L’égalité entre les femmes et les hommes dans l’Église catholique Une revendication toujours d’actualité

L’égalité entre les femmes et les hommes
dans l’Église catholique
Une revendication toujours d’actualité

Joce-Lyne Biron[1], réseau Femmes et Ministères

 

La solidarité entre le réseau Femmes et Ministères et la collective L’autre Parole remonte à quelques décennies et s’est raffermi au cours des dernières années. Soulignons la coorganisation récente de plusieurs colloques[2], ce qui a confirmé le désir de marcher ensemble et de poursuivre une militance commune pour une Église égalitaire en parole et en vérité.

Le Synode sur la synodalité se présente comme un temps de conversion au cours duquel le magistère romain a à se laisser toucher par l’Esprit. Peut-être lui inspirera-t-il un nouveau regard sur le monde, empreint de bienveillance, ouvert au dialogue, à des prises de conscience et à des remises en question. Les propos ci-dessous réitèrent des interpellations adressées à l’Église, sous diverses formes (rencontres, publications, mémoires, colloques) depuis quatre décennies et laissées sans réponse crédible, voire sans accusé de réception.

L’Église comme communion et diversité des cultures

Le Credo de l’Église, une, sainte, catholique (universelle) et apostolique, n’exige pas une uniformité de pratiques rituelles et autres. Ainsi, différents rites liturgiques (latin ou romain, mozarabe, ambrosien, byzantin, syriaque et autres rites orientaux) sont parvenus jusqu’à aujourd’hui et n’entravent pas l’unité de l’Église.

D’ordre disciplinaire, le célibat ecclésiastique n’appartient pas non plus au kérygme. Le mariage des prêtres est autorisé dans des Églises orientales, l’épiscopat étant réservé aux moines et aux prêtres célibataires. Les prêtres anglicans mariés ayant adhéré au catholicisme ont conservé leurs fonctions presbytérales auprès des communautés anglicanes qui se sont aussi converties. A contrario, le Vatican a refusé d’ordonner des hommes mariés pour desservir les nations autochtones au Canada, malgré les demandes réitérées des évêques canadiens ; même réponse à une demande semblable émanant du synode sur l’Amazonie, en 2019.

Comment alors porter la Bonne Nouvelle et célébrer l’eucharistie ?

Si, dans la culture de certains pays d’Asie, seul un homme célibataire est digne d’exercer des fonctions presbytérales, ailleurs, seul un homme marié est digne de confiance. Durant des siècles, en l’absence de pasteurs ordonnés, des communautés chrétiennes ont vécu et célébré leur foi parce que s’y trouvaient des femmes et des hommes porteurs du message évangélique. Tous les rapports continentaux sur le Synode sur la synodalité font état de la question sensible de la place des femmes dans l’Église. Au Québec et ailleurs, l’ordination au diaconat et au presbytérat pour les femmes est revendiquée au nom du baptême, qui reconnaît « l’égalité fondamentale de tous les êtres humains » (Gaudium et spes, 29).

Pour une Église égalitaire

Particulièrement au Québec, l’Église s’inscrit dans une société qui peut être considérée comme un exemple à suivre en matière d’égalité, une égalité de droits à parfaire dans sa mise en œuvre, certes, mais dont la construction repose sur des assises solides. Dans une société égalitaire et laïque, voire anticléricale en certains milieux, le traitement discriminatoire réservé aux femmes par l’Église fait scandale et discrédite l’Église.

Pour ne citer que ces deux exemples, mentionnons la non-reconnaissance des fonctions pastorales exercées par les femmes catéchètes en paroisse et la non-reconnaissance des agentes de pastorale mandatées par l’évêque à des fonctions qui, selon toute vraisemblance, sont celles des diacres permanents. Cependant, au Québec, des évêques acceptent qu’elles président au commentaire homilétique qui leur est interdit selon le canon 833.3.

L’accès aux ministères ordonnés

Le Christ n’a pas ordonné de prêtres : il a choisi des apôtres. Il a appelé des disciples pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, aux captifs la délivrance. Il a envoyé Marie de Magdala porter témoignage de sa Résurrection. Dans les premiers temps de l’Église, des femmes agissaient comme responsables de communautés, des diaconesses, des prédicatrices, des prophétesses… Ces femmes témoignaient de l’Évangile selon les dons reçus de l’Esprit, dons variés prodigués sans aucune discrimination : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ » (Galates 3, 28). Les avis peuvent différer quant aux fonctions exercées par les diaconesses et par les diacres ; cependant, quelles qu’elles aient été, le concile de Chalcédoine (451) fait état d’une même ordination. En 2016, la Commission mandatée par le pape François pour étudier la possibilité du diaconat féminin a établi que, dans les premières communautés chrétiennes, la présence de femmes en responsabilité était avérée.

Un même baptême

Dans l’Église hiérarchique et patriarcale que nous connaissons, seuls les hommes sont appelés aux fonctions diaconales et presbytérales. Sont-ils les seuls êtres humains à posséder les dons de l’Esprit qui les rendent aptes à « se mettre au service de Dieu et de l’Église » pour porter le message évangélique à leurs frères et sœurs membres d’une communauté chrétienne, et à faire reconnaître la pertinence de cet appel par leur évêque ?

