DE MICHEL CHARTRAND, À SARAH, ESTHER, MARIE ET LES AUTRES…
Ginette Boyer – Montréal
Ce matin, en feuilletant avec mes filles les albums illustrés de la série « Les femmes de la Bible »1, je n’ai pu m’empêcher de penser à Michel Chartrand. Étrange rapprochement, direz-vous… Mais pas tant qu’il n’y paraît!
C’est que, hier soir, la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) a décerné un prix honorifique à Michel Chartrand pour sa présence significative dans de nombreuses luttes ayant marqué l’histoire des travailleurs et des travailleuses d’ici. L’auditorium de la polyvalente était vraiment plein de jeunes: ils ont évidemment accueilli chaleureusement le récipiendaire.
À la sortie, un petit groupe fumait une cigarette: le nom de Michel Chartrand est sorti. J’ai tendu l’oreille… Ils se demandaient qui était ce bonhomme dont le discours les avait manifestement impressionnés…
Préoccupée de transmettre à mes filles l’histoire qui donne du relief au présent et à l’avenir, je trouve que, dans l’ensemble, il existe bien peu d’outils capables de rendre à la fois la théologie féministe de la libération que je véhicule et mon penchant pour des illustrations qui ne font pas trop pâle figure à côté des merveilleux contes auxquels nos enfants ont accès dans les bibliothèques et les librairies.
Que l’on consacre une collection aux femmes de la Bible mérite donc d’être souligné et encouragé. On sent qu’il y a un effort marqué, du côté de la narration, pour nous communiquer les hauts et les bas des personnages, pour rendre compte de leurs démarches de discernement, pour nous les rendre crédibles, quoi! Ainsi,
Le visage de Marie reflétait la déception et l’angoisse. Les élans de douleurs étaient devenus des contractions pénibles. Marie ne pouvait que laisser Dieu contrôler ses sentiments et ses craintes. Mais tout semblait si injuste et si contraire à ce qu’elle avait imaginé! II n’y avait même pas d’endroit pour laver le linge qu’elle avait apporté pour le bébé.
Les illustrations (de l’époque), qui donnent plutôt dans les teintes pastel et les demi-tons, sont moins recherchées. Rien à voir avec l’imagerie de Julie Vivas, une Australienne dont on dit —avec justesse— sur la jaquette de La Nativité1 que « grâce à ses dessins d’une grande tendresse, les mots simples de la Bible, redits depuis près de 2 000 ans, nous sont rendus plus quotidiens, plus proches de notre époque. » De Marie qui a du mal à monter sur l’âne, aux anges déglingués avec leurs grandes ailes multicolores, en passant par l’émotion des premières contractions: c’est profondément touchant, parfois drôle sans jamais être ridicule, du début à la fin…
Mais la Bible reste la Bible. Il sera toujours choquant de voir Vasthi être répudiée pour avoir refusé à son mari (le roi Assuérus) qui « avait le coeur heureux sous l’effet du vin » de « faire voir sa beauté aux peuples et aux chefs; car elle était agréable à voir » (Est 1,10-11) et ce, même si c’est ce qui a permis à Esther de devenir la femme dudit roi.
En somme, un album pour enfants ne pourra jamais, à lui seul, remplacer une catéchèse de tous les instants. D’où l’importance de faire connaître les Michel Chartrand ou encore les Margot Power qui balisent notre route.
1 Marie, Esther, Sarah, Ruth, Série Les Femmes de la Bible, Éd. Sator et Éd. Paulines, 31 pages chacun. Texte: Mariée Alex. Illustrations: Ruth Imhoff.
2 La Nativité, Tournai, Ed. Casterman, 1988. Illustrations de Julie Vivas.