Le Chemin synodal en Allemagne Pour l’égalité des sexes et la pleine participation des femmes dans l’Église

Le Chemin synodal en Allemagne
Pour l’égalité des sexes et
la pleine participation des femmes dans l’Église

Margit Eckholt[1]

 

C’est précisément grâce à l’engagement des associations féminines que le Forum 3, « Les femmes dans les services et les ministères de l’Église », a été créé par la première Assemblée synodale en Allemagne. De février 2020 à mars 2023, les membres du Forum – dont des membres de l’Assemblée synodale, ainsi que des membres nommés par des associations, par le mouvement des femmes catholiques et par le monde universitaire – ont traité cette thématique en différents sous-groupes sous trois aspects : la participation des femmes aux ministères dans les conditions actuelles du droit canonique, l’anthropologie du genre et l’égalité des sexes, et l’argumentation théologique sur la participation des femmes au ministère sacramentel. Il s’agit de trois perspectives qui s’imbriquent les unes dans les autres, ce que tous les débats dans le Forum 3 et dans les Assemblées synodales ont montré pendant les dernières années. Notre Forum a « produit » un Grundtext – un texte de base sur femmes et Église – et trois Handlungstexte, des textes d’action, dont un sur femmes et service de l’évangélisation, un autre sur femmes et ministère dans une perspective de l’Église universelle, et un dernier sur femmes et abus. Ce dernier texte a été voté une seule fois, les autres font partie des textes votés au cours du Chemin synodal.

Des discussions vives

L’adoption du texte de base lors de la quatrième Assemblée synodale, le 9 septembre 2022, a été un moment historique pour l’Église catholique en Allemagne, car elle a signifié qu’il a reçu l’appui des deux tiers des évêques. Le texte aborde la question Femmes, Église et ministère, sous les aspects pastoral, biblique, historique et systématique, à partir de la perspective de l’égalité des sexes – ce qui indique que le Forum a traité de l’accès des femmes à tous les services et ministères de l’Église, donc aussi au ministère sacramentel. L’élaboration du texte au sein du Forum et les débats autour de ce texte lors de l’Assemblée synodale ne se sont certes pas déroulés sans controverses. Des tensions ont accompagné les débats jusqu’à la fin ; cela est apparu clairement lors de la cinquième et dernière Assemblée synodale. Le texte d’action Les femmes dans les ministères sacramentels. Perspectives pour le dialogue avec l’Église universelle, qui fait suite au texte de base et qui inclut les votes sur le diaconat sacramentel et sur l’ouverture de tous les ministères sacramentels aux femmes, n’a pu être adopté qu’après de vifs débats. Des réunions de crise ont été tenues sur le vote relatif au diaconat sacramentel. Il y a eu un rappel renforcé du caractère obligatoire de la déclaration de l’exhortation apostolique du pape Jean-Paul II sur l’ordination sacerdotale réservée aux hommes, Ordinatio sacerdotalis (1994).

Le débat théologique sur la question de l’accès des femmes au ministère sacramentel a une longue histoire en Allemagne. La question a été posée dans le sillage du mouvement féministe catholique des XIXe et XXe siècles ; la spécialiste du droit canonique Ida Raming fait partie des premières femmes dans le contexte germanophone à avoir demandé, dans sa thèse de doctorat de 1970, une modification du canon 1024 du droit canonique, sur la base d’analyses bibliques et historiques ; ce canon énonce que « seul un homme baptisé reçoit validement l’ordination sacrée »[2]. Une réflexion plus large sur l’accès des femmes au ministère sacramentel a débuté avec le congrès de Hohenheim sur le diaconat féminin en avril 1997 et avec la mise en place de la « Journée de la diaconesse », un projet porté d’abord par les associations féminines, puis également par le Comité central des catholiques allemands (ZdK). L’exposé du cardinal Walter Kasper lors de l’Assemblée plénière de printemps de la Conférence des évêques allemands, le 20 février 2013, sur le diaconat féminin en tant que ministère à instituer, mais non sacramentel[3], a suscité dans le contexte allemand un débat théologique nouveau et approfondi sur les questions de théologie du ministère et sur la question des femmes dans les services et les ministères de l’Église. Le cardinal avait fait la proposition d’instituer le diaconat féminin en tant que service non sacramentel dans l’Église, avec une « mission », mais non comme ministère ordonné dans l’Église.

