CLAUDETTE BOIVIN Décès d’une pionnière féministe dans l’Église catholique québécoise

CLAUDETTE BOIVIN

Décès d’une pionnière féministe dans l’Église catholique québécoise

Marie-Andrée Roy, Vasth

Claudette Boivin (1934-2009) est décédée le 13 mai dernier à Mont-Tremblant des suites d’un cancer. Elle laisse dans le deuil son amie Hortense Roy, sa famille et de nombreuses amies féministes.

Cette travailleuse sociale de formation a œuvré toute sa vie à la transformation de la situation des femmes dans la société et dans l’Église. Lors des funérailles, une de ses anciennes compagnes de travail, Rachel Vinet, m’a raconté comment elle avait exercé un leadership novateur en mettant sur pied la garderie « La Sourithèque » dans le quartier défavorisé de Centre-sud de Montréal et cela bien avant la création des centres de la petite enfance. Elle a par la suite travaillé pour le Conseil du statut de la femme puis comme adjointe aux affaires sociales à l’Assemblée des évêques du Québec (AEQ). C’est là que je l’ai connue, cette belle femme droite, souriante et déterminée qui a eu une contribution énorme dans les dossiers de condition féminine dans l’Église catholique québécoise. Voici deux illustrations de cette contribution. La première c’est le dossier Violence en héritage qui a révolutionné la manière de penser la violence conjugale en Église. Il y a d’abord eu la publication du document Violence en héritage? Réflexion pastorale sur la violence conjugale, qui proposait une analyse féministe de la violence (ses causes, ses modes de reproduction et ses conséquences). Cette prise de position de la part du comité des affaires sociales de l’AEQ en 1989, dénonçant le système patriarcal et capitaliste, reste toujours d’une grande d’actualité. Puis, il y a eu la mise sur pied de sessions de formation de formatrices sur la violence conjugale. Ces sessions ont fait le tour du Québec et ont permis à des milliers de femmes de se conscientiser à cette dramatique réalité sociale et de développer des pratiques d’intervention féministe. Claudette Boivin a été au cœur de ce vaste processus de mobilisation en Église. Elle a également été la cheville ouvrière d’un événement qui a souligné, en 1990, le 50e anniversaire de l’obtention du droit de vote des femmes au Québec.

À cette occasion, il y a eu une célébration de la parole (Claudette Boivin était de celles qui ne souhaitaient pas une eucharistie concélébrée qui n’aurait mis en scène que des clercs) et le président de l’Assemblée des évêques du Québec, Mgr Gilles Ouellet, faisait amende honorable pour l’opposition des évêques au droit de vote des femmes en 1940.

Claudette Boivin n’a pas hésité, au début des années 1990, à faciliter le travail d’une équipe de recherche dirigée par Anita Caron pour l’organisation de rencontres avec des femmes en Église. Cette femme d’action et de réflexion aspirait à une véritable transformation de la situation des femmes en Église et avait la conviction que le changement devait s’appuyer sur de solides recherches féministes. Elle a soutenu avec énergie le réseau des répondantes à la condition féminine des diocèses et elle s’est impliquée dans le réseau Femmes et Ministères.

Pour ses funérailles, elle a voulu une célébration de la parole présidée par une femme et elle a choisi le texte de l’Évangile: la Samaritaine (Jean 4, 1-27). Cette célébration à son image, a été mise au point par Michelle Arcand et fut présidée par Gisèle Turcot. Hélène Pelletier-Baillargeon a écrit l’homélie qui a été lue par Gisèle Turcot. Cette homélie mettait notamment en relief le fait que la Samaritaine a été une femme doublement exclue par son origine ethnique et son sexe. Nous avons aussi entendu les témoignages émouvants d’une de ses sœurs, de Lise Baroni, théologienne féministe bien connue et d’un de ses amis, ancien président des 4-H. Pas un évêque ne s’est déplacé pour l’évènement. Cette absence remarquée a été comprise par plusieurs comme un manque de considération de la part des hommes d’Église à l’endroit des femmes et notamment du travail immense accompli par Claudette Boivin pour l’Assemblée des évêques du Québec.

Peu de temps avant son décès, Claudette Boivin disait: « Nous sommes dans le cœur de Dieu et nous y resterons». Je continue de méditer cette phrase qui traduit la profonde spiritualité de cette femme généreuse, déterminée, porteuse d’une force tranquille capable de remuer ciel et terre pour qu’adviennent la justice et l’égalité. Merci Claudette pour tout ce que tu as apporté aux femmes d’ici et à l’Église du Québec. Tes gestes et tes dires continuent de nous inspirer