’exécutif le prenne en charge et que je confie ce mandat à la vice-première ministre du Québec.
Le terme féminicide ou fémicide pour parler de l’homicide volontaire d’une femme peut nous sembler nouveau. En effet, Wikipédia note que Le Robert ne l’a inclus qu’en 2015 dans son dictionnaire et en 2019, le terme a peu été repris par les autres dictionnaires. Cependant, la première utilisation répertoriée dans des écrits date de 1652 (une comédie théâtrale fait référence à femmicide). Ce n’est que récemment que les sociétés se sont appropriées le terme. Pour de plus amples informations sur l’origine du terme, l’étymologie, les définitions, les quatre catégories reconnues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les onze formes que le féminicide peut prendre, identifiées lors d’un colloque de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, voir : fr.wikipedia.org/wiki/Feminicide.
Au Québec, entre 1989 et 2021, les analyses et les luttes des féministes ont permis que l’homicide volontaire d’une femme soit nommé pour ce qu’il est. Des hommes osent maintenant dire publiquement le caractère inacceptable des violences à l’égard des femmes et des filles, et ce, tant dans la société que dans l’église ou l’armée. Malheureusement, les luttes des femmes contre la violence à leur égard n’ont pu faire diminuer celle-ci. Des femmes et des hommes dénoncent cette violence. J’ose croire que ce n’est pas une utopie que de vouloir la diminuer et peut-être que le changement de paradigme proposé par le professeur Evan Stark sur la violence conjugale permettra des avancées en ce domaine.
Cette violence à l’égard des femmes fait de nombreuses victimes collatérales. Ceci m’amène à la dernière section de Ce jour-là. Vous y trouverez quatorze courtes biographies des jeunes vies fauchées par celui qui haïssait les féministes. Ce sont des portraits de jeunesse, empreints des défis, des rêves de celles qui se voyaient polytechniciennes. Vous aurez une esquisse de ce qu’aurait pu être leur apport à notre société.
Hier, comme aujourd’hui, les féminicides ont souvent privé des enfants de leur mère et rendu la perception d’un père aimant difficile. Des orphelines et des orphelins, des mères et des pères, des sœurs, des frères, des ami·e·s souffrent et pleurent ce grand départ dans la violence. Une piste parmi d’autres, travailler pour qu’advienne une culture de la non-violence. L’autre Parole va poursuivre ses réflexions sur ce sujet lors de son colloque en 2022.
(Monique Hamelin, Vasthi)
BIBLIOGRAPHIE
REVUE L’AUTRE PAROLE AVEC EXTRAITS D’ARTICLES
LES VIOLENCES SYSTÉMIQUES À L’ÉGARD DES FEMMES DANS L’ÉGLISE ET DANS LA SOCIÉTÉ
(Monique Hamelin, Vasthi)
En 2021, la revue L’autre Parole fête son 45e anniversaire. Tous les 158 numéros publiés à ce jour sont disponibles gratuitement sur Internet : www.lautreparole.org/revues
Les thèmes abordés dans la revue sont multiples, nous vous présentons dans cette bibliographie quelques dossiers avec des extraits d’articles concernant les violences systémiques à l’égard des femmes dans l’Église catholique et dans la société.
