REFLEXIONS LAÏQUES SUR LE SYNODE
Marie-Andrée Roy – Vasthi
Je voudrais partager brièvement trois réflexions personnelles suscitées par l’événement synode: une reformulation de la problématique de l’apartheid, la pertinence du synode, l’exercice du pouvoir.
L’apartheid
A l’occasion du synode, Mgr José Francisco Moreira Dos Santos a dénoncé «l’apartheid religieux dans les pays qui ont un régime officiellement athée, d’idéologie marxiste. (…) Dans ces pays, a-t-il affirmé, on refuse aux citoyens croyants les mêmes droits que l’on reconnaît aux non-croyants. Les croyants ne peuvent pas être militants du Parti et ceux qui ne sont pas militants du Parti n’ont pas de voix au chapitre dans la vie politique, ni accès aux responsabilités gouvernementales. Les victimes de l’apartheid racial, a-t-il dit, sont environ 25 millions. Les victimes de l’apartheid religieux sont incomparablement plus nombreuses. Contre l’apartheid racial les protestations dans le monde sont nombreuses et bruyantes. Contre l’apartheid religieux c’est le silence qui domine. Il a déclaré que le moment était venu pour la communauté internationale de défendre par tous les moyens, ces millions d’hommes et de femmes croyants, condamnés à être des citoyens de second rang à cause de leur conscience»1. Mgr Dos Santos a sans aucun doute raison de dénoncer l’apartheid religieux et nous n’hésitons pas à affirmer que toute forme d’apartheid est à proscrire et à combattre vigoureusement.
Maintenant, il faudrait peut-être se demander comment les 400 millions de femmes catholiques à travers le monde doivent qualifier leur exclusion des différentes fonctions administratives et sacrées, décidée et maintenue par les autorités romaines pour le seul motif de la différence de leur sexe? L’Église catholique ne pratique-t-elle pas l’apartheid à l’égard des femmes depuis des temps immémoriaux? Faites l’exercice de remplacer le mot « croyant » par le mot « femme » et vous verrez que l’analogie concorde parfaitement Les femmes sont elles aussi des citoyennes de seconde zone, mais à l’intérieur de l’Église cette fois? Elles aussi ne peuvent être membres du parti, du clergé si vous préférez, et n’ont pas, en conséquence, accès aux responsabilités. Et les victimes de l’apartheid sexiste sont infiniment plus nombreuses que dans n’importe laquelle autre forme d’apartheid2; c’est leur cri pour la justice que I’aparthied catholique3 a étouffé au cours de ce synode par des règles de procédure, des mécanismes pour créer un consensus artificiel et faire taire les divergences.
Pertinence du synode
Ai-je été déçue par les résultats de ce synode? Non/ sincèrement non. A vrai dire, je m’attendais à ce type de résultat Depuis le temps/ on commence à connaître un peu mieux le scénario des synodes romains! D’abord les préparatifs. Grand branle-bas de combat dans l’Église canadienne/ une vaste opération de consultation est lancée. Les gens se mobilisent répondent à des questionnaires/ présentent des mémoires. Ces implications soulèvent non seulement l’intérêt des laïcs mais, souvent aussi, l’espoir que s’opèrent enfin certains changements. Puis les évêques partent pour Rome avec de « bonnes intentions » et des interventions qui veulent refléter les préoccupations de la communauté catholique d’ici. Arrivés à Rome/ ils s’habillent en évêque et s’empressent de communiquer à leurs vis-à-vis les résultats de leurs consultations. Et puis commence la ronde des procédures; tout a été minutieusement prévu et les évêques ne maîtrisent plus la suite des travaux qui se déroulent dans le plus grand secret Viennent enfin les résultats où/ une fois de plus/ la montagne Vaticane accouche d’un document qui n’est que le pâle/ très pâle reflet de ce qui a pu se dire. Où sont passées les interventions énergiques, les interpellations vigoureuses? Tout s’est évanoui dans les brumes vaticanes. Mais rassurons-nous l’unité du corps épiscopal a été préservée.
C’est toujours un peu la même chose. Un seul fait nouveau cette fois. La délégation canadienne a osé/ à son retour/ faire part de sa réserve et même de sa déception. Cette franchise a certainement été appréciée par celles et ceux qui tiennent à la transparence des relations laïcs/épiscopat Toutefois/ des questions demeurent N’est-ce pas un peu, beaucoup d’énergies gaspillées que tous ces préparatifs pré-synodaux?4. Est-il acceptable de mobiliser ainsi une communauté quand on sait par avance que les résultats ne peuvent être que faméliques? A qui et à quoi sert ce ronronnement épisodique? N’est-ce pas le meilleur moyen d’assurer la continuité sans changement? Les laïcs ont-ils raison de s’en remettre encore aux évêques pour traiter de leur condition dans l’Église? A quand un synode tenu par des laïcs et pour des laïcs?
Le pouvoir
Nous ne connaissons pas le contenu des recommandations soumises au pape à la fin du synode. Nous savons simplement que d’ici un an ce dernier devrait rédiger un important document pour faire le point sur la question des laïcs dans l’Eglise. Cette manière de faire (secret monopolisation des orientations et des décisions) porte le nom de centralisme démocratique dans le pays du camarade Wojtyla. Le fossé se creuse de plus en plus entre le modèle des organisations sociales démocratiques et l’organisation ecclésiale qui maintient ses règles de fonctionnement autoritaires et anti-démocratiques.
La centralisation de tous les pouvoirs à Rome apparaît de plus en plus intolérable pour toutes celles et ceux qui veulent s’impliquer de manière adulte et responsable dans l’Église. Une telle centralisation, ne nous le cachons pas, porte un nom, celui de dictature. Au moment où le pape se fait le défenseur des droits humains, il faudrait peut-être que l’Église prêche un peu plus par l’exemple et qu’elle se donne une forme d’organisation plus propice à l’exercice de ces droits.
1 Le Devoir, le samedi 17 octobre 1987, A-4.
2 Même si, il est vrai, l’apartheid sexiste ne se compare pas en violence avec l’apartheid racial; mais, tout apartheid ne contribue-t-il pas à légitimer les autres pratiques de discrimination, les autres formes d’apartheid?
3 Entendez ici la Curie romaine qui a veillé au déroulement « sans heurts » de ce synode.
4 Je ne conteste pas ici le principe des consultations; je considère simplement qu’il perd son sens et sa valeur avec les règles qui régissent l’organisation du synode.