« Conscientes du fait que « la pratique et le discours de l’Eglise sont marqués au sceau de la discrimination sexiste », elles ont voulu effectuer une prise de parole collective, s’engager dans une réappropriation de leur corps, en rejetant les définitions classiques de la femme comme « homme manqué » et les définitions historiques comme « Eve ou Marie » , porter au langage leur différence féminine en retraversant le discours masculin dominant pour le démasquer et le reconstruire.
Chrétiennes soucieuses d’articuler leur action de l’intérieur même de l’Eglise, elles ont paru sensibilisées à l’hypothèse apportée par l’une d’elles: le discours dogmatique énonce un projet d’Eglise-Corps de Jésus-Christ, pour et dans la communion avec Jésus-Christ et, dans cette communion, des chrétiens entre eux; cependant il tait la situation de non-réciprocité femme-homme qui existe dans les faits et dans le discours au sein de l’Eglise qui se bâtit aujourd’hui.
C’est à partir de leur expérience vécue que les participantes du Colloque ont tente de démasquer les injustices qui sont faites aux femmes dans 1’Eglise et dans la société. Les problèmes bien connus qui suscitent des débats interminables autour de la contraception, de l’avortement et, plus récemment; du « bébé-éprouvette », etc., les mentalités qui conçoivent encore implicitement aujourd’hui la femme comme la « séductrice » qui conduit à la perdition, l’apologie traditionnelle de la virginité qui s’oppose au mariage comme le pur à l’impur, montrent avec éloquence que c’est le corps de la femme qui est aliéné depuis des siècles. La morale chrétienne et la médecine se liguent pour perpétuer cette aliénation. Le refus de la sexualité féminine (la femme est souillée) ne motiverait-elle pas pour une part et sans qu’on veuille se l’avouer le refus du mariage pour les prêtres catholiques? Quoiqu’on réclame d’un Pasteur des qualités d’accueil, de compréhension, de sympathie, de délicatesse dans l’amour qui font le Rassembleur — toutes qualités que la psychologie traditionnelle classifie comme féminines — ne continue-t-on pas à refuser aux femmes l’accès au sacerdoce?
Des femmes chrétiennes commencent à repenser la théologie et à relire la Bible avec leurs qualités et leur expérience de femmes. Elles veulent dépasser le discours symbolique traditionnel qui a, entre autres, condamné Eve à sortir de la côte d’Adam, et démasquer le discours de l’Eglise hiérarchique sur le corps de la femme. Elles réclament le droit à la parole en matière de sexualité. Elles souhaitent l’abolition du célibat des prêtres et la construction d’un sacerdoce renouvelé. Elles ne veulent pas répéter le type de pouvoir dominant qui les relègue aux oubliettes, mais elles tiennent
à prendre leurs responsabilités pour promouvoir la justice dans une Eglise qui se bâtit.
Ce colloque qui s’est déroulé dans une atmosphère de travail intense et de dialogue serein aura des suites, car 1’objectif visé n’est qu’amorcé.La réflexion sera poursuivie autour des thèmes déterminés.
Ma participation à ce colloque, où l’humour a relayé l’agressivité, a fait naître en moi la conviction que des femmes théologiennes et des femmes chrétiennes, malgré les écueils possibles d’une méthode basée sur l’expérience vécue, malgré la difficulté de dépasser le discours ambiant et les pièces de la rationalisation, sont capables d’enrichit: » l’Eglise d’une théologie nouvelle, articulée sur 1’Evangile, avec 1’idéal d’abolir les discriminations. «
Simone Plourde, Le maringouin (journal du Service de Pastorale de l’Université du Québec à Rimouski), vol. 1, no 1, p.