À PROPOS DES FEMMES ET DU HOCKEY ET DE CEUX ET CELLES QUI NOUS ONT INITIÉES
Monique Hamelin, Vasthi
J’avais entendu parler que des théologiens s’étaient commis d’un livre sur le hockey et la religion. Cela avait piqué ma curiosité.
Allez savoir pourquoi puisque je ne suis pas une adepte du hockey sauf si la Sainte-Flanelle participe aux éliminatoires ou si une équipe féminine de hockey fait la nouvelle ou quelqu’un de ma famille joue en amateur. Je ne prise pas non plus les analyses d’après matchs sauf si on commente le fait que l’excellent hockey féminin ne reçoit pas la couverture médiatique qui devrait lui revenir. Et donc, je n’ai pas plongé dans La religion du Canadien de Montréal1 jusqu’au moment où j’ai pris conscience que dans ce bouquin, il y avait un seul article signé par une femme et que c’était comme un commentaire d’après match ! Voilà ma curiosité piquée à vif.
Denise Couture de la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal et membre de L’autre Parole signe ce commentaire d’après match, cette prise de parole après le fait qui fait partie intégrante de la vie des vrais amateurs de hockey. L’auteure de : «Les femmes, le hockey et la religion» retrace entre autres son initiation au hockey. Sa mère a transmis sa passion à sa fille et à son fils cadet alors que le père et l’aîné ne s’y intéressaient pas. De son côté, l’auteure semble avoir donné la piqûre à son fils – des analyses d’après joutes animent leurs échanges.
Et tout comme la «petite madeleine» de Proust cela a fait surgir un pan de mon passé. Je me suis revue regardant mes premiers matchs de hockey. Les rituels du samedi soir… le repas en famille, Disney, le bain et le hockey. Les années cinquante… Nous venions d’avoir la télévision, j’étais assise à côté de mon père. Mon frère, cinq ans plus jeune, allait éventuellement au lit et je pouvais regarder toute la partie avec mon père. Ma mère n’était pas une adepte du hockey ni de la télévision. Mon père n’était pas bavard, mais j’étais là près de lui. C’était le temps du papa avec sa grande fille… de rares moments où nous «faisions» quelque chose ensemble… Ici et là dans ce livre, les auteurs nous livrent de ces moments marquants. Et vous, lectrices, lecteurs, quels sont ces moments, quels sont ces instants de communion, communion avec vos proches, avec la vedette, la vedette avec l’équipe, l’équipe avec le partisan, la partisane et la joie ultime, tout le monde ensemble dans un même moment d’euphorie? Un grand chant d’allégresse quand le but vainqueur est compté, quand notre équipe gagne. À cet égard, Denise Couture cite Michel Serres qui retrace le mystère de cette communion à des moments archaïques, enfouis dans nos commencements d’êtres.
Mais c’est de l’analyse féministe de l’auteure dont je veux brièvement vous entretenir car j’ai apprécié. En retraçant à grands traits les étapes du féminisme, elle rappelle que nous avons cherché la «Grande Raison du sexisme» qui continue de nous opprimer puis nous avons opté pour la recherche des solutions. Les pistes sont multiples pour lutter contre le caractère systémique et structurel du sexisme. Et «l’une des stratégies de changement consiste à valoriser une diversité de manières de faire et de vivre afin de briser la norme unique d’un modèle féminin et de lézarder le système patriarcal (phallocentrique) sur plusieurs fronts en même temps. Ces diverses positions sont la critique, le rejet, l’inclusion, l’intégration voir la réinvention créative…» p. 166
C’est ainsi, comme le rappelle l’auteure, que peuvent coexister des critiques du sport professionnel masculin, des valeurs de domination qui y sont véhiculées alors que d’autres, jouent et commentent professionnellement ou alors comme amateures. Pour Denise Couture, la question est de savoir: «Que produirait la manifestation de plus de féminin et de féminisme dans le monde du hockey ? » (p.172)
Se référant à Tracy J. Trothten, l’auteure note que «cela risque de modifier la manière d’aborder le sport.» (p.172) Ainsi, le sport serait plus comme un jeu, un processus qui a une valeur en soi avant ses résultats. La beauté du jeu de l’équipe féminine aux Olympiques, voilà qui a fasciné… mais si l’équipe n’avait pas gagné, cela aurait-il fasciné autant? Mais si elles ont gagné, c’est en partie grâce à la beauté du jeu. La beauté du jeu peut peut-être advenir par le fait que le placage n’est pas permis au hockey féminin. C’est ainsi que se réécrit en partie les valeurs de domination.
Mais je ne vous ai pas tellement parlé des autres auteurs, je vous laisse le plaisir de découvrir les analyses et jeux de mots que l’un ou l’autre présente. Le Rocket est là, comme il se doit, tout comme l’Homo Sportivus mais, en bout de ligne, la force de frappe reste selon moi la réinvention créative que des femmes et des hommes qui aiment ce sport mettront de l’avant. Denise Couture donne des pistes. L’histoire se vit, s’analyse, s’écrit par celles et ceux qui oseront mettre de l’avant une autre culture du sport, une autre vision du sport.
1 Sous la direction : Bauer, Olivier et Barbeau, Jean-Marc. La religion du Canadien de Montréal. Éditions Fides , 2009.