Ma présence au colloque
J’aimerais d’abord vous dire comment j’ai vécu ce colloque: « Le Corps de la femme dans l’Eglise ». J’y étais avec mon corps qui a ressenti la chaleur, la fatigue, la soif, la faim et aussi la joie. J’y étais avec mon esprit qui essayait de saisir toutes les interventions, de capter les nuances de langage et de comparer avec mon expérience. J’y étais avec tout mon désir de comprendre, d’apprendre, de donner, de m’impliquer. Je me suis sentie rejointe dans ma condition de femme.
Après deux semaines, voici ce que j’ai envie de vous dire.
Il m’apparaît que l’oppression de l’Eglise vis-à-vis de la femme passe par son corps, par sa sexualité. Femme-tentatrice, séductrice, vierge, impure etc… dans une opposition vierge mère-putain.
L’Eglise s’assure une main mise sur le corps de la femme en proposant ces images. Elle refuse à la femme l’autodétermination. Nous sommes encore des colonisées. On nous refuse, la liberté de disposer de nos corps, à travers les préceptes sur la mariage la contraception et l’avortement. Sous prétexte d’abus, de débauche, on dit aux femmes leur incapacité à disposer de leur corps, à freiner leurs désirs, à se conduire d’une façon acceptable. Nous sommes encore les mi-hommes mi-bêtes, incapables de se conduire seules.
L’Eglise affirme notre non-ressemblance physique avec le Christ-homme. Cela sous-tend une reconnaissance de l’infériorité de la femme.
La dimension corps de la femme est taboue. L’homme rejette cette dimension, refuse son propre corps à travers celui de la femme.
Toute l’Histoire explique ces attitudes. Je dis bien explique; jamais je ne croirai qu’elle les justifie.
C’est toujours difficile de prendre la parole et de se faire entendre. La place qu’on nous donne est mince comme un fil. Comment en faire un beau tissu souple et épais? Peut-être en mettant tous nos fils ensemble, en solidarité.
Peut-être en tenant des tribunes parallèles, peut-être en tenant une élection parallèle? Du pape, par exemple. Aucune femme sur les 700 millions (dont nous sommes la moitié) n’a eu droit de vote dans cette affaire. Nous sommes les papesses du silence et de la résignation et de la soumission.
Le chemin de notre parole en est un de désir et de volonté. Les nôtres d’abord et ceux de nos compagnons d’humanité. Je rêve de ce jour où nous serons ensemble.
Rimouski, 4 septembre 1978. France Bélanger