CONSIDÉRATIONS SUR LA MORT 1
Yvette Laprise, Phoebe
Je suis de passage et d’éternité.
De passage par ma forme physique visible (corps).
D’éternité par essence invisible (être)
Je vis ici bas dans un corps mortel (forme) mais mon essence (être) est immortel.
De ma naissance à ma mort, j’évolue sur deux plans :
Un plan horizontal, visible (manifeste), temporel,
Un plan spirituel, vertical, invisible, (non-manifeste), éternel.
Chaque personne humaine est comme un lac profond. Les circonstances extérieures et tout ce qui peut se passer dans une vie sont comme la surface du lac parfois calme, parfois agitée. C’est le plan horizontal.
En profondeur, l’eau du lac reste impassible, paisible en tout temps. C’est le plan vertical.
Le plan horizontal concerne les conditions de vie ici-bas et se termine à la mort
Le plan vertical concerne la vie réelle et débouche sur la vie éternelle.
Mais qu’est-ce donc que la vie ? D’où vient-elle ? Où est la vie pendant ma vie ? Où va-t-elle après ma mort ? Que sais-je vraiment d’elle ? La vie est venue à moi, où va-t-elle après moi ? Où s’en va mon dernier souffle de vie ? Que devient-il ? Qu’ai-je fait pour apparaître en ce monde ? Que suis-je venue faire sur cette planète ? D’où me viennent mes pensées ? mes émotions ? mes sentiments ? mes désirs ? Mes passions ?
Qui suis-je donc ? D’où viens-je ? Où vais-je ?
Répondre à ces questions existentielles m’apparaît propice à nous mettre sur la piste de la mort.
Mais parlons d’abord de la vie.
La Vie, invisible par nature, ne peut se manifester sans la matière. Derrière tout ce qui existe, il y a la Vie qui s’exprime. Chaque être matériel créé est une forme d’expression de la Vie. De la naissance à la mort, notre existence se déroule dans le temps sous l’influence de l’environnement et de la culture. Dans la mesure où nous devenons prisonnières de comportements et de rôles définis culturellement, nous sommes coupées de la conscience originelle de nous-mêmes, nous perdons contact avec ce que nous sommes vraiment et devenons des stéréotypes. Nous ne prenons pas pleinement conscience de notre être véritable.
Notre raison d’être sur terre ce n’est ni l’endroit où nous sommes, ni le geste que nous posons (plan horizontal) mais la qualité de notre conscience dans l’instant présent C’est le vivre au rythme de l’éternité (plan vertical), au rythme du Dieu de la vie et éclairé par sa lumière, car au-delà des myriades de formes de vie assujetties au cycle de la vie et de la mort, il y a la vie éternelle omniprésente au cœur de toute forme dont elle constitue l’essence invisible et indestructible, autrement dit notre véritable nature. Ainsi toute la création dans son exubérance nous ouvre sur le mystère qui nous habite.
L’expérience, l’observation nous disent aussi que la mort est au cœur de la vie, que chaque instant de la vie est un pas vers la mort, que tout ce qui a un commencement a une fin. Rien ne dure dans la dimension terrestre. Soit les choses se terminent, soit elles changent, soit elles subissent une inversion : maladie, malheur, déception… Tout cela c’est déjà la mort dans la vie. Pour comprendre et accepter la mort comme partie intégrante de la vie, il importe d’y faire face. Quand viendra-t-elle ? Y aura-t-il un avertissement ? Sera-t-elle graduelle ou rapide ? Qu’importe !
La mort
La mort est un fait universel inéluctable qui donne un sens à la destinée humaine. On peut la voir comme le rideau qui sépare l’existence dont nous sommes conscients de celle qui reste cachée jusqu’au lever du rideau. Comme tous les êtres créés, étant dans un corps physique, nous sommes vulnérables et vouées à la disparition finale de notre forme matérielle, car la forme n’existe pas pour elle-même. Nous serons un jour un cadavre en décomposition, puis une poignée de poussière et puis plus rien. C’est un fait.. Méditer profondément sur la mortalité des formes matérielles, la nôtre y compris, m’apparaît un puissant exercice spirituel.
Ce que nous percevons et nommons le corps, sujet à la maladie, à la vieillesse et à la mort, ce n’est pas entièrement nous. Ce n’est pas notre essence. Notre corps n’est qu’une enveloppe qui renferme notre être véritable. Ce que nous sommes en réalité se situe au-delà de la naissance et de la mort. Au-delà de notre forme physique, nous sommes reliées à une réalité tellement vaste et sacrée que nous ne pouvons ni la concevoir , ni la nommer. Y croire ne suffit pas . Il faut en faire l’expérience.
Le corps, symbole de limites et de mort, cache la splendeur de la réalité essentielle et immortelle de ce que nous sommes. Ce corps que nous pouvons voir et toucher n’est qu’un écran qui voile notre essence invisible reliée au grand tout éternellement présent. Par notre corps physique nous avons en commun avec tout ce qui est vivant sur la planète, la vulnérabilité et la disparition finale de notre forme matérielle mais nous existons toujours comme divine présence issue de la Source d’où émane notre conscience qui se rappelle son origine et qui revient à sa source.
On vient au monde, on vit sur terre, on meurt… et après ?
Qui peut dire avec certitude et précision ce qui se passe véritablement après la mort ?
Pour certains, la vie peut sembler un tragique malentendu comme si elle avait surgi par hasard du néant. Pour d’autres, elle est quelque chose d’indéfinissable , une essence intérieure profonde et sacrée qui existe au-delà de la beauté des formes extérieures.
Pourquoi la mort ne serait-elle pas, comme la naissance, à la fois la fin d’un monde et le commencement d’un monde nouveau dans une certaine continuité ? Pourquoi la mort, loin d’être la fin du voyage, ne serait-elle pas le passage à une autre dimension de l’existence : le passage des ténèbres à la lumière ? En rendant le dernier soupir, l’être humain, abandonnant le corps inerte, entrerait dans sa véritable forme d’existence et deviendrait pure conscience. La vie est si belle, pourquoi n’en serait-il pas ainsi après la mort ? Après tout, si Dieu a été capable de faire la Vie il doit bien pouvoir s’arranger pour que tout ne s’arrête pas avec la mort….
Quoi qu’il en soit mourir reste difficile et le restera toujours même quand nous aurons appris à accepter la mort comme partie intégrante de la vie parce que mourir c’est abandonner la vie terrestre . Mais si nous pouvons apprendre à voir la mort dans une nouvelle perspective, à la réintroduire dans nos vies pour qu’elle y devienne une compagne attendue et non plus une étrangère redoutée, nous apprendrons du même coup à donner sens à nos vies, appréciant pleinement notre finitude et les limites du temps que nous avons à passer ici –bas.
Finalement, nous ne pourrons jamais rien énoncer de vérifiable concernant la vie et la mort, à supposer qu’elles soient distinctes. Nous ne trouverons pas la vérité de notre vivant sur terre. Mais qui sait si, en la cherchant malgré tout, elle ne s’approchera pas de nous.
« J’ignore, écrit Christian Bobin, où sont ceux que j’ai aimés et qui sont morts. Je sais seulement qu’ils ne sont pas dans les cimetières même si le soleil s’incline chaque jour devant leurs tombes pour y faire briller leurs noms. »
1. Ce texte s’inspire largement du Guide d’éveil spirituel proposé par Eckhart Tolle dans son oeuvre Le pouvoir du moment présent, publiée, pour l’édition en français, chez Ariane Éditions inc, Montréal, 2000, 220 pages.