En marchant les unes vers les autres
Dans quelques quartiers de Montréal, durant leur période de grossesse ou après leur accouchement, des femmes peuvent faire appel à des mères visiteuses si elles le désirent. Celles-ci, comme leur nom l’indique, visitent les familles comptant un nouveau-né, leur apporte support et encouragement, conseils, trucs et même du répit selon les besoins. Par exemple, une maman monoparentale peut compter sur la disponibilité d’une mère visiteuse ; sur une présence dans les moments de désarroi ou de solitude, que ce soit le soir ou les fins de semaine.
La mère visiteuse remplace aussi la mère absente, celle qui est au loin parce qu’on est immigrante. La mère visiteuse se fait aussi soeur, tante, confidente auprès des femmes qui n’ont plus ou n’ont pas de réseau auquel se référer ainsi qu’auprès des familles qui manquent de ressources sur le plan humain et matériel.
La lente marche de l’évolution
Aujourd’hui, même si tout est bouleversé, les femmes demeurent sans conteste les êtres biologiques désignés pour porter : porter, mettre au monde et porter encore les êtres à naître et les êtres nouvellement nés.
Si une plus grande connaissance du phénomène de la grossesse nous est accessible,
Si nous bénéficions de nouveaux moyens de se faciliter la vie domestique,
Si nos rôles de maman/papa tendent à se décloisonner,
Si nous faisons preuve d’une plus grande lucidité face au manque de support et d’humanité pour assurer décemment la prospérité,
Si nous constatons qu’une absence de vision collective concernant notre devenir humain est criante… alors, ces petits pas additionnés ne peuvent-ils pas contribuer à renouveler nos attitudes, à nous rendre plus authentiques et donc, meilleures.
Cependant, il n’en reste pas moins que le réseau d’accueil entourant la maternité, qu’il s’agisse de mères, soeurs, cousines, amies, tantes, n’est plus aussi disponible qu’autrefois. En effet, dans la mesure du possible, les mères d’aujourd’hui se réservent plus de temps pour elles et elles conseillent à leurs filles [en toute connaissance de cause] de limiter leurs naissances. Les soeurs, les cousines vivent souvent éloignées les unes des autres et ont leur propre famille. Quant aux amies, elles sont aux prises la plupart du temps avec la double journée de travail et la pénurie de garderies.
Alors que ce réseau naturel d’accueil formé par des femmes depuis des générations s’est peu à peu désagrégé et ce, ici comme ailleurs, qu’en est-il de la transmission des pratiques de mère à fille ? Comment continuer à partager nos expériences de femmes entre femmes dans le contexte d’aujourd’hui ? Comment suppléer à l’éclatement de nos familles, des proches, de nos réseaux naturels ? En ce sens, des communautés religieuses féminines ont toujours été présentes auprès des familles plus défavorisées, les visitant et leur apportant réconfort et soutien. L’esprit, l’orientation de leur mission assurait un relais précieux dans la transmission d’un savoir-faire « maternel »… Elles ont sans doute inspiré des actions communautaires comme celles que mène « La Fondation de la Visite » par les mères visiteuses qui se déplacent, marchent et marchent encore les unes vers les autres. Depuis trois ans, je suis intervenante auprès de mères visiteuses. Je suis témoin de leurs nombreux déplacements et de leurs marches inlassables pour aller à la rencontre de leurs soeurs enceintes ou nouvellement mères. Leur pratique me fait penser à la rencontre biblique de Marie rendant visite à sa cousine Elisabeth racontée par l’évangéliste Luc :
« En ce temps là, Marie partit en hâte pour se rendre dans le haut pays, dans une ville de Juda. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élizabeth. Or, lorsqu’Élizabeth entendit la salutation de Marie l’enfant bondit dans son sein et Élizabeth fut remplie du Saint-Esprit. Elle poussa un grand cri et dit : « Tu es bénie plus que toutes les femmes, béni aussi le fruit de ton sein… » (1, 39-43). « Marie demeura avec Élizabeth environ trois mois… » (56)
Et alors jaillit le Magnificat de Marie ! Cette louange superbe et si forte fit faire un bond en avant à l’humanité et à la condition des femmes.
LOUISE GARNIER, PHOEBE