COLLOQUE PROVINCIAL 1995 « Violence en héritage? »
Un colloque est donc organisé et il se tient au Cap-de-la-Madeleine les 1er, 2 et 3 juin 1995. Située à l’ombre du « sanctuaire », la Maison de la Madone accueillait ainsi cent quatre-vingt-dix personnes, en très grande majorité des femmes motivées par le désir d’approfondir leurs connaissances quant aux causes de la violence, à ses justifications, à ses manifestations et de se questionner sur les formes de résistance au changement.
Une mise en scène bien orchestrée nous plonge dans le vif de la problématique: Trompe-la-peur blues ». Dans la « grande salle » du Pensionnat de mon enfance, l’auteure-interprète, Véronique O’Leary, séduit son auditoire en l’emmenant, selon son expression, « au pays des frémissements de joie, d’horreur, de plaisir, de colère, d’amour, de révolte et de clins d’oeil… »
Dès l’ouverture du Colloque, la coordonnatrice, Michèle Daneau, invite l’assistance à entrer dans un processus pour « ensemble briser l’engrenage » de la violence qui, depuis des millénaires, est maintenue en place par un pouvoir patriarcal omniprésent dans toutes les sphères de la société. Violence en héritage? avait étudié sérieusement et courageusement le problème de la violence conjugale et en avait tiré des pistes d’action. La programmation du Colloque 1995 va plus loin. Une incursion du côté de la justice, des politiques sociales, des médias et de la religion a permis de constater que le système patriarcal cautionne socialement la violence faite aux femmes, et cela, en dépit de toutes les chartes des droits et libertés et môme de certaines règles de morale.
Au cours de sa conférence, Chantale Boudreault du Regroupement Provincial des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, a brossé un tableau de la violence, son historique, ses justifications et apporté certaines pistes de solution, comme:
. reconnaître que la réhabilitation contribue à déresponsabiliser l’auteur de la violence et à sanctionner la victime;
. combattre les attitudes silencieuses qui banalisent la violence…
En résumé, elle affirme que la violence étant un problème social, elle ne sera vaincue que par une réponse sociale.
Les différents ateliers thématiques ont permis aux participantes et aux participants d’échanger avec des personnes-ressources. Celui auquel j’ai assisté nous a permis de constater, preuves à l’appui, comment certaines politiques sociales étaient discriminatoires envers les femmes – surtout monoparentales – soit en raison des faibles allocations versées par le Bien-être social, soit en ce qui concerne l’éligibilité à l’assistance judiciaire. (Excellent exercice que celui de comparer son budget personnel applicable aux nécessités vitales à celui qui, dans une situation familiale identique, serait versé selon la grille officielle du Bien-être social. Ça provoque la réflexion…)
Un colloque comme celui-là constitue un lieu privilégié de rencontre de personnes sensibilisées à un problème tel que la violence. Il permet d’échanger, de mettre en commun les expériences, de se ressourcer, de se serrer les coudes et de développer des solidarités. Ce Colloque 1995 ne fait pas exception à la règle et beaucoup se sont déclarées très satisfaites.
Certaines, qui avaient souhaité « aller plus loin » n’ont pas l’impression d’avoir vu leur désir exaucé. Selon elles, le colloque n’a pas osé assez. On peut être satisfaite du survol sociologique réalisé durant cette rencontre, mais a-t-il généré du « concret »? Il aurait sans doute été avantageux d’explorer davantage les voies de dépistage de la violence latente, et de chercher des instruments nouveaux pour « Ensemble briser l’engrenage ».
Toutefois, il faut se réjouir que l’assemblée, dans un geste unanime, ait décidé:
. d’envoyer une lettre à la ministre de la Sécurité du revenu, Madame Jeanne Blackburn;
. de faire parvenir une communication télécopiée à l’Assemblée des évêques du Québec pour solliciter un support au suivi;
. de participer d’une manière importante à la grande marche des femmes « Du pain et des roses » le dimanche 4 juin.
EDITH RICHARD,
RÉSEAU OECUMÉNIQUE DES FEMMES DU QUÉBEC