LA PARABOLE DU PISSENLIT
Dans chacun des diocèses du Québec, durant la dernière année, les répondantes à la condition féminine ont organisé une ou plusieurs rencontres sur le partenariat femmes /hommes dans l’Église. L’autre Parole a assisté à celle de Montréal, à laquelle participaient de nombreux représentants du clergé. Nous y avons observé une volonté réelle de dialogue et de collaboration… malgré l’échec d’une importante proposition, approuvée par cinq ateliers sur six. Dans le cadre de nos pages estivales, nous avons choisi de publier le texte ci-dessous, présenté par l’une des panélistes de cette journée.
En réfléchissant sur les témoignages de toutes ces femmes qu’on a rencontrées1, il m’est venu une comparaison que j’ai le goût d’utiliser pour illustrer ce qu’est le partenariat femmes/hommes dans notre Église de Montréal actuellement.
D’ailleurs, le Seigneur lui-même nous a enseigné à utiliser des paraboles. Je comparerais donc le partenariat en Église à un pissenlit … Je vois déjà des réactions: certaines personnes ont un geste de recul, d’autres un sourire sceptique ou encore, montrent une certaine confiance …
Le pissenlit et le partenariat provoquent exactement les mêmes réactions. Quand un pissenlit surgit sur une pelouse d’un vert impeccable, certaines personnes se contentent de le regarder avec indifférence en se disant intérieurement: « Ça ne me dérange pas trop pour autant que c’est chez le voisin. » C’est la même chose pour le partenariat: « J’ai rien contre, tant que c’est dans la paroisse voisine. » Mais il arrive fréquemment que les propriétaires du terrain en question s’empressent d’aller l’arracher pour le jeter aux poubelles. Certains vont même tenter de le déraciner en profondeur … non pas dans le but de détruire mais pour conserver leur terrain à leur goût. Cependant, malgré tous leurs efforts, il est possible et même très probable qu’il en surgisse d’autres au printemps suivant.
C’est sensiblement la même réaction qui se vit quand des femmes se veulent « partenaires » dans cette mission de l’Église. Certains milieux vont prendre tous les moyens, même les plus subtils, pour les enlever avant qu’elles prennent racine … ou qu’il en arrive d’autres.
Cette réaction traduit souvent l’insécurité qui entraîne une attitude possessive: la crainte de voir changer ce pourquoi on a tant travaillé. On a tant fait de sacrifices pour avoir un terrain aussi impeccable et uniforme… La peur aussi de perdre des acquis, du pouvoir, fait parfois poser des gestes qui blessent et laissent des meurtrissures dont les femmes sont encore souvent victimes. Elles s’éloignent donc, un peu, prennent du recul mais ressurgissent, poussées par l’Esprit comme le vent souffle sur les touffes de graines du pissenlit qui vont se déposer de façon tout à fait naturelle, à des endroits parfois qu’on n’a pas prévus, par exemple: une fissure dans le trottoir…
Et le pissenlit y poussera mais, par insouciance ou parce qu’on marche la tête trop haute, on va l’écraser sans même l’avoir vu. C’est encore le sort de certaines femmes dans notre Église.
Par contre, il arrive que des communautés célèbrent avec un bon vin de pissenlit. Il s’agit pourtant de la même fleur que d’autres veulent détruire … On peut donc dire que le partenariat en Église est accueilli un peu comme le bouquet de pissenlit que l’enfant offre à ses parents:
Certains parents le jettent aux poubelles sans se soucier de la peine qu’ils provoquent chez l’enfant.
D’autres le reçoivent avec indifférence et le laissent faner sur une tablette. Heureusement, plusieurs l’accueillent pour l’amour qu’il représente et essaient de le conserver le plus longtemps possible.
Il en est de même dans notre Église de Montréal où des femmes se voient encore fermer des portes à cause de principes, de structures à l’intérieur desquelles leur présence n’a pas été prévue.
D’autres sont acceptées pour exécuter ce que les clercs ont décidé. On leur concède une place, la plus discrète possible, sans support, sans aide, sans droit de parole, comme le bouquet sur la tablette.
Heureusement, dans certains milieux, des femmes, des hommes, clercs et laïcs, choisissent d’être partenaires dans la Mission de l’Église. Tout comme dans une famille où ce sont les parents qui font en sorte que tous les membres se respectent et s’accueillent, il en est de même pour ces paroisses, ces communautés où le partenariat se vit.
Il se vit parce qu’au départ, le pasteur ou la pastourelle … comme les appelle le Père Nourrissat, a su favoriser cette attitude d’accueil en profondeur, de respect de la personne, de partage véritable, qui sont essentiels au partenariat.
Et, par conséquent, cette personne responsable de la paroisse s’entoure de laïcs et de clercs qui sont disposés à promouvoir les mêmes valeurs évangéliques, avec tout ce que cela comporte d’exigences, comme:
– la patience, l’oubli de soi: ne pas chercher sa gloire, son prestige, mais mettre l’autre en valeur, reconnaître ses talents, ses capacités, l’écouter avec son coeur.
– une responsabilité partagée mais solidaire.
En résumé, les expériences positives de partenariat sont d’abord et avant tout l’Oeuvre de l’Esprit qui dispose le coeur à une communion authentique.
Ces petits bouquets qui prennent racine un peu partout peuvent nous sembler bien minoritaires, isolés dans cette vaste étendue.
Mais si on les regroupait en un seul bouquet, en allant chercher aussi ceux qui sont sur les tablettes, on serait peut-être étonné de la dimension qu’il prendrait.
En terminant, je dirais que le partenariat qui se vit aujourd’hui dans l’Église de Montréal, malgré ses faiblesses, ses difficultés, est une source d’Espérance puisque, comme pour le pissenlit:
« II se conserve intact difficilement, mais il a la grande propriété de se renouveler constamment sans même qu’on ait à le semer puisque c’est Dieu qui y pourvoit ».
Thérèse P.-Vincent- membre du Comité
diocésain sur la condition des femmes
de l’Église de Montréal.
1 II s’agit de femmes engagées en Église, interviewées dans le cadre d’une enquête menée par le Comité diocésain sur la condition des femmes (N.D.L.R.).