Liminaire APPROCHES FÉMINISTES DE LA NON-VIOLENCE

Liminaire APPROCHES FÉMINISTES DE LA NON-VIOLENCE

Lors du colloque annuel de 2022, les membres de L’autre Parole ont réfléchi et échangé sur la non-violence féministe. Un réel lien existe entre féminisme et non-violence, bien que l’univers de celle-ci soit en apparence attribué aux hommes1. Cette affirmation ne rend pas compte de l’activisme des femmes et de leurs contributions inestimables dans leurs approches effectives de la non-violence. Féminisme et non-violence se ressemblent par leur rejet catégorique de toute forme d’oppression et par leur aspiration à l’éradication totale de soumission et d’assujettissement en particulier des femmes, et ce dans toutes les sphères sociales, économiques, religieuses et familiales.

En première partie, UNE NON-VIOLENCE RÉACTIVE ET ACTIVE, Monique Hamelin et Marie-Andrée Roy apportent une contribution incontournable et fort documentée : Non- violence et colère vis-à-vis des injustices patriarcales. S’outiller et agir comme féministes et chrétiennes. Dans un dialogue fécond et interpelant, elles identifient les formes et les principaux lieux de violence des institutions religieuses à l’égard des femmes. Devant les situations violentes et inéquitables, devant l’appropriation des femmes par les autorités religieuses, les autrices proposent de « rendre visible l’invisible ». Elles dégagent cinq méthodes d’actions non violentes, ce qui n’empêche pas l’existence d’une véritable colère pour combattre inégalités et violences patriarcales envers les femmes.

C’était également l’attitude du Nazaréen face aux violences de son temps que Pierrette Daviau décrit dans Les actions non violentes de Jésus. Celui-ci n’hésitera pas à manifester de l’intransigeance et même une sainte colère pour s’opposer à l’oppression des autorités de son temps. Découvrons un Jésus étranger à toute violence, un Jésus bienveillant qui sollicite des attitudes de paix, de douceur, de justice pour contrer la violence. Comme féministes chrétiennes, voilà une invitation à emprunter cette voie de la non-violence évangélique !

Bien avant aujourd’hui, des féministes se sont engagées dans la lutte pacifiste contre les dominations masculines de leur époque. Louise Garneau et Nathalie Tremblay présentent Portraits de féministes non violentes. Cet article met en valeur cinq militantes inspirantes dans la longue marche des femmes pour la liberté, la paix et l’égalité. Nous les avions découvertes en travail d’équipe lors du colloque : l’Américaine Dorothy Detzer, l’Autrichienne Hildegard Goss-Mayr, Hélène Stöcker, originaire d’Allemagne, l’Ivoirienne, Aya Virginie Touré, et finalement, l’Irakienne, Nadia Murad Basee Taha, qui en 2018 obtient à 25 ans, le prix Nobel de la Paix pour la dignité des victimes de trafic humain.

La deuxième partie, UNE NON-VIOLENCE FÉMINISTE AU QUOTIDIEN, suggère des gestes et des attitudes féministes à développer dans nos diverses relations. Dans un temps où la violence aux personnes âgées domine les informations, Marie-Paule Lebel décrit divers gestes féministes pour « contrer la violence, particulièrement celle envers les femmes aînées » vivant dans des institutions souvent mal gérées où les femmes subissent souvent des abus de toutes sortes. Johanne Carpentier présente une méthode de communication non violente, développée par le psychologue américain, Marshall Rosenberg, et invite à la développer dans nos relations quotidiennes. Comme à l’habitude, nous avons offert un travail des réécritures de cinq équipes qui se sont penchées sur les textes suivants pour les transposer en langage féministe pour notre temps : Matthieu 2,22-25 : ne pas se fâcher contre l’autre ; Jean 8,1-11 : la femme adultère ; Marc 11,15-19 : les vendeurs chassés du temple et Matthieu 5,43-48 : l’amour des ennemis. La cinquième équipe a réécrit la prière de saint François en l’intitulant « Prière universelle des femmes ». Reprendre ces passages en contexte de non-violence féministe leur donne une actualisation intéressante et inspirante.

La troisième partie, CÉLÉBRATIONS, préparées par le groupe Déborah, Célébrons la non- violence féministe, s’articule autour de chants, de supplications, de demandes de pardon et d’action de grâce pour les gestes et les actes de non-violence des femmes d’ici et d’ailleurs. Nous retrouvons dans cette partie le Magnificat composé par la pasteure Darla Sloan, Magnificat pour un monde sans viol ni violence, utilisé lors de la journée nationale d’action contre la violence faite aux femmes en 2022.

Une partie PARCOURS ET HOMMAGE relate, sous forme de dialogue, les carrières de deux pionnières universitaires féministes, Micheline Dumont et Louise Melançon. Cette dernière, cofondatrice de L’autre Parole, suggère une lecture personnalisée du livre de Micheline Dumont : De si longues racines. L’histoire d’une historienne, publié en 2022 aux Éditions du remue- ménage. Pour clore cette section, Marie-Andrée Roy rend hommage à une autre pionnière féministe, Monique Hamelin. Ardente collaboratrice et rédactrice de la revue L’autre Parole, Monique se retire après de nombreuses années d’implication comme secrétaire de rédaction.

Pour terminer, vous trouverez des RECENSIONS de livres sur la non-violence à lire ou à relire ainsi que quelques ressources sur la non-violence féministe.

Bonne lecture et heureuses découvertes dans ce numéro de L’autre Parole sur les approches féministes de la non-violence qui exigent concertation et courage pour travailler ensemble comme féministes en vue d’éradiquer toutes les formes de violence.

Pierrette Daviau, Groupe Déborah

L’autre Parole

1 Que l’on pense entre aux divers apôtres de la non-violence : Gandhi, à Luther King ou à César Chaves, entre autres.