COMMENT UNE ÉGLISE ÉGALITAIRE PEUT-ELLE MIEUX REMPLIR SA MISSION ? Une communauté de laïques dans l’institution

Une communauté de laïques dans l’institution

Michèle Beaulac[1]

 

La Communauté chrétienne Saint-Albert-le-Grand (CCSA) est un regroupement de chrétiens et de chrétiennes engagé·es à vivre l’Évangile à la lumière du concile Vatican II. Chercheurs et chercheuses de Dieu, quel que soit leur itinéraire, ses membres partagent l’eucharistie dominicale pour s’approprier la Parole et nourrir leur vie fraternelle et leur engagement à faire advenir un monde de justice et de paix. La communauté se construit par une liturgie réfléchie et signifiante, la prise en charge communautaire de son action pastorale et des projets à vivre entre les dimanches. La volonté́ de « faire communauté » doit orienter les décisions et guider l’interprétation des règles de fonctionnement.

La CCSA occupe des locaux dans le couvent des frères dominicains sur le chemin de la Côte-Sainte-Catherine, à Montréal. Elle a été fondée il y a plus de cinquante ans par André Gignac, un dominicain. Répondant à la demande de membres d’une communauté de base et d’autres personnes qui assistaient à la messe conventuelle des dominicains, il les a invités à fonder une communauté chrétienne dont les membres seraient entièrement responsables. Celle-ci accueillerait toutes les personnes qui choisiraient d’en faire partie, quel que soit leur itinéraire de vie. En 1972, malgré quelques embûches, la CCSA a été reconnue par le diocèse de Montréal comme une communauté chrétienne non territoriale, c’est-à-dire une « paroisse » n’ayant pas de territoire bien défini autour d’une église. En effet, les membres proviennent de tous les coins de Montréal et des banlieues.

André Gignac était un liturgiste et, comme le concile Vatican II avait ouvert la porte à de nouvelles pratiques dans ce domaine, il a expérimenté avec les membres de la communauté de nouvelles façons de vivre l’eucharistie et les sacrements. En peu de temps, des comités et des services se sont constitués pour la préparation des célébrations, pour les lectures, l’accueil, le service de la communion, la préparation aux sacrements, l’aide aux personnes en difficulté, un groupe de lecture biblique, des repas communautaires, l’informatique, le site web et bien d’autres.

L’organisation de la communauté

La communauté est administrée par douze personnes élues à l’assemblée générale annuelle des membres pour former le conseil de pastorale. Elles sont élues pour un mandat de deux ans. Cinq d’entre elles forment le comité exécutif : président·e, vice-président·e, trésorier·ère, secrétaire et conseiller·ère. Depuis que la communauté existe, femmes et hommes partagent les responsabilités. C’est une décision d’André Gignac que la CCSA a toujours respectée. Actuellement, huit femmes sont membres du conseil de pastorale, dont trois sont aussi membres de l’exécutif. C’est le conseil de pastorale qui est responsable de tous les aspects de la vie de la communauté, y compris des finances. Il voit à l’application des décisions de l’assemblée générale, il étudie les projets, les orientations, et prend les décisions quant à leur pertinence. C’est un lieu de discussion sur les questions de fond qui touchent la communauté. Le conseil est également responsable de l’animation de la vie spirituelle de la communauté, compte tenu de la mission de la CCSA.

Les célébrations liturgiques occupent une grande place dans la vie de la communauté.

Chaque célébration eucharistique est préparée par le comité de liturgie, qui est sous la responsabilité d’une femme. Le prêtre qui présidera la célébration y participe. Chacun·e apporte sa compréhension des textes liturgiques. On choisit un thème autour duquel vont se greffer la prière eucharistique, les intentions de prière et les chants. Nous chantons beaucoup, à Saint-Albert ! Hommes et femmes peuvent faire l’homélie.

Lorsqu’il n’y a pas de prêtre disponible, nous remplaçons l’eucharistie par une célébration de la Parole, et la présidence est exercée par un×e membre de l’équipe de liturgie. Les sacrements d’initiation chrétienne sont préparés par des personnes laïques, et la célébration de ces sacrements est préparée conjointement avec le comité de liturgie, puisqu’on les célèbre le dimanche en communauté.

Et le prêtre ? Évidemment, puisqu’on en est encore là, il préside l’eucharistie. Il participe à la préparation des célébrations avec le comité de liturgie et porte, lui aussi, la responsabilité de l’animation spirituelle de la communauté.

La communauté favorise les activités qui permettent aux membres de se connaître, d’échanger, de partager. Aux repas communautaires, un·e invité·e présente un sujet dont les membres pourront ensuite discuter ensemble. Après l’eucharistie, un café est offert et ceux qui le souhaitent s’attardent pour échanger et prendre des nouvelles des unes et des autres. Les membres à l’accueil souhaitent la bienvenue aux nouvelles personnes qui se présentent. Enfin, les activités de la communauté sont présentées à la communauté à la fin de la messe ou leur sont communiquées par courriel pour encourager la participation.

Mon expérience de la vie de cette communauté

J’ai connu la CCSA il y a à peu près dix-sept ans. Comme bien des personnes, j’ai d’abord été touchée par la beauté des célébrations. J’ai ensuite découvert l’engagement des membres à ce que la communauté demeure ouverte, accueillante et fraternelle. Il y a une volonté de la garder vivante et dynamique malgré tous les aléas qui se présentent.

Je l’ai connue davantage en étant bénévole au secrétariat pendant six ans. En juin 2023, les membres m’ont accordé leur confiance et j’ai été élue présidente pour un mandat de deux ans. Cette tâche est exigeante ; elle touche non seulement les activités internes de la communauté, mais également les liens avec la communauté des dominicains, occasionnellement avec d’autres responsables de paroisses et avec le propriétaire de l’immeuble où nous louons nos locaux. La CCSA traverse actuellement une période de remous et de vents contraires, ce qui ne facilite pas les choses.

Il y a déjà eu plusieurs femmes à la présidence de la communauté, je ne suis pas une exception. L’influence des femmes à la CCSA ne s’exerce pas seulement par la présidente, mais par toutes celles qui s’engagent dans les différents comités et services, notamment au comité de liturgie et au conseil de pastorale. J’ai espoir que nous pourrons accueillir de nouveaux membres qui partageront notre mission et notre désir de faire communauté.

[1] Michèle Beaulac fait partie de la communauté chrétienne de Saint-Albert-le-Grand, à Montréal, depuis une quinzaine d’années. Depuis juin 2023, elle y occupe la fonction de présidente. Son parcours universitaire et professionnel a été centré sur l’éducation : rééducation, enseignement et administration scolaire dans plusieurs milieux différents.