À propos de la position historique du Conseil du Statut de la femme

Suite à la dénonciation faite par la présidente du Conseil du statut de la femme, madame Julie Miville-Dechêne, certains avancent que les nominations toutes récentes faites au Conseil sont tout à fait en accord avec la position historique de cet organisme. C’est l’argument qu’avance particulièrement Agnès Maltais, ministre responsable de la Condition féminine. Il serait opportun de rappeler que le Conseil n’a pas de position historique au sujet de la laïcité. Le Conseil a modifié considérablement son approche de la question. Par exemple, l’avis émis en 1997, Droits des femmes et diversité favorise la voie du dialogue, de la négociation plutôt qu’une approche législative. De plus, ce document établissait une distinction entre des aspects normatifs pour lesquels le recours à la loi était nécessaire et les valeurs, comme celle de l’autonomie, qui ne peuvent s’imposer par les lois. On appelait aussi au dialogue entre féministes.

Dans leurs dénonciations des diverses inégalités présentes dans les religions, il est important que les féministes qui n’adhèrent pas à des mouvements religieux conservent un respect et une ouverture d’esprit à l’endroit des femmes adeptes, et créent des ponts avec elles. C’est de cette façon que les critiques féministes seront aidantes pour celles qui, à l’intérieur des mouvements religieux, remettent en question des pratiques patriarcales. Les croyantes, quelle que soit leur foi, ont parfois le sentiment que les féministes athées ou agnostiques ne comprennent pas, ou méprisent même, leur attachement à la religion. (Conseil du statut de la femme, 1997, p. 60 )

Le Conseil a vécu un changement de paradigme important. Le pluralisme était identifié auparavant comme une valeur de la société québécoise. Lorsque l’on regarde de plus près les positions du Conseil, celles-ci jusqu’en 2006 font place au dialogue de même qu’à une volonté de chercher à documenter et à comprendre le vécu religieux des Québécoises. En témoigne l’organisation du colloque Diversité de FOI, Égalité de DROITS, organisé par le Conseil en mars 2006, qui réunissait quelque 200 personnes provenant de divers horizons.

Une rupture s’est opérée lorsque le Conseil s’est doté d’une vision caricaturale de la religion, comme en fait foi cet extrait de l’Avis de 2011 Affirmer la laïcité, un pas de plus vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Les religions sont absolues, totalitaristes, entières. L’excommunication guette la croyante et le croyant dissidents. Les fidèles doivent obéir à des dogmes régis par le représentant de Dieu sur terre. Devant Dieu, les humains ne sont pas tous égaux. Une personne athée brûlera en enfer, les incroyantes et incroyants ne seront pas sauvés lors du jugement dernier. (p. 47)

Sur le site du Conseil, on nous informe que le « Conseil est un organisme d’étude et de réflexion critique qui agit à l’intérieur des institutions démocratiques et à l’abri des groupes de pression. » Il y a lieu de s’interroger sur le sérieux de la recherche qui a alimenté le changement de paradigme du Conseil, de même que sur sa capacité de s’être mis à l’abri des groupes de pression dans le passé. Comment expliquer que la présidente précédente ait appuyée le Collectif citoyen pour l’égalité et la laïcité (CCIEL), en participant au lancement du Collectif tenu le 20 septembre 2009, en plus d’assurer une présence lors de divers événements promouvant une laïcité restrictive? La participation du Conseil à ce type d’événement était en rupture avec ses actions précédentes comme celle de l’organisation du colloque Diversité de FOI, Égalité de DROITS.

Il faut se réjouir de la volonté exprimée par Julie Miville-Dechêne de documenter et d’analyser l’impact des propositions gouvernementales. Souhaitons toutefois que le Conseil ait le courage de s’interroger sur ses prises de position passées afin d’être en mesure de promouvoir et de défendre les droits et les intérêts de toutes les Québécoises.

 

 

Johanne Philipps

Doctorante en sciences des religions

Université de Montréal