Femmes et Religions
Sous la direction de Denise Veillette
Les Presses de l’Université Laval, 1995, 466 pages.
Femmes et religions, projet conçu et réalisé sous la direction de Denise Veillette, professeure au département de sociologie à l’Université Laval, présente les écrits de15 auteures animées d’une seule et même passion :
« reprendre possession de la religion et du sacré, fonder une éthique basée sur le vécu des femmes, construire un nouveau discours religieux, vivre une ecclésia nouvelle. » (Introduction)
Formés de textes déjà parus et d’écrits encore inédits, les chapitres jettent un éclairage innovateur sur le thème Femmes et religions. L’ouvrage est une démarche guidée par une réflexion aussi bien philosophique, qu’historique et sociologique, mais aussi une analyse. De plus, les nombreuses citations de chercheures et de théologiennes modernes, la quantité de notes qui suit chaque chapitre de même que l’imposante bibliographie de 142 pages (1328 références) placée en annexe en font un ouvrage de consultation très apprécié.
Le but poursuivi : présenter, à tous ceux et toutes celles que préoccupent le féminisme et la religion, des questions et des réponses, des réflexions et des analyses, des perspectives aussi, et refaire autrement des problématiques sur ce que l’on pourrait résumer ainsi : comment ne plus s’accommoder d’une croyance en un Dieu uniquement masculin ? Comment vivre et se représenter la divinité en des discours, des pratiques et des croyances qui reflètent et traduisent les conditions de vie et les valeurs des femmes ?
La grande qualité de ce livre est de nous donner l’heure juste au sujet du développement de la recherche et des luttes féministes dans le champ religieux au Québec d’aujourd’hui.
Parfois le vocabulaire technique utilisé par les chercheures peut sembler rébarbatif à des non initiées, (j’aurais aimé en apprendre davantage, par exemple, sur la catégorie du genre) mais dans l’ensemble le message émerge de la vie et exprime des expériences vécues.
Je me suis sentie aussi un peu dépaysée aux chapitres 11 et 12 où il est question de pratiques chamaniques et de sorcellerie (une spiritualité stimulée par la créativité). Après lecture, j’ai mieux compris le message transmis : à défaut de retrouver dans la tradition un lieu d’expression jugé valorisant, les femmes inventent tout simplement.
J’ai particulièrement goûté ce passage de la conclusion où Denise Veillette évoque un monde qui se refait autrement, ce qui entraîne, comme allant de soi, que la religion doit elle aussi se refaire autrement. Sa façon de traduire son vécu nous invite à entrer progressivement, comme sur la pointe des pieds, dans l’univers d’un sacré inédit, passant du rituel d’un accouchement à celui de la messe, deux gestations contiguês du sacré.
L’épilogue, où l’auteur met à nu ses états d’âme, nous émeut puis nous bouleverse : « Et s’il y avait pour Dieu une autre façon d’être Dieu »… et si c’était vrai la foi de nos pères… et si elle était juste la critique féministe…» autant de façons d’exprimer l’angoisse, le déchirement de vivre le soupçon ! « Je n’avais plus que des questions », avoue-t-elle en terminant, traduisant ainsi combien il en coûte à des opprimées d’accéder à la liberté et de s’y maintenir alors qu’elle fait peur et dérange.
Lire ce livre en toute objectivité ne peut pas ne pas interpeller. Il projette sur des pris-pour-acquis de toujours une lumière libératrice et tonifiante qui invite à y revenir. Rien de mieux que de lire et relire Femmes et religions pour connaître et comprendre les positions des femmes féministes et chrétiennes et mieux connaître l’enracinement et l’enjeu de leurs luttes.
YVETTE LAPRISE, MYRIAM