–> L’autre Parole, numéro 157, printemps 2021. « Une laïcité féministe radicale pour le Québec ? », www.lautreparole.org/revues/157-these-philipps
Extrait du Liminaire signé par Denise Couture :
Ce numéro de la revue L’autre Parole autour de la thèse doctorale de Johanne Philipps pose la question : le temps serait-il venu au Québec d’adopter une conception féministe radicale de la laïcité ? On l’a dit et on l’a redit maintes fois, la laïcité québécoise vise à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour assurer cette égalité, l’État se dissocie de la religion, un domaine où cette égalité n’est pas garantie, telle est la vision assez courante de la laïcité au Québec. Intitulée Comment le projet de laïcité québécoise est défavorable aux femmes. L’urgence de briser une évidence (Université de Montréal, 2019) 1, la thèse de Johanne Philipps propose un renversement de perspective. Plutôt que de concevoir la séparation de l’État et de l’Église comme une concession aux autorités religieuses conservatrices de pouvoir discriminer les femmes et les minorités sexuelles, l’autrice soutient que l’État québécois devrait exiger leur non-discrimination dans le domaine religieux comme dans tous les autres domaines de la vie. (p. 4)
Voir également sur le même sujet :
–> L’autre Parole, numéro 140, hiver 2015. « Laïcité et religion majoritaire au Québec : perspective féministe », www.lautreparole.org/revues/no-140-laicite-et-religion-majoritaire-au-quebec-perspective-feministe
Extrait de la Mise en contexte et présentation du numéro signé par Denise Couture :
Nous abordons plutôt la question de la laïcité dans des perspectives historique, sociale et juridico-politique passées au crible du critère de l’égalité entre les femmes et les hommes. Voici les principales questions posées selon une telle approche : comment l’idée courante de la laïcité est-elle née ? Dans quel contexte historique et dans l’intérêt de quelles institutions et de quels groupes sociaux cela s’est-il produit ? Cette conception de la laïcité avantage-t-elle les femmes ? D’où vient que l’on considère aujourd’hui comme allant de soi que les religions constituent des zones de non-droits pour les femmes ? Comment briser l’évidence de l’acceptabilité sociale d’une telle situation ? Comment en sommes-nous venues à penser que les femmes et les minorités discriminées par les institutions religieuses n’ont qu’à quitter la religion pour être libres ?
Ces questions touchent toutes les religions, mais plus particulièrement les religions majoritaires puisque le processus historique de la laïcisation s’est effectué en négociation avec elles. Dans cette discussion politico-sociale, elles ont conservé une exemption en ce qui concerne l’application des droits des femmes et des minorités.
Il n’est pas surprenant qu’une collective féministe et chrétienne soulève cette dimension, le plus souvent passée sous silence.
[…] nous remettons en question l’acceptabilité sociale qui permet aux institutions religieuses (et à elles seules dans l’espace social actuel) de discriminer les femmes et les minorités sexuelles (alors que, par comparaison, il n’y a pas une acceptabilité sociale d’un racisme explicite pratiqué par ces mêmes institutions) ; (2) nous remettons également en question le fait que, par exemption approuvée par l’État, des institutions religieuses échappent à l’application des droits des femmes et des minorités. (p. 3-4)
–> L’autre Parole, numéro 156, hiver 2021. « Tome 3 — Variations féministes autour de la COVID-19 – Constats et rêves pour demain », https://www.lautreparole.org/revues/156-3-pandemie/
Extrait du Liminaire signé par Monique Hamelin :
Que de chemin parcouru depuis un an. Au moment d’écrire ces lignes, l’espoir renait avec la vaccination qui va bon train. Par ailleurs, nous sommes également :
– à moins de 48 heures du 11 mars 2021, journée de commémoration nationale pour les quelque 10 500 victimes de la COVID-19 au Québec ;
– au lendemain de l’annonce d’un Plan d’action pour contrer les impacts sur les femmes en contexte de pandémie par la ministre responsable de la condition féminine ;
– devant une levée des attaques par les partis d’opposition qui questionnent pourquoi si peu de financement (23,1 millions $) pour le groupe le plus impacté, soit les femmes, tant chez les travailleuses qui ont perdu leur emploi que chez les soignantes de premières lignes dont les conditions de travail sont à revoir et qui sont trop nombreuses à avoir contracté la COVID-19 au travail, sans compter les nombreux décès dans les CHSLD. (p. 4)