Le travail du Forum 3 du Chemin synodal a pu se nourrir par un congrès scientifique œcu­ménique sur la question des femmes dans les ministères d’Église, organisé du 6 au 9 décembre 2017 à l’Université d’Osnabrück, congrès à la préparation duquel ont participé des théologiennes catholiques et protestantes, les associations féminines catholiques allemandes et le Netzwerk Diakonat der Frau e.V.[4].

Pour l’accès des femmes à tous les ministères

À la fin du congrès, sept thèses ont été adoptées, qui reflètent la tension qui a également caractérisé le travail sur le Chemin synodal : « D’une part, dans toutes les Églises, les femmes ont assumé de plus en plus de postes de direction au niveau local et suprarégional au cours des dernières décennies. D’autre part, dans toutes les Églises, il est nécessaire de retracer l’histoire de la discrimination des femmes en ce qui concerne les pratiques d’exclusion[5] » (Thèse 2). C’est sur cette toile de fond que se situe la thèse centrale selon laquelle « ce n’est pas l’accès des femmes aux services et aux ministères de l’Église […] qui doit être justifié, mais leur exclusion[6] » (Thèse 3). Une « décision finale contraignante sur l’accès des femmes à tous les ministères ecclésiaux », a-t-on formulé, n’avait pas encore été prise (Thèse 4), et c’est précisément pour cette raison qu’il faut mener des débats sur la vocation des femmes à l’apostolat ministériel, comme le reprend le rapport final du forum synodal préparatoire, « au nom de la crédibilité de la proclamation de l’Évangile pascal[7] ».

Le débat sur cette question a eu lieu sur notre Chemin synodal avec toute la conscience de l’importance, d’un point de vue dogmatique et canonique, d’Ordinatio sacerdotalis de Jean-Paul II : « Afin donc que soit levé tout doute sur la question importante qui concerne la consti­tution divine de l’Église elle-même, je déclare, en vertu de mon ministère d’affermissement des frères (Lc 22,32), que l’Église n’a aucune autorité pour conférer l’ordination sacerdotale à des femmes, et que tous les fidèles de l’Église doivent se conformer définitivement à cette décision » (Ordinatio sacerdotalis 1994, 4).

Le magistère a accordé une attention au caractère obligatoire d’Ordinatio sacerdotalis, en s’appuyant sur la déclaration de 1995 du cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, selon laquelle l’exclusion des femmes de l’ordination est une « sentence de la foi » de l’Église et que quiconque s’y oppose doit s’attendre à des sanctions[8]. Dans ses prises de position sur cette question, le pape François se réfère lui aussi à la décision contraignante d’Ordinatio sacerdotalis. Les thèses d’Osnabrück sont formulées dans la conviction théologique – et le travail du Forum 3 s’y est rattaché – qu’il s’agit d’une « question ouverte », et qu’il n’est pas « possible pour les hommes de connaître la volonté de Dieu en ce qui concerne sa direction du cours du monde[9] » (explication de la thèse 4). Il doit donc être possible, même si une décision « définitive » a été prise avec Ordinatio sacerdotalis, de continuer à travailler sur la question de l’ordination et de l’admission des femmes à l’ordre sacramentel dans une perspective théologique et de droit canonique. C’est pourquoi le texte de base du Forum 3, dans son argumentation biblique, historique et systématico-théologique, va délibérément au fond des débats sur la théologie de la révélation et l’ecclésiologie, prenant ainsi au sérieux le caractère obligatoire du texte du magistère, mais voulant ouvrir une porte à une discussion plus approfondie.

Par fidélité à l’Évangile

D’un point de vue anthropologique, les femmes sont pleinement à l’image de Dieu ; d’un point de vue christologique, elles sont pleinement représentatives du Christ. À tous les niveaux de la vie de l’Église, il s’agit d’inclure et non d’exclure ; il s’agit d’avoir le courage de franchir les frontières dans la perspective d’une confrontation avec le caractère obligatoire des déclarations du magistère au service de l’Évangile de la miséricorde et de la liberté de Dieu. Et cela a son fondement dans Jésus-Christ lui-même, qui a toujours franchi les frontières des classes, des ethnies, des sexes et des « prescriptions » religieuses et qui, en tant que Ressuscité, rassemble toute la création pour la vie en Dieu.

