A PROPOS DES FEMMES ET… DE LA SOLIDARITE
Marie-Andrée Roy
– « Moi j’aime bien mieux travailler avec les hommes; parle-moi pas de m’retrouver dans une équipe de femmes. »
Voilà des propos que nous entendons fréquemment et qui me semblent symptomatiques de notre actuelle condition de femme.
Nous les femmes n’avons pas l’habitude de nous retrouver ensemble et je dirais même qu’on nous a appris à nous considérer comme des rivales. La course aux maris, le désir de captiver l’attention du patron ou de se faire remarquer par les hommes et d’attirer leurs compliments, voilà autant de raisons qui nous ont motivées pendant longtemps à ne pas nous unir. A qui profite cette situation ? Aux hommes bien entendu, qui ont tout avantage à nous voir divisées pour mieux régner ! Ce qui m’apparaît plus grave c’est que nous les femmes avons cru tenir notre valorisation des hommes: tant qu’une femme est admirée, choyée, désirée par les hommes, elle a de quoi être fière (tant qu’elle est un bon produit vendable); si les hommes la délaissent, ne la désirent plus, elle ne vaut plus rien. Je pense montrer ici un élément spécifique de notre aliénation: ne pas être convaincues que nous tirons notre valeur de notre productivité, de notre travail et de notre créativité mais plutôt croire que notre valeur est extérieure à nous, dépendante de l’opinion qu’ont les hommes de nous.
Nos aînées du début du siècle avaient amorcé un mouvement de libération. Celui-ci, après une expansion rapide, spectaculaire et parfois violente, fut étouffé par l’idéologie mâle occidentale de la femme au foyer. Après la conquête du droit de vote et de l’accessibilité à l’université, la découverte de la solidarité féminine, nos grand-mères retournèrent à leur cuisine et « firent beaucoup d’enfants ».
Il a fallu attendre 1968 pour que renaisse, plus fort que jamais, notre désir de libération. Un peu partout, des groupes de femmes se forment; on a besoin de se retrouver, de partager notre vécu de femmes et de s’unir pour défendre nos droits et lutter contre nos asservissements.
Comme théologiennes nous avons beaucoup de chemin à faire. Nous sommes éparpillées un peu partout au Québec, toujours minoritaires, rarement prises au sérieux par nos « confrères »; nous avons donc tout avantage à nous retrouver, à nous solidariser, pour que NOTRE PAROLE éclate avec force dans l’enceinte de la théologie québécoise.
Mont-Joli, 4 septembre 1976.