On nous écrit;
AH ! CES FEMMES …
par Denise Bergeron
Depuis quelques années, grâce à un appel systématiquement planifié à la mobilisation, les femmes ont entrepris, avec un succès parfois surprenant, de porter leurs problèmes à la connaissance du public et d’en chercher avec lui la solution. On constate que, dans la très grande majorité des cas, elles souffrent d’injustices flagrantes et leurs réclamations s’identifient à des droits fondamentaux.
On s’aperçoit que les femmes ont pris une nouvelle position sur leur rôle dans le couple, la famille, la société, l’Eglise. Ces milieux en sont influencés, retournés parfois. Y a-t-il donc des valeurs distinctes attribuables à leur présence? On s’accorde en effet, à en reconnaître certaines comme la vulnérabilité, l’ouverture à autrui, une réelle sympathie, une vraie sensibilité, une profonde compassion, un courage inébranlable. Tout cela a une influence profonde quand il est question de justice sociale, de paix, de concertation constructive, voire, de politique à quelque niveau que ce soit. J’aimerais raviver ici le souvenir de trois femmes qui ont, à bon droit, par leurs gestes personnels, conquis mon admiration.
L’une, DOROTHY DAY, est née au Etats-Unis, a travaillé et a été reconnue à sa mort, à 83 ans, par le New York Post comme la gloire de son pays. Brillante lauréate universitaire, elle devance son temps par ses travaux de sociologie et son engagement énergique à la défense des droits des femmes, des ouvriers, des sans-voix. Deux moyens concrets d’action, un premier à caractère social, la participation au journal The Catholic Worker (85 000 exemplaires) dont le coût est toujours d’un cent, le second, personnel, les « maisons d’hospitalité » pour tous les « paumés » avec lesquels elle a vécu « dans la plus grande simplicité ».
• L’autre, BARBARA WARP ou lady Jackson. Native de Grande-Bretagne, elle était devenue « l’une des plus brillantes économistes de notre temps » et dirigea longtemps le journal Economist de Londres. La rigueur de sa formation scientifique éclairait les avenues où elle s’engageait. Elle participait aux grandes conférences des Nations unies et fut membre de la Commission pontificale Justice et Paix. Jamais elle ne se serait permis de croire que sa vision de foi pouvait se passer des précisions scientifiques de sa profession.
La troisième, enfin, réapparaît dans l’actualité par la décision officielle de l’Eglise d’en faire – le 31 octobre 1982 – la première femme du Canada à être canonisée, MARGUERITE BOURGEOYS. A trente-trois ans, elle quitte sa campagne pour venir à Ville-Marie, à la demande même de son fondateur, « pour prendre le parti de Dieu en l’éducation des filles ». Femme d’expérience, attentive à son nouveau milieu, elle prête la main à l’installation des colons, va « chercher les filles du roy », leur apprend les rudiments de la tenue de la maison, « à cause que c’était pour fonder des familles. » Elle constitue un noyau de compagnes, les « Filles de la Congrégation » qui poursuivent encore son oeuvre au pays et à l’étranger. Ainsi, dès le début du siècle, pour la première fois au Québec, le collège Marguerite-Bourgeoys permettait-il l’accès du baccalauréat ès-arts aux jeunes filles du temps. Vingt ans après, par délégation de pouvoir de l’Université de Montréal, l’Institut Pédagogique accordait des cours de perfectionnement aux enseignants déjà qualifiés pour l’obtention d’une Licence en Pédagogie. Quand la Faculté de l’Education fut créée à l’Université de Montréal, celle-là reprit cet enseignement à son compte.
Toutes trois ennemies de l’improvisation douteuse, fidèles jusqu’au bout à leur vérité, ces femmes à la pensée nette, à la décision éclairée, à l’action propice ont disparu à notre regard. L’une, à l’échelle de la cité, l’autre, à l’échelle planétaire, la troisième, à la grandeur d’un jeune pays, elles ont consacré la valeur pratique des Béatitudes pour la «guérison des maux de l’homme,.