La désobéissance, un chemin de fidélité
Un congrès international sur l’ordination des femmes, une première dans le monde catholique, s’est tenu à Dublin, Irlande, en juin 2001. Invitée à titre de conférencière, sœur Joan Chittister s’y est rendu malgré l’interdiction du Vatican. La prieure de sa communauté, Christine Vladimiroff, OSB, exprime et explique, dans le communiqué de presse qui suit, les raisons sur lesquelles se base l’appui de sa congrégation à cette participation.
Depuis trois mois, j’ai été en pourparlers avec des responsables du Vatican au sujet de la participation de sœur Joan Chittister à la Conférence du Réseau Mondial pour l’Ordination des Femmes (WOW) du 29 au 31 juin 2001, à Dublin, Irlande. Le Vatican jugeait que cette participation était en contradiction avec le décret (Ordinatio Sacerdotalis) selon lequel l’ordination presbytérale ne sera jamais conférée aux femmes dans l’Église catholique romaine et ne doit donc pas faire l’objet de débats. Le Vatican m’a donné l’ordre d’interdire à sœur Joan la participation à la Conférence pour laquelle elle était prévue comme une des intervenantes principales.
J’ai discuté de longues heures avec sœur Joan et suis partie à Rome pour dialoguer sur le sujet avec les autorités du Vatican. J’ai cherché conseil auprès d’Évêques, responsables religieux, spécialistes en Droit Canon, auprès d’autres prieures, et surtout auprès de ma communauté religieuse, les sœurs Bénédictines d’Erie. J’ai passé un grand nombre d’heures en prière communautaire et personnelle sur ce sujet.
Après beaucoup de réflexion et de prière, je suis parvenue à la décision d’opposer un refus à la requête du Vatican. C’est à partir de la tradition bénédictine ou monastique de l’obéissance que j’ai pris ma décision. Il existe une différence fondamentale entre la conception de l’obéissance selon la tradition monastique et celle qui est utilisée par le Vatican pour exercer pouvoir et contrôle et pour produire une impression de fausse unité par la peur. L’autorité et l’obéissance bénédictines se construisent à travers le dialogue entre un membre de la communauté et sa supérieure prieure dans un esprit de coresponsabilité. Le rôle de la prieure, dans une communauté bénédictine, est d’être une guide dans la recherche de Dieu. Bien que vécue dans la communauté, la recherche est l’affaire de l’individu.
Sœur Joan Chittister qui a vécu cinquante ans de vie monastique dans la foi et la fidélité doit prendre elle-même sa propre décision fondée sur sa conception de l’Église, sa profession monastique et son intégrité personnelle. Je ne dois pas accepter d’être utilisée par le Vatican pour transmettre des ordres de silence.
Je ne considère pas sa participation à ce Congrès comme une “ source de scandale pour les fidèles ”, comme l’affirme le Vatican, mais je pense plutôt que les fidèles peuvent être scandalisés lorsque sont interdites des tentatives honnêtes pour discuter de questions importantes pour l’Église.
J’ai fait part de ma décision à la communauté et j’ai lu la lettre que j’allais envoyer au Vatican. Cent vingt-sept des cent vingt-huit membres de la congrégation, ayant la faculté de le faire, ont donné leur appui à cette décision en ajoutant leur signature à cette lettre. Sœur Joan a parlé à ce Congrès avec la bénédiction des sœurs Bénédictines d’Erie.
Ma décision ne doit en aucun cas être comprise comme un manque de communion avec l’Église. J’essaie d’être fidèle au rôle joué dans l’Église plus large par une tradition monastique vieille de 1500 ans. Notre tradition remonte aux Pères et Mères du Désert du 4e siècle qui vivaient en marge de la société afin d’être une présence de prière et de questionnement aussi bien dans l’Église que dans la société. Les communautés bénédictines d’hommes et de femmes n’ont jamais voulu être partie intégrante du statut hiérarchique et clérical de l’Église, mais se trouver à l’écart de cette structure pour offrir une voix différente. Ce n’est que si nous le faisons que nous pouvons vivre le don que nous sommes pour l’Église. Ce n’est que de cette manière que nous pouvons être fidèles au don que les femmes ont dans l’Église
Ce texte, dans sa traduction française, a été diffusé par le Mouvement international “ Nous sommes Église ”.