Le grand départ de Nicole Laurin Frenette (1943-2017)
Sociologue émérite, professeure à l’UQAM puis à l’Université de Montréal, Nicole Laurin est une incontournable pour comprendre le Québec contemporain. Celle qui a étudié entre autres les rapports entre Église et État, celle qui a approfondi la question des religieuses, ces travailleuses dans le patriarcat catholique, et celle qui rappelle le rôle central de la théorie féministe pour poser le questionnement fondamental sur les rapports sociaux de sexe pour les femmes, est partie une deuxième fois, pourrait-on écrire.
En effet, celle qui cherchait à débusquer le pouvoir, à montrer son fonctionnement, les mécanismes de reproduction et même de son renforcement n’a pu lutter à armes égales contre la maladie d’Alzheimer qui a conduit à une prise en charge par nos grandes institutions de soins. Elle s’est éteinte à Québec, le 21 mars 2017.
Sous la plume de Laurin avec Danielle Juteau et Lorraine Duchesne, les religieuses sont, à nouveau, des personnes, des sujets, des travailleuses qui reçoivent des obédiences. L’occultation et l’appropriation par une société patriarcale de leur travail d’éducatrices, d’administratrices et de soignantes sont enfin nommées, la reconnaissance devient possible. Les religieuses partagent avec d’autres femmes une aliénation commune : elles sont collectivement appropriées par la classe des hommes. C’est le travail de Laurin et de ses consœurs qui a permis de comprendre l’Église catholique comme une institution patriarcale. Ce travail de défrichage a ouvert la voie à d’autres chercheures pour saisir l’appropriation des « ouvrières de l’Église », un autre groupe de femmes à l’œuvre dans l’Église.
Elle a été une rebelle en sociologie, une audacieuse en recherche, une intellectuelle de haut niveau. Elle invitait les femmes à l’être également. Nous la remercions pour son leadership et son appel à la vigilance en tout temps. (M.-A.R. et M. H.)
Source de la photo : http://www.coopfuneraire2rives.com/avis-de-deces/nicole-laurin-frenette-141074/
Écologie et féminisme
Le 8 mars dernier, le Centre de recherche Sophia de l’Université Saint-Paul à Ottawa accueillait la Professeure Hilda Koster, professeure au Concordia Collège, Moorhead, Minnesota. Professeure Koster y enseigne en théologie et éthique chrétiennes avec une spécialisation en écologie et féminisme.
Du 8 au 10 mars, en plus de quelques rencontres avec les professeurs-res et doctorants-tes, elle a prononcé une conférence intitulée : Planetary Solidarity: Gender and Climate Justice in Global Perspectives. Elle a développé comment les changements climatiques affectent tout le monde, mais particulièrement les pauvres et, incidemment, davantage les femmes vivant dans les milieux défavorisés. Bien que ces dernières, en particulier dans les pays du Sud, font peu pour causer ces changements, elles sont celles qui en souffrent le plus actuellement. Elle établit clairement un lien entre justice climatique et justice du genre. Son dernier livre traite du sujet dont elle nous a entretenu : Planetary Solidarity: Global Women’s Voices on Christian Doctrine and Climate Justice (printemps 2017). Elle travaille actuellement sur une monographie : Creation and Salvation in Ecological Theology.
La conférence du 8 mars, tout comme les diverses rencontres avec elle, ont contribué à d’intéressantes discussions et à de nombreuses prises de conscience des dommages environnementaux sur la vie des femmes et des enfants plus démunis. Ces personnes sont les plus affectées par les nombreuses injustices souvent occasionnées par le pouvoir capitaliste et patriarcal. (P.D.)
Source photo : http://ustpaul.ca/en/planetary-solidarity-gender-and-climate-justice-in-a-global-perspective_6130_17.htm
Une librairie féministe voit le jour
En décembre dernier, une librairie féministe, l’Euguélionne, ouvrait ses portes au 1426 de la rue Beaudry dans le quartier Centre-Sud de Montréal. Son nom est le titre du premier roman féministe écrit au Québec par l’écrivaine Louky Bersianik, paru en 1976. Mis sur pied par un collectif de jeunes féministes et grâce à une campagne de socio financement, la jeune librairie compte plus de 2 000 livres, des cartes postales, des imprimés et des affiches d’artistes féministes. Son but est d’offrir des livres et des activités féministes dans un lieu accessible, inclusif et accueillant où il fera bon se retrouver, bouquiner, s’éduquer et échanger.
Pour en savoir plus sur leurs activités : http://librairieleuguelionne.com/contact/
Sa mise sur pied n’est pas sans rappeler la première librairie féministe au Québec, la Librairie des femmes, située sur la rue Rachel à Montréal. Elle était alors le centre névralgique et effervescent de la militance féministe.
Longue vie à L’Euguélionne! (L.D.)
