Célibat choisi ou céli-choix
Dans notre société branchée sur l’épanouissement des personnes, peut-on parler de vivre pleinement ses relations humaines sans inclure l’usage de la sexualité ? Le bonheur peut-il fleurir en dehors des relations de couple ?
Mon propos n’est pas de déprécier la sexualité qui est une composante inéluctable de l’espèce humaine. Ma réflexion porte plutôt sur l’impératif de son exercice ainsi que sur l’espace de liberté qui président à son usage. La société permissive qui est nôtre peut paraître libératrice… mais l’est-elle vraiment ? Cela m’amène à poser les questions suivantes : La relation sexuelle est-elle un passage obligé vers l’épanouissement humain ? Qu’arrive-t-il à celles et à ceux qui s’en écartent par choix ? Pour éclairer quelque peu ces questions, je n’ai fait ni enquête ni sondage. Je m’en suis tenu à l’expérience qui est la mienne et que je vous livre en toute simplicité.
Pour moi vivre ou ne pas vivre sa sexualité dans toutes ses dimensions dans le but de s’épanouir relève d’un choix libre et personnel. Je sais que cette liberté de choix n’est pas facile à exercer aujourd’hui. Des pressions multiples incitent à croire qu’il est impossible et surtout qu’il n’est pas sain de vouloir vivre sans l’usage de cette dimension charnelle présente dans tout être humain. Le cas de bien des jeunes, encore à l’adolescence, qui se sentent comme obligés d’être actifs sexuellement sans autre motivation bien souvent que « tout le monde le fait », ne confirme-t-il pas cette appréhension ?
Pour moi, l’activité sexuelle n’est pas automatiquement facteur d’épanouissement. Elle peut aussi bien détruire que construire une personnalité. L’être humain, étant ce qu’il est, seul ce qu’il assume par un choix libre et personnel peut contribuer à le construire et à l’épanouir. Mon option pour le célibat (céli-choix) comme façon de vivre m’a permis de développer jusqu’ici des relations vraiment épanouissantes, où je me sens libre et capable d’échanges vrais et en profondeur. À travers mes engagements, qui sont aussi des choix, je jouis d’une vie affective bien satisfaisante. Ma capacité à vivre seule, à me sentir bien avec moi et avec mes semblables, ma soif d’autonomie, mon besoin de relations en profondeur sont autant d’atouts qui m’ont amenée à faire ce choix.
Je sais, par mon expérience, que la forme d’énergie émotionnelle que représente la sexualité peut être canalisée, exploitée et compensée par autre chose. Car loin de se limiter au domaine de la génitalité, la vie sexuelle renvoie au corps tout entier et à ses différents moyens d’expression, imprégnant tout : façons de penser, de s’exprimer verbalement ou non, de jouir, de vivre. La passion qui m’habite, l’élan intérieur qui m’anime s’expriment de mille et une façons.
Dans les liens que j’établis avec mes proches et mes ami(e)s, il va s’en dire que la parole joue un rôle primordial. Qui ne se rappelle avec émoi, telle ou telle parole qui l’a fait grandir à ses propres yeux et lui a donné confiance en la vie ? Quant au langage gestuel, qui peut dire la portée d’un simple geste d’affection, d’un élan de tendresse offert en toute vérité ? Ne peut-on trouver là des sources de bonheur épanouissant. J’ai pris conscience, au cours des ans, que le fait d’établir clairement dès le départ le genre de rapport que je souhaite établir avec autrui, en écartant tout ambiguïté, m’a permis de développer des amitiés profondes et chaleureuses. En somme les relations amicales et intimes que j’ai développées comme célibataire n’accusent aucun déficit.
DENYSE MARLEAU