DES EUNUQUES POUR LE ROYAUME DES CIEUX

DES EUNUQUES POUR LE ROYAUME DES CIEUX

L’Église catholique et la sexualité

Uta Ranke – Heinemann, Paris, Éd. Robert Laffont, 1990

Traduit de l’allemand par Monique Thiollet

Flore Dupriez –Vasthi

Que voilà un prodigieux inventaire de craintes et d’angoisses! Les hommes d’Église ont, semble-t-il, terriblement peur de la vie. La mariologie est le meilleur exemple de ce type d’attitude. Comme nous le fait remarquer Uta Ranke-Heinemann: »C’est un dur destin pour une femme de devoir subir une existence corsetée de dogmes faits par les hommes ». En effet, ces derniers ont refusé à Marie conception et engendrement naturels de son fils tant il fallait éviter que le plaisir s’y mêlât.

La théologienne examine dans son livre les racines non chrétiennes du pessimisme en matière de sexualité: elle pointe du doigt le courant philosophique stoïcien. Le judaïsme et la gnose auront aussi un rôle important dans le développement de la morale sexuelle chrétienne. Ce qui m’apparaît très éclairant, c’est la démonstration si bien apportée de l’écart qui peut exister entre le texte de l’Évangile et l’usage politique qui en est fait ultérieurement par les Pères de l’Église et leurs épigones. Saint Augustin est certainement fort coupable en ce sens et on peut lui attribuer la paternité d’un millénaire et demi de peur de la sexualité.

Non, nous dit la théologienne, la religion chrétienne n’a pas été une libération pour les femmes comme on se plaît à le dire. Elles ont plutôt été opprimées par les adeptes du célibat qui ont fait du message du Christ un christianisme étriqué. Les vingt siècles d’histoire de l’Église sont pleins d’inventions « diaboliques » à leur égard. Toutes les manières sont bonnes pour prouver que les femmes sont dangereuses et inférieures, même les étymologies farfelues. Le mot femina viendrait de fe et deminus, fe = fides (foi) et minus (moins), donc « celle qui a moins de foi ». Il me semble pourtant que les femmes ont eu une foi à toute épreuve pour avoir continué à faire partie d’une Église qui a si peu compris que son inspirateur, le Christ, n’avait jamais eu ni un geste ni une parole misogyne.

Une lecture à faire à petite dose pour ne pas perdre le bien de ses vacances mais un ouvrage de référence très important à posséder. Malheureusement, la traduction française, épuisée, ne sera pas rééditée… Des photocopies pourront cependant circuler en toute sororité.