LA POLITIQUE GLOBALE SUR LA SITUATION DES FEMME DU QuÉBEC, UNE INVITATION POUR LES FEMMES CHRETIENNES A S’ENGAGER •••
« Il est temps d’agir », c’est sur cette phrase brève et impérative que se termine le rapport du Conseil du Statut de la Femme, Pour l.es Québécoises: égalité et indépendance. Ce rapport présenté à toutes les Québécoises, le 23 octobre 1978, entend promouvoir l’autonomie des femmes dans tous les secteurs de leur vie personnelle et sociale. Il faut rompre avec une culture qui a confiné les femmes à leur fonction maternelle (qui n’occupe actuellement que 12% de leur vie), qui a sexisé à outrance (au profit des hommes) les secteurs de formation, les métiers, les professions, qui a monopolisé les postes décisionnels, le monde artistique, qui a réservé la meilleure part sur le plan économique, toujours pour les hommes.
A deux endroits, le rapport se réfère à l’attitude de l’Eglise face aux femmes. Dans l’introduction, on souligne que l’Eglise catholique a été le « véhicule privilégié au Québec » d’une définition des femmes « exclusivement en fonction de leur rôle de mères, d’épouses, de gardiennes des valeurs morales, religieuses et nationalistes » (p.27). Dans le dernier chapitre, traitant des femmes et du pouvoir, un paragraphe souligne laconiquement « l’absence des femmes dans la hiérarchie de l’Eglise catholique ». « L’Eglise catholique ne prévoit pas accueillir bientôt de femmes pape, cardinaux, évêques ou même prêtres » (p.326). Ces deux seuls passages suffisent à indiquer tout le travail qui est réservé aux chrétiennes féministes qui ne peuvent tolérer à la fois une définition restrictive des femmes et une exclusion aussi catégorique de la hiérarchie ecclésiale.
Le rapport est un document très adéquat sur la situation vécue par les femmes du Québec, un document étayé de statistiques éclairantes, préparé par environ 575 personnes, suite à 110 réunions de consultation. 306 recommandations résultent de cette étude intense, recommandations certes bien pertinentes, mais qui demeurent parfois bien difficiles à réaliser parce que trop vastes et au niveau du changement des mentalités ••• ce qui est un programme à très long terme! Les femmes ne peuvent se contenter de se promener avec ce document, elles doivent l’étudier sérieusement et voir à ce que les recommandations soient précisées et deviennent réalité.
Vous pourrez aussi lire sur le même sujet un article éditorial paru dans la revue Relations, numéro 443 (décembre 1978), « Les oeufs sont cassés, mais 1’omelette n’est pas encore dans le poêlon ».
L’Assemblée des Evêques du Québec (A.E.Q.) veut se laisser interroger par cette politique globale et par les réactions des femmes chrétiennes. Le 18 janvier, le Comité des affaires sociales avait organisé une table ronde sur la condition féminine. Y ont participé Lise Baroni, Hélène Chénier, Reina Comte, Lorette Langlais, Rita Lafond, Lucie Leboeuf, Azilda Marchand, Hélène Pelletier Baillargeon, Carmelle Théberge, Renée Rowan et moi-même. Gisèle Turcot assurait l’animation de cette table ronde, tandis que Mgr Bernard Hubert assistait bien silencieusement à cette rencontre qui avait comme priorité de donner la parole aux femmes.
A partir de l’hypothèse énoncée à la p. 26 (Pour les Québécoises : Égalité et indépendance), à savoir que « les conflits dans les rapports entre les sexes proviennent de la division du travail fondée sur le sexe », trois question étaient posées aux participantes :
– Quelle est votre réaction ou votre position personnelle devant cette affirmation centrale du rapport sur la condition féminine?
– En quoi cette analyse de la condition des femmes rejoint-elle votre conscience chrétienne?
– Selon la réponse que vous donnez aux questions précédentes, quelles conséquences voyez-vous pour l’Eglise comme agent de socialisation et source d’influence sur les mentalités?
Le tableau qui a été brossé était plutôt sombre: constatation criante de la passivité de l’Eglise hiérarchique face aux injustices subies par les femmes; besoin d’une vulgarisation de nouvelles pistes sur le plan exégétique, théologique; moments de désespérance des femmes qui ont déjà milité dans l’Eglise: « je n’ai plus envie de me choquer »; souhait que l’Eglise confesse qu’elle supporte des structures d’exploitation; nécessité pour l’Eglise de se psychanalyser, de découvrir ses structures de pouvoir complètement masculines, etc. L’Eglise hiérarchique devrait s’inspirer davantage de l’exemple des parents qui écoutent leurs enfants et doivent se remettre en question.
J’ai bien apprécié cette rencontre, même si elle est bouleversante, quand plusieurs femmes disent ensemble les malaises qu’elles ressentent dans une Eglise dont elles font partie et dont elles ont à coeur qu’elle soit vraiment libératrice. Rencontre qui a été un grand moment de solidarité, car j’ai senti que je n’étais pas seule, mais que nous . étions au moins onze femmes à vivre les mêmes exaspérations, à désirer une Eglise où nous serions vraiment reconnues comme des personnes majeures.
Rimouski Monique Dumais