DISCRIMINATION VENANT DE ROME
Louise Roy – Vasthi
La Confédération latino-américaine des religieux et religieuses (CLAR) a connu un sérieux problème à l’occasion de l’élection d’une religieuse comme secrétaire générale.
Tout a commencé quand le Frère Claudine Falqueco, mariste, a présenté sa démission du poste de secrétaire général en février 1989 parce qu’il venait d’être élu provincial de sa congrégation au Brésil. Alors, conformément aux statuts de la CLAR, rapporte le numéro d’octobre du Bulletin de la Confédération, le président, appuyé par un vote de confiance reçu du comité directeur, a nommé, le 23 avril dernier, Soeur Manuelita Chorria, de Colombie, comme secrétaire générale et transmis son nom à Rome, à la Congrégation des Religieux et des Instituts Séculiers (CRIS) pour qu’elle confirme cette nomination.
Le nouveau président de la CLAR, Frère Luis Coscia, reçoit une communication téléphonique de la CRIS qui lui fait savoir « que la Soeur Manuelita Chorria sera confirmée comme secrétaire générale adjointe, et que le Père Jorge Jimenez, provincial eudiste de Colombie et du Pérou, sera nommé secrétaire général de la CLAR ».
Les raisons invoquées par le Cardinal Hamer dans le décret qui suit sont de nature à faire grincer des dents les religieuses, et comme religieuses et comme femmes:
a) il est nécessaire que le secrétariat général de la CLAR ait une meilleure qualification doctrinale et théologique, que ne possèdent pas généralement les religieuses
b) la nomination du nouveau secrétaire est faite pour améliorer les relations mutuelles de la CLAR avec la hiérarchie, le CÉLAM et les présidents des conférences épiscopales
c) il sera ainsi possible de mieux répondre à la nécessité d’affronter plus adéquatement les problèmes de la CLAR: projet Parole et Vie et la célébration des 500 ans de l’évangélisation en Amérique latine.
La CLAR revendique le respect de ses droits et de ses statuts au Cardinal Hamer, préfet de la CRIS. Elle écrit: « Éminence, nous tenons à vous dire sincèrement que nous avons reçu les nominations faites par ce dicastère comme une réelle intervention 1 dans la CLAR. Il n’a pas été tenu compte des statuts et on est passé par-dessus la tête de ceux qui doivent prendre les décisions appropriées. »
Et continue un plaidoyer pour défendre le droit brimé des femmes religieuses par l’imposition d’un homme religieux comme secrétaire général: « II nous semble que le fait de ne pas accepter une religieuse comme secrétaire générale, c’est méconnaître la capacité de la vie religieuse féminine, c’est ignorer la présence majoritaire de la femme dans l’Église latino-américaine et son dévouement généreux au service du Seigneur et de nos frères. C’est également offenser la femme consacrée, en l’estimant incapable d’occuper des postes de responsabilité. » La CLAR insiste pour que Rome reconsidère cette « mesure exceptionnelle ».
L’échange de lettres et une rencontre avec la CRIS se terminent par un impératif du Cardinal Hamer: « II est nécessaire que la CLAR obéisse aux décrets, quand bien même elle n’en comprendrait pas les raisons ou ne serait pas d’accord. »
Avec fermeté et courage, le Frère Luis Coscia réaffirme la position de la CLAR sur les nominations: il s’agit d’une « réelle intervention ». La CRIS finit par le reconnaître et l’avouer: il s’agit d’une réelle intervention.
(d’après le Bulletin de l’Entraide missionnaire, décembre 1989)
1 II faut comprendre ici ce terme dans son sens juridique: « En droit international, l’intervention est un acte d’ingérence d’un État dans les affaires d’un autre État pour le contraindre à agir selon sa volonté. En droit administratif, l’intervention prend le sens de « tutelle » et de « mise sous tutelle ».