La théologie de la femme du Saint-Siège ou Quand le mot égalité prête à malentendu

La théologie de la femme du Saint-Siège ou Quand le mot égalité prête à malentendu

Denise Couture, Bonne Nouv’ailes

Le pape Jean-Paul II a conçu et présenté dans le détail une « théologie de la femme » (une « théologie de l’homme » n’existe pas) dans le but de répondre à des questions nouvelles posées à l’Église en ce qui concerne les rôles des femmes dans la société et dans l’Église. Son successeur, Benoît XVI, réitère cette vision de la femme.

Une idée principale, énoncée répétitivement dans les textes des deux papes est « l’égalité en dignité de l’homme et de la femme ». Une telle stratégie discursive semble réussir. On en vient à penser que la « théologie de la femme » soutient l’égalité des sexes. Cependant, le vocable y est employé dans un sens auquel l’auditoire du discours n’est pas préparé. Pour les papes, l’égalité des sexes signifie que l’homme et la femme possèdent la même dignité humaine : « […] tous les deux sont des êtres humains, l’homme et la femme à un degré égal »1, mais cette égalité précède l’ordre social. L’homme et la femme (au singulier, car il s’agit de leur nature) sont différents. Ils possèdent des qualités et des rôles complémentaires. Essentiellement, la femme est l’autre de l’homme. En elle, est inscrit « le principe d’aide »2; « […] en son être le plus profond et le plus originaire, [la femme] existe ‘pour l’autre’ »3. Elle concrétise cette fonction d’aide dans son rôle de maternité physique ou spirituel.

Selon les papes, la femme est plus sensible et plus intuitive que l’homme. Elle est plus capable de subir la souffrance et de comprendre celle des autres. Elle a des habiletés particulières comme éducatrice dans tous les domaines et en particulier dans le domaine de la foi. Le Saint-Siège a énoncé également que la femme peut légitimement occuper des emplois à l’extérieur de la maison et que, dans un tel cas, il est juste qu’elle reçoive un salaire égal pour un travail égal. Le monde a besoin de la contribution de la femme à l’extérieur de la maison afin de devenir plus humain, il a besoin de l’apport du « génie féminin » et du travail des « femmes vaillantes » selon les expressions papales, mais cela ne doit pas entraver sa fonction première de mère.4

Le Saint-Siège justifie sa vision des rapports entre les sexes en la situant dans le courant de la différence. Il critique la vision moderne de l’égalité des sexes qui éliminerait toute différence entre les hommes et les femmes. À cela, il faut répondre que les approches féministes sont multiples et qu’il existe un éventail de positions féministes qui s’inscrivent dans des perspectives variées d’égalité, de différence ou de construction. Leur point commun est de détruire l’idée défendue par les papes selon laquelle la nature de la femme consiste à servir (à aider) l’homme en tant qu’elle serait son autre.

Vous entendez le mot égalité? Oui, il est écrit, nommé, dit et répété à satiété dans les textes du Saint-Siège sur la femme. Mais, attention, il s’agit d’une « égalité en humanité ». Elle signifie que l’homme et la femme ont la même valeur humaine, mais dans une différence qui assigne aux femmes des fonctions de service aux hommes. Quand les papes énoncent que la femme est une aide pour l’homme, non seulement cela ne correspond pas à la conception habituelle de l’égalité, mais cela exprime ce que l’on considère couramment comme une vision inégalitaire des sexes qui subordonne explicitement la femme à l’homme!  L’emploi du mot égalité dans le discours papal prête à malentendu!

1. Jean-Paul II. Mulieris Dignitatem, La vocation et la dignité de la femme, 1988, no 6. La phrase est soulignée dans le texte original.
2. Jean-Paul II. Lettre du pape Jean-Paul II aux femmes, 1995, no 7.
3. RATZINGER, Joseph, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Lettre aux Évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, 2004, no 6.
4. Voir aussi Denise Couture, « La femme comme autre selon le Saint-Siège », dans L’autre Parole, no 107, automne 2005, p. 24-28.