Sources : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1006107/librairie-feministe-montreal-livres
https://www.gazettedesfemmes.ca/12865/leuguelionne-une-librairie-feministe-a-montreal/
La Grande Marche des femmes
Le samedi 21 janvier, au lendemain de l’assermentation de Donald Trump à titre de président des États-Unis, près de 1 million de femmes américaines se sont rassemblées à Washington pour dénoncer son arrivée à la Maison-Blanche et son mépris envers les femmes, et lui rappeler l’importance de l’égalité, de la diversité et de l’inclusion. Leur message : « Les droits des femmes sont des droits humains ». Mais à travers les slogans, les pancartes et les discours, les marcheuses et marcheurs témoignaient de la diversité de leurs luttes pour les droits des immigrants, des LGBTQ+, des personnes marginalisées… En signe de solidarité, environ 2 à 3 millions de personnes ont participé à près de 700 marches qui se sont déroulées dans 70 pays. Elles étaient 100 000 à Londres, 5, 000 à Paris, 50 000 à Toronto et 2 000 à Montréal. (L.D.)
Sources : http://www.lemonde.fr/international/article/2017/01/21/
la-marche-des-femmes-anti-trump-rassemble-des-milliers-de-personnes-en-australie_5066580_3210.html
http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/489800/manifestations-mondiales-contre-donald-trump
Photo: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Women%27s_March_(VOA)_14.jpg
Le féminisme autochtone
Les principes fondamentaux du féminisme autochtone reposent sur « un féminisme global considéré comme un mode de vie qui court dans nos veines et bénéficie de l’appui de notre lignée matriarcale ». Le féminisme autochtone, c’est un mouvement de femmes autochtones désireuses de rétablir le savoir ancestral, c’est un appel à l’équilibre et au respect mutuel entre nos sœurs, c’est aussi un mouvement où les femmes dénoncent avec force les répercussions de la colonisation. Le féminisme autochtone est à mieux connaître et apprivoiser, car il vient nourrir et interpeller notre féminisme souvent trop étroit. (L.D.)
Sources : Sarah Konwahahawi Rourke, « Le féminisme autochtone : un héritage à transmettre » dans Perspectives, numéro 23, février 2017 (www.ctf-fce.ca), synthèse d’un article paru dans Geoscope de la Quebec Association of Geography Teachers, automne 2016.
Le 8 mars 2017 : la grève des femmes
La grève de milliers de Polonaises vêtues de noir le 2 octobre 2016 pour empêcher l’adoption d’une loi visant à interdire totalement l’avortement a été reprise quelques jours plus tard par des Sud-Coréennes pour le même motif. Puis le 19 octobre, des centaines de milliers de femmes de presque toute l’Amérique latine, également vêtues de noir, quittent leur travail pendant une heure pour défiler contre les violences machistes. La militante polonaise et écrivaine Klementyna Suchanow décide de créer avec les militantes féministes argentines un groupe Facebook auquel se joigent des femmes d’Irlande, d’Israël et d’Italie : de ces échanges nait l’idée de coordonner les mouvements de protestation sur les cinq continents à l’occasion du 8 mars 2017.
Des organisations de plus de cinquante pays ont répondu à l’initiative de la Grève internationale des femmes dont la Russie, la Corée du Sud, le Pakistan, le Tchad, le Cambodge, le Brésil, le Pérou, la Turquie, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne. La France et les États-Unis. Un seul slogan « la solidarité est notre arme », en réponse à la violence « sociale, légale, politique, psychologique et verbale que les femmes subissent sous diverses latitudes ». En raison de la diversité des situations, les initiatrices « du jour sans femmes » ont décidé de laisser à chaque organisation la liberté. Dans certains pays, comme le Canada, qui n’ont pas emboité le pas à la grève, les femmes sont invitées à porter du rouge en signe de solidarité.
Cette Grève internationale rappelle la première grève massive des femmes qui a eu lieu en Islande, le 24 octobre 1975 alors que 90 à 95 % des femmes se sont mises en grève et ont manifesté contre la double journée de travail, paralysant littéralement le pays. Revenir à une politisation de la Journée internationale des femmes n’est pas un luxe mais une nécessité. (L.D.)
Sources : http://cdeacf.ca/evenement/2017/03/08/portez-rouge
http://www.lesinrocks.com/2017/03/09/actualite/droits-des-femmes-un-succes-pour-la-greve-du-8-mars-11921034/
http://www.lemonde.fr/international/article/2017/03/07/une-greve-internationale-des-femmes-annoncee-pour-le-8-mars-dans-cinquante-pays_5090632_3210.html
Un hommage bien mérité lors des Journées sociales du Québec
Les Journées sociales du Québec (JSQ) 2017 se tenaient à Chicoutimi du 5 au 7 mai derniers.