De nouvelles voies, précisément en ce qui concerne l’inclusion des femmes dans le ministère sacramentel, ne s’ouvriront que si les femmes sont incluses dans les processus de discernement spirituel dans l’Église, que si elles peuvent participer au processus synodal avec droit de vote. En d’autres mots, cela signifie de prendre au sérieux la conversion missionnaire et pastorale dont parle le pape François dès sa première lettre Evangelii nuntiandi est. Le débat sur la question des femmes dans les services et dans les ministères de l’Église n’est pas une simple question structurelle, il ne s’agit pas d’une « fonctionnarisation » du ministère, selon la préoccupation exprimée par le pape François dans Querida Amazonia (100-101). La question des femmes dans le ministère sacramentel est plus importante, elle touche la profondeur de la foi. Il s’agit de travailler à fond la sacramentalité, et il s’agit d’une réalisation du processus de conversion impliqué dans ce que signifie la foi, à savoir s’orienter à chaque fois à nouveau vers l’événement du Christ, vers la libération qui s’est produite dans l’événement de la Croix et de la Résurrection de Jésus-Christ. Ce qu’est l’Église dans sa forme institutionnelle s’oriente en premier lieu vers ce processus de conversion de la foi, qui est l’expression de l’événement communicatif de la Révélation, tel que le concile Vatican II nous demande de le penser jusqu’à aujourd’hui.

C’est précisément dans ce sens que se sont inscrits les débats du Chemin synodal de l’Église catholique en Allemagne, et ceux-ci sont, ainsi, au service de la crédibilité d’une Église qui, face à la crise des abus et à la gestion de leur traitement, est interrogée et ébranlée jusque dans ses fondements.

[1] Margit Eckholt est professeure de théologie dogmatique et de théologie fondamentale à l’Université d’Osnabrück en Allemagne. Docteure en théologie catholique, avec habilitation en dogmatique, elle a complété ses études de théologie catholique, de philologie romaine et de philosophie à l’Université de Tübingen. Parmi ses fonctions, elle est présidente de l’ICALA – Échange culturel germano-latino-américain, présidente de la Société européenne de théologie catholique (août 2021 à août 2023) et vice-présidente de l’IIMF, l’Institut international de recherche missiologique. Elle a été membre de la Voie synodale et a été élue membre de la commission synodale en Allemagne.

[2] Ida RAMING. Der Ausschluss der Frau vom priesterlichen Amt. Gottgewollte Tradition oder Diskriminierung?, Cologne 1973 (thèse de doctorat présentée au semestre d’hiver 1969/1970).

[3] Conférence du cardinal Walter KASPER (Rome) à l’occasion de la journée d’étude « La collaboration entre les femmes et les hommes dans la vie de l’Église » lors de l’assemblée plénière de printemps de la Conférence épiscopale allemande, le 20 février 2013, à Trèves. https://www.dbk.de/fileadmin/redaktion/diverse_downloads/presse_2012/2013-035-Studientag-FVV-Trier_Vortrag-K-Kasper.pdf (consulté le 16 juillet 2023)

[4] Margit ECKHOLT et coll. (dir.), Frauen in kirchlichen Ämtern. Reformbewegungen in der Ökumene, Freiburg/Göttingen, 2018 ; Eva-Maria FABER, « Tradition, critique de la tradition et innovation. Vers des structures ministérielles respectueuses de l’égalité des sexes dans l’Église catholique romaine », dans Margit ECKHOLT et coll. (dir.), Frauen in kirchlichen Ämtern, p. 39-54. M. ECKHOLT et coll. (dir.), Women in Church Ministries. Reform Movements in Ecumenism, Collegeville, Minnesota, Liturgical Press, 2021.

[5] « Osnabrücker Thesen », Margit ECKHOLT et coll. (dir.), Frauen…, p. 465-466.

[6] Ibid., p. 465.

[7] Forum préparatoire des femmes dans les services et les ministères dans l’Église. Rapport final du groupe de travail pour la préparation du Forum synodal, 23 octobre 2019. https://www.synodalerweg.de/fileadmin/Synodalerweg/Dokumente_Reden_Beitraege/SW-Vorlage-Forum-III.pdf (consulté le 16 juillet 2023)

[8] CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Réponse à un doute sur la doctrine de la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, 28 octobre 1995.

https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19951028_dubium-ordinatio-sac_fr.html (consulté le 1er mai 2024)

[9] « Osnabrücker Thesen », op. cit., p. 472.