Dialogue entre les mots et les images
Monique Hamelin, Vasthi
Rita Mestokosho est poète et Patricia Lefebvre, photographe. Elles unissent les mots et les images au savoir-faire des Éditions Bruno Doucey pour nous présenter un livre beau dans sa facture et dans le soin apporté à la publication des photographies 1 . La collection « Passage des arts » permet un dialogue entre les arts. Nous y prenons plaisir.
Même si le recueil de poésie accompagné de photos a été publié en 2014, c’est une découverte pour moi que j’ai voulu partager, car la langue y est belle et les photos en noir et blanc sont captivantes, car elles ne sont pas un moment volé aux Innus, mais un moment d’échange entre l’artiste- photographe et les gens avec qui elle vit plusieurs mois pour y exercer son art. Patricia Lefebvre s’arrête, regarde, échange et partage cet échange avec nous.
Mestokosho, quant à elle, raconte que si « [l]a langue française n’est pas celle de ma mère […], le destin l’a mise sur ma route, et nous nous sommes apprivoisées […] j’ai choisi de l’adopter » (p. 104). Cette autrice est Innue, ce qui veut dire : être humain. « Nous vivons entre deux mondes, le moderne et le traditionnel. L’équilibre entre les deux n’est pas facile, car notre terre traditionnelle est toujours menacée par la destruction […]. » (p. 104).
Le français n’est pas la langue de sa mère nous dit-elle, mais cette langue, apprivoisée et adoptée, lui permet de partager avec un plus vaste auditoire les préoccupations de son peuple. Elle reste en cohésion avec la nature, elle reconnaît et loue ses ancêtres et nous donne accès à sa spiritualité.
Femme du matin rouge
[…]
Je prendrai la mer sur un bateau rempli de rêves colorés Je nagerai dans la rivière rouge des ancêtres
Je suis née femme d’un père chasseur
Et d’une mère qui souffle sur les nuages. (p. 12)
[…]
L’hiver est un moment de réflexion
Où notre corps habite nos pensées.
Moi je garde le silence pour mieux entendre la vie. (p. 13)
Innu
[…]
Ton message est celui de protéger la terre Je la protégerai aussi longtemps
Que je vivrai avec elle
Mais je n’oublierai pas d’apprendre Et de faire partager aux autres Ton message si divin… (p. 21)
À L’autre Parole, lors du colloque de 2003, chaque membre avait reçu un capteur de rêves. Je garde précieusement ce rappel d’une spiritualité qui n’était pas la mienne et qui m’ouvre des portes. Ce poème de Rita Mestokosho me rappelle un cercle de vie, ma vie de féministe chrétienne.
Le capteur de rêves
Autour du cercle de la vie
Se tissent des milliers de rêves Avec la présence du Grand Esprit La main du respect se dresse
Il y a de nous dans l’univers
Il y a la pierre de la connaissance
Il y a le poème de l’innocence Il y a notre mère la Terre Lorsque tu tisses avec amour Chacun de tes rêves
C’est que tu croies en la vie
Alors tu captes l’essentiel. (p. 98) Accueillons les mots de Rita Mestokosho.
1 Née de la pluie et de la terre, Rita MESTOKOSHO. Photographies de Patricia LEFEBVRE. Éditions Bruno Doucey, 2019, 107 pages.