LE GENRE DANS TOUS SES ÉTATS
Louise Melançon
PARVIS est la revue des « Réseaux du Parvis », une fédération française fondée en février 1999, dans la mouvance qui a suivi l’éviction par Rome de l’évêque Jacques Gaillot. Femmes et Hommes en Église, entre autres, s’est joint à cette fédération qui en compte maintenant 50. Il est question ici d’un numéro hors série de la revue portant sur la théorie du « genre », du point de vue de chrétiens et chrétiennes.
1. Le contexte est celui d’événements qui ont provoqué une certaine polémique en France. En 2011, des éditeurs scolaires, lors de la révision d’un programme de biologie pour les classes de première, ont intégré des éléments des « gender studies » : il y a eu, en particulier, des réactions venant du Secrétariat national de l’enseignement catholique et de la Conférence des évêques catholiques concernant l’impact de cette théorie sur la différence des sexes et la sexualité. Déjà, en 1995, à la Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, le terme « genre » était entré dans des documents sur la condition féminine. Et il y avait eu une forte réaction du Saint-Siège.
Cette revue comprend trois parties : une première qui apporte des définitions et des approches du « genre », une seconde qui traite de la question du point de vue biblique et anthropologique, et dans la troisième, plus concrète, on donne des témoignages et une vision spirituelle. Dans cette recension, je rendrai compte seulement de l’article d’Anthony Favier, intitulé « Pour une approche chrétienne du genre ».
L’auteur de cet article rappelle que dans la tradition chrétienne deux notions sont présentes pour la compréhension de l’être humain : sa création comme être sexué dans un vis-à-vis originel à l’autre sexe, et sa vocation à se réaliser, comme femme et comme homme, dans le service du monde et des autres, en particulier des plus petits de nos frères et sœurs. Il y aurait comme une tension entre création et vocation où peut prendre place la liberté des humains. Mais aujourd’hui, après les luttes d’émancipation des femmes, comment comprendre la création des sexes? Les féministes ont dénoncé le fait que ce qu’on considérait comme un fait de nature, à savoir la subordination des femmes aux hommes, n’était qu’une construction sociale, comme d’ailleurs, les traits de caractères, attitudes ou rôles attribués à l’un ou l’autre sexe. De même, l’émancipation des minorités sexuelles a mis en évidence la séparation entre l’anatomie et le désir sexuel ou amoureux ainsi que pour certaines personnes, l’inadéquation entre leur anatomie et leur perception d’elle-même comme être sexué. La notion de « genre » renvoie donc à cette réalité de la construction de la différence des sexes.
L’auteur de l’article soulève la question de la naturalisation de la sexualité. On a compris la différence des sexes comme une évidence de la nature, alors que les études anthropologiques nous renvoient à des réalités multiformes concernant la sexualité humaine. Les études du genre nous permettent de dévoiler l’alliance qu’il y a entre la norme d’une « nature » fixe et un pouvoir qui s’exerce sur les dits déviants : « Il y a une évidence du pouvoir qui se naturalise et permet de disqualifier ceux et celles qui ne s’y conforment pas. »
Mais alors, le corps ne porte-t-il aucun sens en lui-même? Faut-il renoncer à la différence des sexes? Y a-t-il une place pour une éthique chrétienne du genre? Les études du genre ne sont-elles pas une chance pour renouveler notre intelligence de la foi? Ne nous montrent-elles pas que sans tout miser sur la différence des sexes, il faut accepter également son devenir dans l’histoire? L’auteur termine en suggérant de ne pas diaboliser la théorie du genre tout en ne tombant pas dans un optimisme naïf : peut-être que les études du genre peuvent nous aider à comprendre comment le sujet parle de lui-même et produit son identité. La quête de son identité est présente dans l’évangile, et la quête d’identité sexuelle en serait un aspect.
Le genre dans tous ses états – des chrétiennes et des chrétiens s’interrogent
Les réseaux du Parvis,
hors série no 29, mai 2013