La Coalition d’action et de surveillance sur l’incarcération des femmes au Québec vise plus que la fermeture de la prison Leclerc

La Coalition d’action et de surveillance sur

l’incarcération des femmes au Québec vise plus que

la fermeture de la prison Leclerc

Nathalie Tremblay, Phœbé

Créée en 2016, la CASIFQ (Coalition d’action et de surveillance sur l’incarcération des femmes au Québec) est composée de groupes et d’individu·e·s qui œuvrent pour une amélioration immédiate des conditions de détention des femmes, sortir les femmes du Leclerc et, plus largement, la désincarcération des femmes. Pour plus d’informations, consulter le site de  l’organisme :

Le regroupement, voit le jour au moment où le gouvernement provincial décide de transférer temporairement les femmes détenues à la Maison Tanguay en situation de surpopulation carcérale, vers l’établissement Leclerc, alors qu’en 2012, le gouvernement fédéral de Stephen Harper avait fermé ce pénitencier jugé désuet pour la détention des hommes.

Depuis sa création, la CASIFQ dénonce l’atteinte à la dignité des femmes incarcérées à la prison Leclerc et le non-respect de leurs droits. Elle se questionne également sur la pertinence de la prison comme réponse sociale à la criminalité au féminin. La coalition suggère qu’une réflexion publique s’impose avec les femmes qui ont ou vivent la réalité carcérale, car une prison comme le Leclerc « ne vient pas aider les femmes, mais vient plutôt aggraver leur situation » comme le souligne Lucie Lemonde. Dans une entrevue accordée à Radio-Canada en 20181, alors porte-parole de la CASIFQ, elle explique que « Les femmes enfermées au Leclerc sont en majorité condamnées pour des crimes liés à la survie et touchées par la pauvreté, la violence et les problèmes de santé ». Les peines sont en majorité pour moins de trois mois, alors que l’établissement à sécurité maximale était prévu pour accueillir des hommes condamnés pour des crimes violents.

Au cours des dernières années, la Coalition a mené des campagnes pour sensibiliser le grand public et dénoncer les conditions d’incarcération des femmes à la prison Leclerc (exemples : campagne de signatures en février 2021, lettres adressées aux ministres de la Sécurité publique et de la Justice des différents paliers de gouvernement, demandes d’enquêtes présentées à la Protectrice du Citoyen, au comité contre la torture de l’ONU pour dénoncer les conditions dégradantes dans lesquelles ces femmes vivent), lettre ouverte du Centre des femmes de Laval et de la Ligue des droits et libertés au nom de la CASIFQ, publiée en mars 2022 par Le Devoir 2 sur les conditions dans lesquelles les femmes incarcérées à la prison Leclerc vivent.

Peut-on dire qu’après environ sept années de revendications, la CASIFQ a remporté une victoire importante le 19 décembre 2022, lors de l’annonce par le cabinet du ministre de la Sécurité publique de la construction d’un nouvel établissement carcéral provincial qui devrait pouvoir accueillir les femmes à partir de 2030 ? Sauf sur son site où une membre de la CASIFQ déplore à devoir à attendre encore sept ans avant que les conditions de détention ne s’améliorent, la Coalition semble être restée silencieuse publiquement concernant cette annonce. Si le ministère de la Sécurité publique s’est commis, l’on peut présumer que la demande expresse du Protecteur du citoyen de donner une date ferme pour la construction du nouvel établissement de détention pour les femmes a été un élément déterminant pour une annonce. Par ailleurs, les pressions exercées par la société civile et : leur reprise dans les médias étaient nécessaires dans l’évolution de ce dossier.

Si au départ, nous pouvions nous questionner sur comment cette annonce influencerait les engagements militants pour les années à venir, nous avons maintenant des éléments de réponse. La Presse a fait état, le 23 février 2023, de la demande d’action collective qui « vise toutes les femmes qui ont été détenues à l’Établissement de détention Leclerc à Laval depuis le 6 septembre 2019 [… car] “[t]outes les femmes détenues à Leclerc sont victimes de violations de leurs droits fondamentaux, peut-on lire. Notamment, toutes sont victimes du recours systématique aux fouilles à nu abusives. » 3» Dossier à suivre, auprès de notre lectorat soit dans la revue, soit dans les Brèves ou sur notre site Facebook advenant qu’un appui urgent soit requis.

 

1 Communiqué. 24 septembre 2019. Femmes incarcérées au Leclerc — Demande d’intervention des partis fédéraux. Récupéré en ligne https://liguedesdroits.ca/communique-femmes-incarcerees-au- leclerc-demande-dintervention-des-partis-federaux/ 25 septembre 2018. « Nouveau cri d’alarme contre la détention de femmes à la prison Leclerc », Radio-Canada. Récupéré en ligne : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1125985/coalition-detention-femmes-prison-leclerc-justice-incarceration-coiteux-securite-publique

2 Noémie FIGAROL, Centre des femmes de Laval et Catherine DESCOTEAUX, Ligue des droits et libertés au nom de la Coalition d’action et de surveillance sur l’incarcération des femmes au Québec (CASIFQ). « PRISON LECLERC : La saga a assez duré ! », Le Devoir, libre opinion, 9 mars 2022. En ligne : https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/683490/libre-opinion-la-saga-a-assez-dure-a-la-prison- leclerc

3 Louise LEDUC. « La prison Leclerc visée par une demande d’action collective — “Violation de droits fondamentaux” », La Presse, 23 février 2023. En ligne : www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2023- 02-23/violation-de-droits-fondamentaux/la-prison-leclerc-visee-par-une-demande-d-action-collective.php