Ateliers bibliques en prison  Les femmes dans la Bible, des femmes qui te ressemblent

Ateliers bibliques en prison 

Les femmes dans la Bible, des femmes qui te ressemblent

Réjeanne Martin, ex-membre et alliée de L’autre Parole

Restituer de la sève

à ce qui semblait perdu à jamais

À l’époque où je prends ma retraite (1995), je quitte le milieu collégial où deux dossiers m’avaient été confiés auprès des jeunes et des moins jeunes en appétit d’autonomie financière et en recherche de sens. Dans l’exercice de ces fonctions, j’ai accompagné quelques femmes détenues à la Maison Tanguay (nom de la prison pour femmes à l’époque), revenues aux études. S’ajoutent à cet apprivoisement des rencontres avec une ancienne élève devenue membre du conseil d’administration de la Société Elisabeth Fry du Québec, dont la mission est de venir en aide aux femmes qui ont des démêlés avec la justice pénale.

Un jour, des femmes en détention à la Maison Tanguay souhaitent des activités durant les vacances estivales, indépendantes du système carcéral. Naît alors la suggestion étonnante de leur offrir une formation spirituelle adaptée à leurs besoins et dans un langage facile à comprendre. Un programme structuré autour d’une activité qui leur permet de se sentir en confiance, d’être considérées comme des personnes qui ont du prix à nos yeux, de donner un sens à ce qu’elles vivent, de se savoir écoutées et rassurées sur leurs capacités à se réhabiliter.

Le projet prend la forme de rencontres libres, désignées comme « des ateliers bibliques » interactifs offerts à chaque quinzaine, grâce à des intervenantes biblistes ou théologiennes sous la thématique La Bible racontée à travers l’histoire de femmes qui te ressemblent1. Rédigée dans un vocabulaire simple et accessible, chaque fiche présente un bref historique enrichi de pistes d’interprétation, de rapprochements avec l’histoire des sociétés actuelles et aussi de suggestions d’application à leur vie personnelle. Une fenêtre ouverte à l’espérance, surtout par l’exemple de femmes donnant le goût de la vie par leur implication active lors de certains événements.

Des femmes qui nous ressemblent

Chaque étape chronologique de l’histoire du peuple hébreu évoque des femmes remarquables, ou victimes, ou rebelles, ou cheffes de file, des femmes habituellement ignorées ou éclipsées dans l’enseignement biblique traditionnel, dans l’ombre des hommes.

Au fur et à mesure, des parallèles et des questionnements sont lancés afin de faciliter la compréhension et la quête de sens entre ce qui a été vécu jadis et des situations similaires aujourd’hui. Autant d’occasions de s’approprier avec émotions des pans de lecture biblique. Les femmes ne sont pas indifférentes, loin de là. Il se passe quelque chose de vital dans leurs parcours de vie personnelle et leur désir de se sortir de l’enfermement.

Ainsi, parmi les parallèles, notons : l’exil des Hébreux en Égypte et l’exil des Acadiens. Les fils premiers-nés tués en Égypte et leurs accoucheuses telles Shiphra et Pua versus les naissances de filles éliminées par des infanticides dans certains pays. La Tour de Babel et la mixité migratoire de notre époque. Le déluge et les dérèglements de la nature aujourd’hui. La répudiation de Cippora, femme étrangère, devenue l’épouse de Moïse au grand dam d’Aaron et Myriam. Les filles de Célofehad décédé qui revendiquent leurs droits à l’héritage paternel. Des exploits de femmes capables de briser les plafonds de verre, de prendre des responsabilités même politiques, comme la sage juge Déborah, l’audacieuse reine Vasthi, l’étrangère Ruth fidèle à sa belle-mère Noémi.

Ouvrir des espaces de salut

Depuis 2004, le projet des ateliers bibliques, sous la gestion de la Société Elizabeth Fry du Québec, bénéficie du soutien financier de la Congrégation des Sœurs de Sainte-Anne. Un projet éducatif tout à fait en symbiose avec sa mission d’éducation, née d’une volonté d’aider les « exclus de la connaissance », exclus à cause de la domination affirmée de Lord Durham sur les écoles du Québec 2 . Par des subventions annuelles, les Sœurs de Sainte-Anne soutiennent toujours des projets semblables. Car le concept « connaissance » s’est rapidement développé sous la forme d’autres apprentissages dès les débuts de la Congrégation dans les années 1850 (musique, peinture, sciences naturelles, soins de santé).

L’éducation aux mille visages, une voie de salut offerte contre l’exclusion.

 

1 Pour plus d’information sur les Ateliers bibliques, voir le site de la Société Élizabeth Fry du Québec : www.elizabethfry.qc.ca/Ateliers bibliques

2 Lord DURHAM. Rapport sur les affaires de l’Amérique du Nord britannique (1839), traduit et reproduit sous le titre Rapport Durham, Montréal, Les Éditions Sainte-Marie, 1969.