Il y a un an
Le 6 juin 1998, des femmes de la Collective L’autre Parole se réunissaient avec quelques invitées au domaine Entre-Gens à Chertsey pour célébrer le printemps. Durant près de deux jours, treize femmes partagèrent leurs visions en rapport avec la nature et la signification que suscite en elles, d’année en année, l’éveil printanier.
En janvier dernier, tombait du ciel, durant des jours, une pluie glacée qui sema la désolation dans notre population. Cette épreuve singulière, commandée par la nature elle-même, a sans doute contribué à nous conscientiser davantage à la fragilité de notre environnement. Ne devrons nous pas désormais réévaluer nos manières de gérer notre habitat terrestre et surtout prendre le temps de nous abandonner aux charmes de tous ses recoins ? Aussi, m’est-il venu à l’idée d’organiser une « célébration du printemps » afin de livrer un message de sororité à une végétation en convalescence. La nature est un cadeau de magnificences, de forces extrêmes parfois. Il nous appartient de soigner son harmonie par l’exercice quotidien de comportements responsables.
Je vous invite donc, chères lectrices et chers lecteurs, à partager avec nous ces beaux moments d’une fin de semaine où musiques, chants, lectures de textes, témoignages magnifiques étaient au rendez-vous au milieu d’une végétation gardée naturelle à proximité d’un lac tout tranquille.
HÉLÈNE SAINT-JACQUES, BONNE Nouv’AILES
La célébration
C’est dans un lieu plutôt sauvage à côté d’un ponceau enjambant un ruisseau que la célébration se déroule. Au centre de la pergola se dresse une table sur laquelle on aperçoit un pouding au pain, cadeau des moniales de Berthierville, du sirop d’érable, du vin, du pain de ménage fractionné, des pétales de violetta miniatura, un vase contenant de l’eau du ruisseau et un généreux bouquet de fleurs cueillies par
chacune dans le sous-bois.
Une à une, nous prenons place autour de la table, le regard tourné vers ces produits de la végétation et du travail des humains. Ces « prémices-symboles » nous accompagneront tout au long de cette célébration qui se veut à la fois in témoignage de reconnaissance à l’Architecte du Monde et une promesse de prêter davantage attention à son Oeuvre dans le futur.
En janvier dernier, nous avons tremblé. Certains ont beaucoup souffert et souffrent encore. Le verglas sur les arbres et les fils électriques d’habitude si joli s’est transformé soudainement en un cauchemar pour nombre de femmes, d’hommes, de familles. Toute notre organisation quotidienne en quelques heures a basculé. Dépouillés de nos habitudes, de nos conforts, on a vécu l’impuissance malgré tous les moyens techniques avancés et supposés invincibles de notre inonde moderne. La nature nous a parlé. Maintenant, nous avons la responsabilité d’en prendre soin d’une autre manière. Cela ne pourrait-il pas commencer par être à son écoute et à mettre en mémoire tant sa vulnérabilité que son intransigeance ?
Pour raconter la nature et notre rapport à elle, écoutons d’abord Marie-Josée nous livrer sa réflexion :
Depuis le six juin 1965, sans arrêt, mon coeur bat la cadence de ma vie. À mon insu, trop souvent j’inspire et j’expire les secondes, les minutes et les heures de mon existence. Je suis vivante ! Comme l’arbre j’ai des racines ; tel le geai bleu je suis éprise de liberté, je suis fragile comme « le petit prêcheur » et tendre comme le pain que nous partageons.
Le ciel de mes utopies se couvre fréquemment de nuages, mais le soleil de ma détermination finit toujours par percer une brèche d’espérance bleutée. Je suis une oeuvre de la création. Célébrer le printemps un 6 juin, (date anniversaire de ma naissance) c’est aussi me célébrer, nous célébrer.
Sans arrêt, chacune de nous, femmes de L’autre Parole, depuis le jour de notre naissance, nos coeurs n’ont cessé de battre du mouvement qu’est la vie. À sa mesure, notre respiration signe les saisons de notre présence coexistante avec la création. Peut-être que pour certaines, le verglas a émondé prématurément les branches de leur tronc, la liberté de leur geai bleu et la glace apprivoisée des patinoires n’a pu se défendre contre la glace sauvage d’une saison indomptée. Envers et contre tous, j’aime me souvenir que malgré tous les verglas de nos vies, le « petit prêcheur » naît à l’ombre de l’éternelle fougère.
