L’AUTRE PAROLE A 20 ANS

Du 17 au 19 mai 1996, j’ai participé au colloque célébrant le 20e anniversaire de L’autre Parole qui avait lieu au Centre d’arts Orford dans les Cantons de l’Est. Mes amis-es et ma famille m’ont demandé pourquoi ? Il faut que je sois franche : « C’est la curiosité ». Premièrement, je ne savais strictement rien de la théologie féministe et deuxièmement, ce champ disciplinaire de la théologie est un sujet à polémique au sein de mon entourage universitaire. Selon moi, avant de porter un jugement, il faut toujours savoir de quoi il est question, car c’est tellement facile de répéter des préjugés. Alors, j’ai mis de côté toutes mes appréhensions, j’ai ouvert mon esprit et mon intelligence à toutes les activités proposées au programme.

Au fur et à mesure que la fin de semaine se déroulait, je saisissais mieux l’importance de s’exprimer librement, de s’accueillir mutuellement afin de former une « ekklèsia » manifeste. D’ailleurs, le samedi, j’ai eu l’occasion d’expérimenter mes limites durant les ateliers de réflexion et de réécriture. En effet, j’ai compris qu’il n’est pas toujours facile de s’entendre avec les autres, de faire passer son idée et d’accueillir celle de l’autre. Mais une fois que le consensus est établi la satisfaction joyeuse est incontestable.

Mais l’expérience qui m’a le plus impressionnée est sans équivoque la célébration du dimanche matin. Car elle fut empreinte de solennité, de respect à l’égard du Ressuscité et de son mémorial. Le symbolisme était signifiant et sans ambages. À cette occasion, je crois que j’ai compris, un peu plus, le sens du mot célébration. Que celle-ci soit profane ou religieuse, la célébration représente l’apogée de la mise en commun de nos forces et de nos faiblesses pour l’édification du Royaume de Dieu.

Et oui, il n’y avait là que des femmes. Effectivement, nous avons eu la prétention de former une ekklèsia. En effet, nous avons eu l’audace de partager le pain et le vin en mémoire de Lui. Et pourquoi pas ? Qu’est-ce qu’il y de si désastreux pour l’opinion publique que des féministes chrétiennes aient au coeur et à l’intelligence une Autre Parole. Il me semble qu’à l’aube du 2e millénaire, chacun de nous devrait dénoncer, haut et fort, la soumission silencieuse de nos filles, de nos mères et de nos grands-mères. Celles-ci troquent, depuis que le monde existe, leur sécurité, leur dignité et leur personnalité au profit de la domination patriarcale.