Coopératives de femmes au Bénin
Je suis une béninoise. Je fais des études à l’Université du Québec à Rimouski dans le programme de doctorat en développement régional, depuis 1996. Ingénieure agronome, j’ai étudié puis travaillé avec les coopératives de femmes de mon pays. J’ai écrit un mémoire de maîtrise intitulé : Analyse du secteur informel dans le financement des activités féminines du village de Kpossidja.
Je veux faire connaître les coopératives comme outil, comme instrument de valorisation des ressources locales spécifiquement celles des femmes béninoises dans leurs milieux.
J’aborderai l’historique, les objectifs et le fonctionnement des coopératives béninoises. Donnons tout d’abord une définition très simple des coopératives et une analyse de leurs caractéristiques. Une coopérative est d’abord un groupement des membres d’une même communauté qui mettent en place des principes de base pour le fonctionnement du groupe. Les principes se résument dans les points suivants : 1a démocratie, l’autonomie, la participation et la volonté; la formation, l’information, l’engagement envers la communauté et l’inter coopération.
Au Bénin, l’esprit coopératif est surtout caractérisé par la solidarité, l’entraide, la réciprocité, la fraternité. Mais l’organisation du travail, les règles des répartitions des revenus, les sanctions internes, le fonctionnement des organes d’administration et le contrôle varient selon l’environnement socio-économique et le type d’organisation. En effet, cela dépend des valeurs internes à la société comme le respect de la culture, les interdits, l’organisation sociale, le respect des sexes, et des valeurs externes comme le système politique ou les ONG, les projets d’intervention dans le milieu.
Historique des coopératives au Bénin
L’Afrique disposait des formes traditionnelles d’entraide mutuelle basée sur la solidarité familiale et communautaire. Les premières formes coopératives ont été imposées et se sont soldées par un échec, en raison de l’inadaptation des modèles coopératifs aux réalités africaines. Ces premières formes rivalisaient avec les chefferies traditionnelles locales et ne s’inscrivaient aucunement dans une logique des objectifs recherchés par les autochtones du milieu. Après l’acquisition des indépendances des différents pays, après 1960, les pratiques coopératives en Afrique ont évolué selon les différents types de colonies. Dans les colonies anglaises, ces pratiques ont rapidement évolué; par contre, dans les colonies françaises, les populations ont été peu associées.
Au Bénin, les coopératives sont restées telle quelle jusqu’en 1972. À partir de ce moment, deux régimes politiques ont marqué l’évolution des coopératives. Le régime révolutionnaire marxiste a suscité en 1972 une grande émergence des organisations pour le développement des milieux défavorisés. Ces groupements étaient nommés : groupements révolutionnaires à vocation coopérative.
Les premiers groupements de femmes ont vu le jour sous ce régime. Au début, les coopératives féminines s’intéressaient à l’éducation en économie sociale; sont venues ensuite des formes d’entraide sur le plan social, politique et économique avec l’émancipation et la participation des femmes. En pratique, ce fut un succès sur le plan politique mais un échec sur les plans économique et social.
Le second régime est le régime démocratique de 1990, favorisé par l’avènement d’une conférence au niveau national. Sous ce régime, l’engouement des femmes pour se constituer en coopérative s’expliquait par la volonté d’assurer elles- mêmes une meilleure gestion de leurs activités.
La majorité des coopératives de femmes proviennent de coopératives mixtes qui n’ont pu être efficaces parce que les femmes participaient peu à l’intérieur de ces groupements mixtes à côté des hommes. D’autres facteurs sociaux exercent une influence comme la culture, la famille, l’absence de statut de la femme dans 1a société béninoise, les obligations et les interdits qui peuvent être tout autant importants à considérer.
Coopératives de femmes
Les groupements féminins sont des espaces de socialisation pour les femmes, des lieux de sécurité pour transformer leurs aptitudes souvent virtuelles et latentes en capacités techniques et opératoires. Les difficultés éprouvées entre elles sont souvent plus faciles à régler et les échanges plus réciproques. Ces groupements permettent l’affirmation collective et constituent une stratégie intégrée aux réalités sociales et territoriales pour favoriser le développement local. C’est aussi le lieu d’une nouvelle gestion des rapports sociaux à l’intérieur de la communauté et dans la société en général.
Nature et fonctionnement des coopératives
Ce sont des tribunes d’expression et de formation efficaces qui favorisent l’échange d’expériences entre les membres d’un même groupement puis entre les différents groupes de la société. On peut distinguer les groupements de production, de transformation et de services. La gestion des groupements varie selon leur nature. Par exemple, dans les groupements de production et de transformation, les produits issus du travail commun sont vendus et l’argent récupéré permet d’investir pour l’achat des matières premières pour améliorer le produit fini ou pour s’équiper en matériel. Ces groupes sont des associations d’épargne et de crédit généralement appelés tontines. Dans la majorité des groupements, et spécifiquement dans les groupements de femmes, on retrouve ce système financier informel qui sert de support aux activités du groupement et qui permet d’organiser les manifestations clôturant les activités annuelles.
Solidarité
Les groupements féminins sont fondés sur différents types de solidarité qui expliquent leur fonctionnement. La solidarité est d’abord morale à cause des engagements pris ensemble : échange d’idées, d’entraide, etc. La solidarité est ensuite financière : assistance lorsque l’une des membres est frappée par un événement, partage. La solidarité est enfin matérielle car tous les membres d’un groupe coopératif s’entendent pour s’équiper, de la même manière, jusqu’aux pagnes et aux assiettes. L’esprit de solidarité est même ressenti jusque dans le choix du nom donné au groupement. C’est ainsi qu’une coopérative peut être baptisée « Union du groupe » ou « Entente ».
Cependant, ces coopératives de femmes ont rencontré des difficultés majeures qui résultent d’un manque de capitaux et de ressources ou d’une politique appropriée au milieu. Malgré tout, elles ont favorisé la prise de conscience dans 1a population. Il ne dépend que de la volonté politique concertée des populations et des gouvernements béninois pour développer un esprit vraiment coopératif dans l’intérêt de tous et de toutes.
HORTENSIA ACACHA, Bénin, Houlda