LES FEMMES DANS L’ÉGLISE RAPPEL D’UN FAIT RÉCENT DE NOTRE HISTOIRE
Judith Dufour (Vasthi)
Depuis 1971, des groupes de femmes de diverses régions du pays se sont fait entendre auprès des évêques canadiens: mémoires, rapports et recommandations, études et prises de position se sont succédé de telle sorte que le Conseil d’administration de la Conférence des évêques catholiques du Canada a mis sur pied, en 1982, un comité composé de dix femmes et de deux évêques, et présidé par madame Elizabeth J. Lacelle, avec mandat d’analyser la question des femmes dans l’Église et de formuler des recommandations.
En octobre 1984, le Comité « ad hoc » présentait à la C.É.C.C. non seulement une série de douze recommandations fort consistantes mais aussi une trousse de travail destinée à favoriser la réflexion et l’action à l’intérieur des Églises locales. Les recommandations furent votées moyennant de légers amendements, mais la trousse provoqua des tensions et madame Lacelle fut empêchée de répondre aux objections soulevées. Finalement, le document fut confié à l’Équipe pastorale de la C.E.C.C.,pour « révision ».
A la fois heureuses et inquiètes, nous avons alors écrit à Mme Lacelle notre lecture critique de l’événement:
« Le groupe Vasthi du collectif L’autre Parole est fier du travail accompli par votre comité et vous envoie ses félicitations pour cette démarche féministe.
« La trousse est stimulante; elle fait appel à une pédagogie sensible à la culture-femme et s’adresse à toutes. C’est un outil de libération et sa capacité de bouleverser idées et valeurs reçues lui vient de la grande diversité des actions qui pourront résulter de la démarche de conscientisation proposée. Il aura donc fallu aux membres de votre comité un grand respect et une grande sororité.
« Les recommandations, quant à elles, adoptées sans trop de difficultés par les évêques, mettent de l’avant de grands principes généraux et font appel à quelque femmes en particulier. Elles ne font pas peur car c’est la trousse qui est menaçante pour cette Église patriarcale.
« Nous n’avons donc pas été surprises par les difficultés qui ont surgi lors de la présentation du document de travail et nous avons été blessées, avec vous, par l’affront officiel et public de la part, de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Cet affront fut suivi d’un certain redressement par l’acceptation des recommandations.
« Cependant, l’ampleur de l’événement a finalement polarisé les enjeux sur la forme du débat et l’injustice faite à votre comité plutôt que sur la vraie nature du litige, soit l’occultation du caractère potentiellement libérateur de la démarche et du caractère potentiellement récupérateur des recommandations. De cela, nous il sommes peinées.
« Il nous apparaît donc important de vous redire notre solidarité car c’est de celle-là dont vous aurez besoin pour que la trousse de travail soit mise en œuvre partout et sans tutelle. Comme vous, nous désirons profondément vivre des rapports d’égalité afin que soit traduit dans l’Église ce dont le Christ a voulu témoigner. (…) A la lumière des derniers événements, il nous a semblé que nous nous rejoignions sur plus d’un point en ce que, vous et votre stratégie des petits par, ainsi que nous et notre radicalité, avons été flouées encore une fois par une Église patriarcale et jalouse de ses privilèges. »