LE GOÛT D’UNE NOUVELLE PENTECÔTE…
par Louise Melançon
La visite de Jean-Paul II chez nous a sans nul doute été un événement important, à multiples dimensions, dont on n’a pas fini de faire l’analyse. Je veux faire part ici de ma réflexion à partir des réactions de beaucoup de personnes et de ma propre expérience de l’événement comme féministe chrétienne.
Il m’a semblé que pour la plupart des personnes qui ont participé à cet événement, ce fut quelque chose comme une expérience du sacré: profonde attirance pour l’homme charismatique Jean-Paul II, sentiments de joie et de fierté d’être témoins de cette « grande rencontre », bonheur de se retrouver en fête à l’occasion des grands rassemblements comme à l’intérieur des célébrations eucharistiques, sentiment d’appartenance aiguisé par le retour aux sources de notre histoire, l’étalement de nos traditions et l’image du pays beau et immense. Le temps semblait s’arrêter, les divergences et les conflits s’estomper… Quelque chose comme une grande parenthèse au milieu de nos vies quotidiennes pour savourer des paroles et des gestes hautement symboliques et parlants peur le coeur humain: PAIX, JUSTICE, AMOUR. Il me semblait entendre: « Dressons-y trois tentes… » comme lors de la Transfiguration (Matt. 17, 1-14). Mais une fois redescendus de la montagne…que reste-t-il? Un beau souvenir? Une nostalgie stérile? Des énergies nouvelles?
Pour ma part, avant la visite j’en étais venue à espérer que ce soit un événement de l’Esprit pour notre Église, pour les croyants, pour moi… Un peu comme une Pentecôte… Ce qui a donné naissance a la proclamation de l’Évangile, à l’Église, ce ne sont pas les moments intenses de la Transfiguration mais l’expérience de la Pentecôte qui a suivi l’épreuve de la mort de Jésus. Les disciples réunis (pas seulement les Douze mais aussi les femmes), touchés par l’Esprit, sont sortis du Cénacle (Actes 1, 12-3…) pour aller répandre la Bonne Nouvelle. Cet événement de foi a donné lieu à la formation de diverses communautés chrétiennes, à la prise de conscience des différences, au débordement des frontières d’Israël, à l’éclatement d’une religion nationale et excluante et à la remise en question des pouvoirs sacralisants et totalitaires.
Qu’avons-nous réellement vécu à l’occasion du passage parmi nous de Jean-Paul II? Comme individus? Comme collectivité? Comme groupes engagés dans une pratique de libération et dans la foi? L’avenir le dira… Mais je serais prête à parier que le travail de l’Esprit se fera d’abord à partir de celles et de ceux qui auront souffert d’être laissé-e-s de c6té, exclu-e-s, et qui, conscient-e-s, convaincu-e-s des exigences réelles de l’Évangile dans leur vie et dans le monde, sauront se lever, prendre la parole et répandre la Bonne Nouvelle à partir de leur expérience de libération et de foi. Les femmes comme sujets, comme Sujet collectif, ont été plutôt absentes lors de la « grande rencontre ». Si on a parlé d’elles ce n’est pas tellement comme partenaires. On a passé sous silence les luttes des femmes, leurs souffrances et leurs interpellations. Et pourtant n’est-ce pas du lieu de leur exclusion que surgira une nouvelle Pentecôte pour l’Église de l’an 2000? J’en ai l’espérance assurée dans Christ-Jésus agissant dans l’Esprit répandu par toute la terre.