L’Église à l’écoute des femmes ?
Cueillettes dans les journaux d’ici faisant écho au dernier synode.
Le synode sur la vie « consacrée » qui s’est tenu à l’automne 1994, dans la capitale italienne, a fourni aux évêques catholiques l’occasion de jouer leur rôle de conseiller auprès du saint père. Venus de tous les continents, les évêques se sont pour ainsi dire livrés à un exercice de routine. Ils se sont penchés, tel que requis, sur l’épineuse question du rôle des femmes dans l’Église, et, sans être unanimes, il va sans dire, ils ont fait valoir des avis que la presse d’ici a rapportés, non sans y ajouter quelques accents critiques.
Nos journaux ont donc notamment fait état de l’appui accordé par l’épiscopat canadien à une demande qui aurait été faite par une religieuse française à l’effet « qu’aux différents niveaux, une place réelle soit donnée aux femmes au plan de la réflexion, de la décision et non seulement au niveau de l’exécution » (La Presse. 13 octobre 1994). Certains arguments de la plaidoirie des évêques en faveur de cette démarche ont été évoqués. Le rôle joué par Mgr Maurice Couture a notamment été souligné. Ainsi, selon un article publié dans La Presse du 13 octobre, les évêques canadiens auraient souhaité officiellement que tout soit mis en oeuvre « pour mettre fin à la dichotomie souvent remarquée entre les déclarations de l’Église officielle au sujet de la dignité des femmes et certaines pratiques actuelles ».
La voix des femmes a aussi été entendue dans un communiqué du CLAC (Collectif libre d’actions concertées) de même que dans un article publié au Devoir et à La Presse, dans lequel L’autre Parole fait valoir, à l’appui des requérantes, la capacité des femmes à gérer le sacré, l’égalité sociale et sacerdotale des hommes et des femmes et les valeurs démocratiques.
Parmi d’autres, un article publié au Soleil montre les efforts déployés par l’épiscopat canadien en vue de maintenir, comme il est dit, le dialogue avec Rome. Et tout cela, malgré les refus répétés du saint père de s’engager dans la réalité du dialogue. En accord avec les gens de la presse québécoise, on peut trouver en effet paradoxale cette ardeur à jouer le jeu de la consultation alors que celui qui l’orchestre n’en fait qu’à sa tête. « La pratique romaine d’exclure les femmes des fonctions importantes nous paraît étrangère à l’expérience quotidienne des rapports entre les femmes et les hommes, en particulier à nous, occidentaux », de dire un journaliste du Soleil. Elle apparaît aussi incompatible avec la compréhension des valeurs évangéliques. « La seule raison expliquant leur exclusion tient à la pesanteur historique d’une hiérarchie qui a toujours fonctionné sur le mode masculin et clérical », ajoute-t-il. Ainsi, par exemple, d’écrire encore le journaliste de Québec, ce synode, où nos évêques ont pu s’illustrer, a statué sur la vie religieuse. Or, 83% des membres des communautés religieuses sont des femmes, et ce sont des hommes qui ont parlé en leur nom. « L’Église est un des bastions où la résistance à l’émergence des femmes est la plus tenace. D’autant plus tenace qu’elle prétend s’appuyer sur des raisons divines pour se justifier », de conclure l’auteur de l’article du Soleil (18 octobre 94).
Le Devoir du 28 octobre attire l’attention des lecteurs sur le fait qu’au synode, il n’ait pas été question de relancer, une énième fois, la revendication du sacerdoce féminin définitivement exclu par le pape dans des déclarations formelles. Du moins, c’est là l’avis du respectable supérieur des bénédictins allemands, le père Theisen, qui soutient que le synode a plutôt servi à assurer aux religieuses la possibilité d’assumer de plus grandes responsabilités dans les structures des Églises nationales et au sein de leurs ordres. Là où en définitive, faut-il le rappeler, le supérieur de la branche masculine garde encore toute l’autorité, y compris sur la branche féminine.
Le 29 octobre, au lendemain du synode, deux titres attirent l’attention des lecteurs « Les religieuses ont gagné leur bataille au synode », peut-on lire au Devoir. même si l’article est farci de voeux pieux et de belles images et « Les religieuses auront plus de responsabilités », affirme le Journal de Québec, qui souligne par ailleurs que le message final ne répond pas de façon précise aux démarches de certaines religieuses qui souhaitaient pouvoir occuper de hautes fonctions à la curie romaine. « Les femmes consacrées devraient participer davantage aux consultations et aux prises de décisions, selon ce qu’exigent les situations », dit le message. Mais, ajoute-t-on dans notre presse, ce message n’indique pas quelles fonctions, à défaut de la prêtrise, les femmes devraient pouvoir exercer dans l’Église. De plus, on note qu’un seul paragraphe est consacré à cette question. Et, dans ce passage, on aurait tenu à remercier publiquement les religieuses de l’immense tâche qu’elles accomplissent pour l’Église et pour la société dont « elles rendent visible le visage maternel ».
Lire les journaux, n’est-ce pas suivre les mouvements d’un balancier qui, d’un côté, place les décideurs, et de l’autre, les demandeurs ou plutôt les demanderesses? Car, malgré les positions exprimées par les évêques canadiens, deux forces paraissent se poser et s’opposer dans ce va-et-vient de la balance: celle des femmes et celle des hommes. Un rapport d’inégalité où conservatisme et renouveau sont en jeu.
Agathe Lafortune,
Une « amie » de L’autre Parole