CONVERGENCE DES LUTTES FÉMINISTES ET DES RÉFLEXIONS AU COLLECTIF L’AUTRE PAROLE11976-1989
Monique Hamelin – Vasthi Monique Dumais – Rimouski
La spécificité de notre réflexion au Collectif L’autre Parole, c’est l’expression d’une parole-femme dans le champ religieux, mais d’un point de vue féministe. Dans cette optique, le thème qui nous a permis de mener le plus de luttes en solidarité avec le mouvement des femmes est celui du corps. Pour l’avenir, il faudra aussi ajouter l’accès des femmes à tous les ministères.
Le corps des femmes
Si au fil des années le thème du corps n’a pas mobilisé toutes nos énergies, il a rapidement pris une grande importance car dans le champ religieux, le corps des femmes, c’est ce qui fait problème. C’est parce que les femmes ont un corps, un corps sexué, désirant et désiré, qu’elles constituent une menace pour le groupe des clercs appelés, selon l’expression de Jean-Paul II, à se faire « eunuques pour le Seigneur »!
À travers l’histoire du christianisme, le corps pourchassé, camouflé, fouillé, violenté, dénigré, brûlé des femmes fait partie de notre mémoire, de notre conscience féministe. En même temps, il existe une tradition chrétienne du corps oint, béni, nourri, consolé, soigné, parfumé, guéri.
Au Collectif, il y a toujours un va et vient entre la critique féministe de la religion et la création, entre la réflexion et l’action. Ainsi, dès 1978, les membres furent convoquées à un premier colloque sur le thème « Le corps de la femme et l’Église ». Le but était double. Dans un premier temps, démasquer le discours officiel de l’Église par rapport au corps des femmes, puis construire en dépassant les modèles de maternité et de virginité qui nous ont été imposés, et découvrir la place centrale de la sexualité dans notre expérience spirituelle.
Violence
En 1980-81, le groupe de réflexion de Rimouski a poursuivi un projet de sensibilisation à la violence faite aux femmes. Dans le rapport final, il a souligné la nécessité de dénoncer la violence psychologique comme le point de départ des manifestations de violence.
Les solutions proposées étaient les suivantes:
– conscientiser et solidariser les femmes,
– harmoniser la vie du couple;
– apprendre à garder son identité,
– se prendre en mains,
– partager les tâches au foyer,
– développer une éducation non sexiste,
– revendiquer de l’Église catholique un enseignement qui favorise davantage la condition des femmes: par une morale familiale plus humaine, par le partage des pouvoirs à part entière.
Avortement
En 1981, à l’incitative du Collectif, une déclaration sur l’avortement fut signée conjointement avec la Coordination pour l’avortement libre et gratuit, le Centre de santé des femmes, La Vie en rose, la Fédération du Québec pour le planning des naissances. « La vie des femmes n’est pas un principe » telle était la réponse donnée à la déclaration des évêques du Québec sur l’avortement.
En 1987, suite à de nombreuses discussions à l’intérieur du Collectif, publication d’une déclaration sur l’avortement intitulée « Parole de femmes, parole de vie ». Nous avons cherché à fonder une position de libre choix en matière d’avortement à partir d’une réflexion éthique, chrétienne et féministe.
En 1989, traduction de ce texte en anglais et diffusion auprès de l’Église catholique anglophone, des juges de la Cour suprême et des députés canadiens afin de contrer le discours anti-choix très fort au Canada.
Les nouvelles technologies de la reproduction (NTR)
En mars 1987, rencontre d’une journée sur les NTR. Au mois de septembre de la même année, le colloque annuel du Collectif porta sur ce thème et en octobre, publication dans notre bulletin des résultats de ce colloque.
Autres préoccupations
L’accès des femmes à tous les ministères
C’est une question de droit, de justice et d’équité, les femmes ont accès à tous les métiers et à toutes les professions. Afin de corriger la discrimination systémique passée, la Charte des droits et libertés du Québec a été amendée en vue de permettre l’élaboration de programmes d’accès à l’égalité pour les femmes en emploi. Dans l’Église, les femmes sont encore assujetties, elles n’ont pas accès à tous les ministères. En septembre 1989, le Collectif organisait une soirée-débat qui posait cette question: « Faut-il dire oui à l’ordination des femmes? ». Pour le Collectif, il s’agit de justice et d’équité, les femmes doivent avoir accès à tous les ministères, qu’il soient ordonnés ou pas.
Conclusion
Au Collectif, l’articulation de la réflexion autour de nos trois axes: christianisme, collectif et féminisme nous a maintenues en lien étroit avec les luttes des femmes dans la société en général. Des actions ont été menées conjointement et parallèlement. Dans le futur, il y aura encore cette nécessité de travail conjoint et solidaire, même si peu de chrétiennes s’identifient comme féministes et peu de féministes acceptent d’investir le champ du religieux. Les revendications des femmes auront d’autant plus de succès qu’elles recevront l’appui d’un plus grand nombre.
1 Analyse faite à partir des grilles-bilan présentées à l’organisme Femmes en tête par Monique Dumais pour le groupe de Rimouski, par Judith Dufour pour Vasthi et par Monique Hamelin et Marie-Andrée Roy pour le Collectif dans son ensemble.