Partageons maintenant, à travers des textes bibliques intégrales ou réinterprétés et des poèmes tirés de l’oeuvre de Florent Fournier toutes les beautés et les fragilités de la vie.
“Tempus fugit” (‘ Fournier, Florent, A la faveur des jours, I, p.36.)
Méditation
Vienne le soleil à son terme,
Tarasse le jour qui se rend;
Naisse la fleur qui se referme,
S’arrête le soir qui descend.
La nuit se découvre en son règne
Et devient clarté outre-temps…
Serions-nous tentés, imbus de nous-mêmes et négligeant la modestie, lorsque nous « entrons en scène », de nous accaparer « les feux de la rampe », sans égard aux partenaires du moment ?
Il serait alors téméraire d’oublier « l’éléphant et la souris », d’ignorer « David et Goliath », sinon d’en finir par ne plus se rappeler que la violette aussi est une fleur et que Dieue s’est pourtant fait femme…
Silence
PSAUME 8
Que ton nom est magnifique!
Mère, fille, Sophia
Que ton nom est magnifique
Par toute la terre!
Avec la nature naissante,
La terre chante ta splendeur.
Par la bouche des toutes petites
Et des nouvelles nées,
‘Tu as fondé une Autre Parole,
Contre, tes adversaires,
Pour réduire au silence l’ennemi envahisseur.
Quand je vois les montagnes et les plaines,
Les déserts et les océans, oeuvres de tes doigts,
La lune et les étoiles que tu as illuminées,
Qu’est donc la femme pour que tu déposes la vie en elle,
Pour que tu prennes soin d’elle ?
Tu la fais habiter le divin.
Tu la couronnée de pétales et de fleurs,
Tu la fais soeur de l’Oeuvre de tes mains,
Terrienne, aérienne., aquatique,
Protégée, nourrie par les oiseaux du ciel,
Les poissons de la mer
Et tout ce qui court, vole, gambade..
Notre Dieue de l’ekklésia
Que ton nom est magnifique par toute la terre!
Que tes oeuvres sont belles !
Que tes oeuvres sont grandes !.
Seigneur, Seigneure, tu nous combles de joie.
ECHANGE
Ce que j’aime du printemps
Pour les unes, ce sont les odeurs humides du sol parfois chaudes, parfois froides qui rappellent l’accouchement. Il y a aussi les odeurs uniques des bourgeons et de l’herbe tendre, le parfum frais des sous-bois où les fougères enroulées en crosse s’éveillent.
Pour d’ autres, ce sont les roches qui emmagasinent en leur sein la chaleur générée du soleil printanier. Elles sont là à offrir leurs robes dures ou poreuses libérées des couches de neige. Avec elles se consolide le sentiment de stabilité, de sécurité si nécessaire à l’être humain.
Pour les unes encore, c’est l’eau claire du ruisseau, inspirateur de modestie, de tranquillité, d’intimité, qui se débarrasse, dans son cours, de ses derniers fragments de glace tout en allant rejoindre une rivière, un lac, un étang.
Pour d’autres encore, le temps où les semences sont mises en terre et où les oiseaux échangent leurs ébats, c’est la promesse de la continuité de la vie; c’est 1 a liberté permise à son corps, la délivrance des vêtements lourds, encombrants.
Le printemps, c’est aussi la floraison des arbres décoratifs et fruitiers; 1 a chaleur tonifiante du soleil d’avril, les jours qui allongent en lumière. C’est le sol qui s’offre au travail de la bêche dans les plates-bandes des jardins et l’activité qui reprend dans les champs.
Que tes oeuvres sont Belles!
Que tes oeuvres sont grandes!
Seigneure, Seigneure, tu nous combles de joie.
Êtres et nature ( Foumier, Florent, À la faveur des jours, II,p.87.)
Comme Ça « fleur de. mai »
Où donc la plante a-t-elle appris
A. partager son « sang’ ?
Pourquoi jonquille, jacinthe aussi,
n’oublient-elles pas ce temps
De fleurir un matin,
fidèles au plan de la nature ?