–> L’autre Parole, numéro 151, printemps 2020. « Les abus sexuels contre les femmes dans l’Église », https://www.lautreparole.org/revues/151-abus/
Extrait du Liminaire signé par Denise Couture et Mireille D’Astous :
Le colloque de L’autre Parole sur les abus sexuels contre les femmes dans l’Église a eu lieu en août 2019. Au moment d’écrire ces lignes, au printemps 2020, nous vivons la pandémie de la COVID-19. Ce sont là deux grands fléaux. Les abus sexuels contre les personnes mineures perpétrés dans l’Église catholique sont connus depuis longtemps, au point d’apparaître comme un phénomène plus ou moins lointain ayant été résorbé. Rien n’est plus faux. Car non seulement des enfants, mais aussi des femmes et des adultes sont des victimes de comportements destructeurs — même criminels — de la part de personnes qui prétendent remplir la mission de signifier au monde l’amour, le respect et la dignité. Pire, les clercs agresseurs s’imaginent être des raretés, des ‘êtres supérieurs’, des exceptions, des modèles à suivre ou des prophètes annonçant le bon et le droit chemin. Plusieurs refusent toute forme de critique ou ne cherchent pas à comprendre les témoignages des personnes survivantes, les abandonnant sans aucun souci de réparation des torts subis. (p. 4)
–> L’autre Parole, numéro 137, automne 2013, « Avortement — Position de L’autre Parole — 2013 , www.lautreparole.org/revues/no-137-avortement-position-de-lautre-parole
Extrait – Le fondement patriarcal de la position anti-choix du Vatican par Denise Couture
Le Vatican énonce très rarement l’idée selon laquelle la femme est subordonnée à l’homme. Il utilise plutôt à profusion le langage de l’égalité des sexes dans la dignité humaine, ce qui veut dire que tous les deux, l’homme et la femme, sont également dignes en humanité, qu’ils sont des humains. Mais, comme on l’a vu, ils sont également positionnés dans un ordre hiérarchique qui subordonne les femmes. Ce discours fonctionne comme un camouflage d’un patriarcat/phallocentrisme typique. Il n’est pas surprenant que Jean-Paul II en appelle aux femmes pour transmettre ses idées, car, dans les systèmes patriarcaux, ce sont en effet les femmes éducatrices qui éduquent aux normes de vie patriarcales. Quels défis éducatifs se posent aujourd’hui aux femmes ? Nettement, celui d’une éducation féministe qui nous apprenne à résister aux schèmes patriarcaux qui s’expriment un peu partout autour de nous et, en particulier, à travers une structure de pensée du mouvement antichoix ; nettement, le défi d’appréhender les complexités des vies concrètes et de repenser la vie sans les hiérarchies. (p. 39)
–> L’autre Parole, numéro 107, automne 2005. « Roulons la pierre du fondamentalisme », www.lautreparole.org/revues/no-107-roulons-la-pierre-du-fondamentalisme (p. 2)
Extrait —Les fondamentalismes — Éléments d’analyse critique par Marie-Andrée Roy
Le fondamentalisme soulève de graves enjeux pour les femmes, tels que l’affirmation de leur égalité avec les hommes et la reconnaissance de leur droit à la liberté. En effet, les fondamentalismes ont pour pratique d’instrumentaliser les femmes, d’en faire de véritables outils pour la propagation de leur vision du monde. (p. 17)
Extrait de La femme comme autre selon le Saint-Siège, comment peut-elle être à la fois supérieure et subordonnée à l’homme ?
Conclusion. En produisant la femme comme l’autre de l’homme, le Saint-Siège justifie et sacralise la subordination de la femme à l’homme. Dans certains textes, il énonce la supériorité de la femme. Mais celle-ci ne s’oppose pas à sa subordination. C’est que le signe de la femme signifie l’union intime à Dieu. Sans le versant du féminin et de l’amour reçu, l’accueil du Dieu chrétien deviendrait impossible. La femme représente toute l’humanité. Voilà en quoi elle est supérieure à l’homme. En tant qu’autre appropriée, la femme est donc à la fois supérieure et subordonnée à l’homme. Dans les textes récents du Saint-Siège, les auteurs (surtout Jean-Paul II et Joseph Ratzinger) disent, redisent, répètent et réitèrent que la femme est égale à l’homme. Il ne s’agit pas d’une égalité au sens de la charte des droits. Il faut plutôt comprendre que, dans sa différence, la femme est également digne, autant que l’homme devant le Dieu. Dans le plan de Dieu, le féminin correspond à l’amour reçu et la femme a pour vocation d’être une autre et une aide pour l’homme. Cette mission (supérieure et subordonnée) serait aussi digne que celle de l’homme. Voilà ce que signifie l’égalité des sexes vaticane replacée dans son juste contexte. (p. 28)