Ma sœur, Sandy
Sandy, quand je t’aperçois au coin de ma rue, dans des vêtements qui moulent ton corps , ton corps souvent amaigri.
Quand je te vois t’offrir aux passants mâles,
Découverte, dénudée, vulnérable.
Dans les matins étouffants de l’été comme dans les soirs glacés de l’hiver.
Je marche près de toi pour me rendre au travail.
Je croise, non, je cherche plutôt ton regard, mais il est perdu et hagard.
Je pense, sans te le dire, au chemin qui t’a amenée jusqu’ici, comme une épave, au bord de ma route.
Je pense te connaître parce que je sais que tu as subi violence et mépris de la part des premiers hommes de ta vie.
Je pense savoir que ta job va payer ta coke, ta sniff, ton shout, ta dose
Est-ce pour pouvoir continuer à te prostituer que tu te gèles ?
Que cherches-tu au plus profond de toi : l’amour ? la tendresse ? Y crois-tu encore ?
Crains-tu la menace de ton pimp si tu ne lui rapportes pas ce que tu lui dois déjà ?
Comme tu as l’air fatiguée, malade, usée…et tu n’as pas vingt ans.
‘Viendrais-tu prendre un café ?’ que je me dis sans te le dire, en te croisant.
Tu ne m’as jamais demandé de café ni d’argent, d’ailleurs.
Je suis très triste de me sentir incapable de t’inviter à prendre un café ou un bain qui te feraient du bien.
Si tu avais la galle ? Si tu avais le sida ?
Et puis, t’inviter une seule fois, quand moi ça me convient ? Pour me donner bonne conscience ? Et j’ai tellement peur que tu m’envahisses…
Ai-je du respect pour toi ? Je ne sais pas.
Tout ce à quoi je pense c’est à te prendre dans mes bras pour te protéger tellement tu es en danger, car tu es vraiment ma sœur, Sandy.