Que tes oeuvres sont belles!
Que tes oeuvres sont grandes!
Seigneure, Seigneure, tu nous combles de joie.
La goutte d’eau et ses merveilles,
Le griffon qu’on dérange;
L’oiseau de liberté,
Le poisson se jouant de l’’onde
N/enseignent-ils pas le respect,
Dans l’ordre et l’Harmonie ?
Le. soleil radieu.
Chante l’espace : et sous la nue.,
La clarté sur azur réveille
Ce que nuit en échange
Endort pour reposer.
Et toi soeur en ce monde,
Tu veux conjuguer ces aspects
D’un tout qui te grandit…
Que tes oeuvres sont belles !
Que tes oeuvres sont grandes!
Seigneure, Seigneure, tu nous combles de joie..
PSAUME 104 (103)
Les splendeurs de la Création
Bénis Dieue, mon âme.
Dieue, mon ‘Dieue, tu es si grande !.
Dans les ravins tu fais jaillir les sources,
elles cheminent au milieu des montagnes;
l’oiseau des cieux séjourne prés d’elles,
sous la feuillée il élève la voix.
De tes chambres hautes, tu abreuves les montagnes;
la terre se rassasie du fruit de tes oeuvres;
tu fais croître l’herbe pour le bétail
et les pliantes à l’usage des humains,
pour qu’ils tirent le. pain de la terre
et le vin qui réjouit le coeur de la femme,
pour que l’huile fasse luire les visages
et que le pain fortifie le coeur de la femme.
Tu fis la lune pour marquer le temps,
les lionceaux rugissent après la proie
et réclament à Dieue. leur manger.
Quand le soleil se lève,
la femme sort pour son ouvrage,
faire son travail jusqu’au soir,
éduquer ses fûtes, ses fils.
Que tes oeuvres sont nombreuses, Dieue !
toutes avec sagesse tu les fis,
la terre est remplie de ta richesse.
COMMUNION
Arrive le moment de goûter le pain, le poudding des moniales, le sirop d’érable, les pétales de violette, de boire le vin.
Seigneure nous partageons l’abondance de notre table avec nos soeurs du monde entier. Procure à celles qui ont faim le pain, aussi le vin qui réjouit le cœur et réchauffe les sens.
Bénis soient les fruits de la terre Et les femmes, et les hommes qui par leur travail les rendent jusqu’à notre table !
ACTION DE GRÂCE
Comme action de grâce, nous nous sommes inspirées de la prière d’un pissenlit que nous avons fait nôtre.
Prière d’un pissenlit
Mon Dieu, mon Soleil, tu m’as fait à ta ressemblance et je suis heureux, moi, pissenlit, d’être un portrait de toi. Qu’il fasse beau ou que le temps soit triste, je garde ma lumière, petite étoile au coin des pelouses ou à travers le long foin sec.
Comme toi, je suis partout, envahissant ou bien discret, selon que la terre est riche ou stérile. Je m’accroche à la vie avec une ardeur que l’on ne retrouve pas toujours chez les humains.
Devant les obstacles, je suis têtu comme une mule. Je crois que tout ce que je porte au fond de moi a droit d’exister au grand jour et que l’asphalte, si résistant soit-il, ne peut m’empêcher de chercher la lumière et l’oxygène.
Les maniaques des gazons verts ne peuvent me tolérer. Je les comprends puisque je n’ai pas bonne réputation. Alors j’ai pensé gagner l’amitié par la douceur. Rien ne me réjouit comme la main d’une enfant qui me rassemble en bouquet pour m’offrir à sa mère. Le regard attendri d’une maman me fait oublier toutes les méchancetés des autres.
Merci mon Dieu, mai Soleil, pour la vie, pour le vent qui me fait danser, pour le frémissement de l’abeille qui se gave de mon pollen, pour le papillon qui réveille en moi le poète si souvent étouffé par ma raison trop sérieuse. Merci pour le goût d’aimer, malgré toute la hargne qu’on déploie à mon endroit. Merci, parce que tu m’aimes tel que je suis, parce que je m’accepte tel que je suis.
LES GROUPES BONNE NOUV’AILES ET PHOEBE