Des groupes religieux, sociaux ou politiques conservateurs participent activement à une offensive anti-choix sur le plan mondial. Le Vatican et des groupes catholiques prennent part à cette offensive. Leur action a un impact au Canada et à la Chambre des communes. Dans ce contexte, nous, membres de la collective L’autre Parole, pensons qu’il est important de prendre la parole comme féministes et comme chrétiennes. Nous affirmons que c’est une déformation du christianisme de penser qu’il commande une position anti-choix.
Nous soutenons une position « pour la vie et pour le choix ».
1. Nous sommes « pour la vie »
1.1 Cette vie, don divin, est présente en tout être vivant dans la nature. Un utérus vide est encore un utérus vivant puisqu’il est formé de millions de cellules où circule le flux de la vie et qu’il appartient à une femme, qui est bien vivante, elle aussi. La vie se transforme, mais c’est toujours la vie. Elle circule partout, elle ne vient pas d’une décision d’en haut. Il y a de la vie et de la mort dans la vie. Dieue 3 se donne, présente, en chaque forme de vie.
1.2 Nous sommes conscientes que l’interruption volontaire de grossesse met en question la vie d’un être humain en devenir. Dans une vision écoféministe de l’interdépendance de toutes les formes de vie, notre respect et notre amour de la vie demeurent intimement liés à notre profond respect et à notre solidarité avec les femmes qui font face à la décision d’interrompre leur grossesse.
2. Nous sommes « pour le choix »
2.1 Nous avons confiance dans la capacité de choix des femmes. Elles sont des sujets, responsables, capables de se positionner sur cette question éthique et politique. Le choix ultime leur revient. Notre position part de l’expérience et de la vie de chacune de ces femmes aux prises avec cette décision toujours difficile et parfois déchirante. Notre position part du cœur et du corps des femmes dont la santé et l’intégrité doivent être protégées.
2.2 En cela, nous nous inspirons de la pratique et de l’amour infini que Jésus a manifesté tout au cours de sa vie. De fait, le Nazaréen a toujours accueilli les personnes, hommes ou femmes, telles qu’elles étaient, avec leur complexité d’êtres humains. Pour lui, chaque individu était digne et libre.
3. Nous sommes pour une vie durable et pour un choix durable
3.1 Nous nous inspirons d’une vision écologique et durable de la vie. Entre le choix de faire naître et celui de ne pas faire naître, nous privilégions le plus « durable » : celui qui permet de faire naître d’autres choix, celui qui n’enfermera pas dans une situation intenable de détresse psychologique, de carences en éducation ou de précarité économique. Nous privilégions le choix qui ouvre les portes à d’autres possibles au lieu de condamner.
3.2 Nous souhaitons une éducation pour une responsabilisation des hommes à l’égard de leur fertilité.
3.3 Pour nous, respecter la vie, c’est d’abord respecter celle qui existe déjà : celle des femmes elles-mêmes. La vie est complexe. C’est pourquoi nous acceptons que les femmes, en choisissant souvent la « moins mauvaise » des solutions, puissent faire des choix ambigus, des choix imparfaits et même erronés. Très souvent, elles sont en zone grise : ainsi va la vie réelle, celle d’êtres humains et non de doctrines pures et vertueuses. Nous répétons aujourd’hui le cri lancé par L’autre Parole en 1982 : « La vie des femmes n’est pas un principe! »
3.4 Pour que le choix soit possible, nous pensons qu’il faut mettre à la disposition des femmes les services nécessaires pour qu’elles puissent exercer ce choix en tout respect et en toute connaissance de cause. Le mouvement féministe a conquis de haute lutte la possibilité de mettre en place des services d’interruption volontaire de grossesse qui soient sécuritaires et disponibles dans toutes les régions du Québec. Il reste encore du travail à accomplir, tant au niveau de l’accessibilité des services qu’au niveau de la recherche permettant de mieux comprendre le phénomène.
3.5 Nous sommes persuadées que ce droit acquis est toujours à défendre. Il n’est pas temps de reculer, mais de poursuivre notre lutte pour de meilleures conditions de vie des femmes. Nous nous situons en solidarité avec les femmes qui luttent partout dans le monde pour l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, « pour la vie et pour le choix ».