Dans une société égalitaire, cette discrimination basée sur le sexe est une injustice. Dans le langage religieux, c’est un péché découlant du patriarcat. Et quel devrait être le préalable absolu pour que l’appel reçu, après un exercice du discernement, puisse être reconnu par l’évêque ? Réponse : le baptême et la confirmation. Or, ces deux sacrements ne discriminent pas selon le sexe. Pourquoi l’accès aux ministères ordonnés est-il refusé aux femmes ? La mission de l’Église n’est-elle pas l’accompagnement spirituel de la communauté chrétienne, n’est-elle pas d’y susciter des responsables ordonnés, femmes et hommes, selon les charismes qui les animent ?

En lieu et place de l’obéissance au Code de droit canonique, il faut s’interroger sur les besoins spirituels auxquels l’Église doit répondre pour alimenter la foi des communautés chrétiennes. Les dirigeants de l’Église ne sont pas experts en la matière. Depuis Vatican II, la première place appartient au peuple de Dieu. L’Église a pour mission de rassembler, non pas de sanctionner et d’exclure comme l’y incite le canon 1024, qui stipule que seul un homme baptisé peut recevoir l’ordination sacramentelle.

À quand le diaconat au féminin ?

Depuis le pape Paul VI (1963-1978), le diaconat a fait l’objet de plusieurs commissions d’études, la dernière mandatée par François en 2019. Le diaconat devait constituer l’une des questions majeures de la session d’octobre 2024 du Synode sur la synodalité. Le pape François est bien conscient du malaise exprimé par les femmes, qui composent la moitié de la population catholique, de la colère et de l’indignation de nombre d’entre elles. Il sait aussi que l’Église ne peut avancer sur la question des femmes sans considérer sérieusement le point de vue des hommes et des femmes.

Mais le pape François connaît ses pires ennemis : ceux-là qui occupent le Vatican, les gardiens de l’ordre établi. C’est ainsi que le 14 mars 2024, on apprend que « la constitution de dix groupes de travail ne prendrait pas en charge les dossiers concernant les femmes, ceux-ci étant renvoyés à octobre 2025[3] ». Lors d’une entrevue à la chaîne de télévision CBS, aux États-Unis, diffusée le 21 mai 2024, le pape François a dit non au diaconat des femmes. Exit le marcher ensemble en Église[4].

Ce fut la déception et l’incompréhension des féministes et de plusieurs hommes d’Église, malgré la soumission qu’exige le canon 833.3. Citons Mgr Jean-Marc Vesco, archevêque d’Alger, à propos du diaconat féminin : « Ce qui paraît inimaginable aujourd’hui deviendra naturel demain » et, se questionnant sur le sacrement de l’ordre : « Tout en lui est-il intangible, fixé pour l’éternité[5] ? »

L’accès au presbytérat pour les femmes permettrait de transformer l’institution et son discours patriarcal. Il est urgent de le faire, considérant l’influence du pape même auprès de dirigeants de pays où l’Église catholique romaine est presque inexistante. Les femmes n’atteindront pas l’égalité réelle tant que cette égalité ne sera pas partagée par toutes les femmes, partout dans le monde.

Devant ce qui paraît une décision précipitée du pape François sur le diaconat des femmes, les féministes catholiques doivent poursuivre leur mobilisation afin de déconstruire les arguments théologiques non fondés qui font obstacles à la reconnaissance des fonctions pastorales exercées par les femmes dans l’Église. Ces arguments déforment le message évangélique et discréditent l’Église. L’engagement de ses membres contestataires ou rebelles qui travaillent en marge des discours autorisés porte le message évangélique rassembleur, en fidélité à l’essentiel de la foi.

Pour ce faire, rassemblons toutes les solidarités, y compris à l’extérieur de l’Église. Au besoin, faisons appel à la scandalisation. Malgré les vents contraires, le peuple de Dieu est l’Église. Le Synode appelle le Magistère à emprunter un chemin de conversion, à marcher ensemble, non pas à imposer son rythme.

Féministes en Église, refusons de partir ou de nous taire !

Nous voulons être entendues :

Terminée, l’exclusion des femmes !
À tous les ministères et à la gouvernance,
les femmes sont appelées[6] !

La crédibilité de l’Église en dépend !

[1] Joce-Lyne Biron est titulaire d’une licence ès lettres, d’une maîtrise en linguistique et d’une maîtrise en administration publique. Elle a fait carrière au ministère de l’Éducation, où elle a exercé des fonctions de conseils et de coordination en formation en enseignement. Elle a été membre de L’autre Parole au début des années 1980 et de Femmes et Ministères, de 2007 jusqu’à sa dissolution alors qu’elle siégeait au Conseil d’administration.

[2] Femmes et gouvernance : mêmes enjeux dans l’Église et dans l’État ? (2022), Le Synode des femmes : vivre l’égalité aujourd’hui (2023) et Femmes et gouvernance : des rapports à changer entre l’État et l’Église ? (2023).

[3] Sylvaine LANDRIVON et Carmen CHAUMET, « Le diaconat féminin évacué des débats du synode : la justification est un peu grossière », La Croix, 16 avril 2024.

[4] Loup BESMOND DE SENNEVILLE, « Le pape François ferme la porte au diaconat féminin », La Croix, 21 mai 2024.

[5] La Croix, 24 mai 2024.

[6] Voir le Manifeste de Femmes et Ministères rédigé dans le cadre de la consultation du Synode sur la synodalité : https://femmes-ministeres.lautreparole.org/?p=6895.