Initiées au Québec il y a plus de 25 ans par des chrétiens et chrétiennes convaincu-e-s que l’Évangile a son mot à dire dans la création d’un monde plus juste et solidaire, ces journées en étaient à leur dernière édition, sous leur forme actuelle. L’avenir dira comment se poursuivra leur action.
Le thème de cette dernière édition était : « L’économie sociale : pour quel monde ? ».
De belles présentations d’entreprises d’économie sociale nous ont été faites, entre autres, celle de la COOP de Solidarité du Lac Kéno et celle de la Coopérative forestière Ferland-Boileau qui fait vivre tout un village.
Cependant, d’autres témoignages m’ont laissée perplexe. Il me semble, que certaines initiatives « qui prennent soin des plus démuni. e. s » et qui portent le nom « d’entreprises d’économie sociale » sont plutôt des entreprises qui favorisent le « désengagement de l’État ».
Pour moi, le terme même d’« économie sociale » prête à confusion. Qui économise quoi ? Qui profite de quoi ? Tout n’est pas clair et nous devons rester vigilant-e-s. s afin d’éviter que n’importe qui s’empare de ce terme et favorise le « désengagement de l’État ».
Par ailleurs, l’hommage rendu à Yvonne Bergeron et Florent Villeneuve, deux piliers des JSQ tout au long de leur existence, ne m’a aucunement laissée perplexe ! Le texte, rédigé et lu par Lise Baroni est disponible sur le site Facebook de la collective (L’autre Parole. Femmes, féministes et chrétiennes). Ce texte rappelle entre autres l’engagement féministe d’Yvonne Bergeron et de Florent Villeneuve. La force et la ténacité de leurs engagements dont celui envers les femmes ont été reconnues. Yvonne Bergeron et Florent Villeneuve ont non seulement réfléchi, parlé, mais elle et il ont agi pour qu’advienne une société plus juste, plus égalitaire. Merci à ces deux-là pour le travail de réflexion et d’action. Nous ne pouvons que souhaiter qu’elle et il continuent encore longtemps. (C.T.)
Fatima El Fihriya, fondatrice de la plus ancienne université du monde
À la mort de son père, Mohamed El Fihriya, Fatima et sa sœur Maryam héritent d’une grande fortune. Après une longue période de prière et de méditation Fatima décide de dépenser cet argent au service de la connaissance et de la foi : en 859, elle fait construire à Fès au Maroc la mosquée Al-Qarawiyyin. En quelques années, la mosquée attire de grands savants et devient une école très renommée qui fait office d’université, la première de l’histoire. On y enseigne entre autres la religion, la grammaire, la médecine, les mathématiques, et produit de grands penseurs, théologiens, philosophes ou astronomes. Cette université est la plus ancienne encore en activité. Comme beaucoup de femmes, la contribution et le rôle majeur joué par Fatima El Fihriya a longtemps été ignoré. (L.D.)
Sources : https://www.imanemagazine.com/fatima-al-fihriya-fondatrice-de-la-plus-ancienne-universite-du-monde/
Fatima el Fihriya, fondatrice de la première université
Photo: http://www.oumzaza.fr/030415-fatima-al-fihriya/
À voir…
Les figures de l’ombre
Film à voir pour la leçon d’histoire et l’hommage rendu aux oubliées, Les figures de l’ombre (Hidden Figures 2017) lève le voile sur l’apport de trois scientifiques afro-américaines à la conquête de l’espace dans les années 1960. Ce film de Theodore Melfi, basé sur une histoire vraie (et sur le livre éponyme de Margot Lee Shetterly), raconte avec humour l’histoire de l’ascension pénible et semée d’embuches de trois amies et collègues mathématiciennes Katherine Johnson, Dorothy Vaughan et Mary Jackson au sein de la NASA dans une Virginie ségrégationniste. Injustices et frustrations constituent leur pain quotidien, alors qu’elles devaient composer avec une double discrimination soit celle envers les femmes, et celle envers les Noirs.
Katherine Johnson, physicienne, mathématicienne et ingénieure spatiale, a contribué aux programmes aéronautiques et spatiaux de la NASA, dont les premières missions de John Glenn et Alan Shepard, et du vol Apollo 11 vers la Lune en 1969. De son côté en 1949, Dorothy Vaughan prend la tête du West Area Computer, un groupe de travail composé entièrement de mathématiciennes afro-américaines et a consacré le reste de sa carrière à l’électronique, l’informatique et la programmation Fortran. Quant à Mary Jackson, elle devient en 1958, la première femme noire ingénieure de la NASA et termine sa carrière à titre de responsable du programme pour les femmes d’égalité des chances de la NASA.
Des femmes inspirantes, courageuses et déterminées. À la fin du film, un immense sentiment de fierté et de joie s’empare de nous. À voir absolument ! À surveiller l’arrivée du film dans un club vidéo près de chez vous. (L.D.)