L’Âme du monde ou Quand la religion relie
Christine Lemaire
Il faut dire que j’y suis particulièrement sensible – et sensibilisée par mon appartenance à L’autre Parole et à son réseau. L’avenir du monde, j’en suis convaincue, ne peut se faire que dans une interspiritualité profondément respectueuse. Et, me semble-t-il, plusieurs voix s’élèvent, ces temps-ci, pour l’imaginer et la revendiquer.
Ainsi en est-il de Frédéric Lenoir, philosophe français et historien des religions qui a élaboré un scénario ultime : la transmission d’une sagesse unifiée avant le grand cataclysme qui détruira une très grande partie de l’espèce humaine.
Sept grands sages habitant les quatre coins du monde font le même rêve : ils doivent se rendre au Tibet où les attend un huitième sage. Un rabbin, une chamane, un moine catholique, une mystique hindoue, un vieux sage taoïste chinois, un musulman soufi et une athée spécialiste de la philosophie grecque sont donc conduits au monastère bouddhiste de Toulanka par le lama Dorjé. Ils devront s’entendre entre eux pour transmettre les clés de la sagesse à deux jeunes gens : Tenzin, un lama de 12 ans, réincarnation du maître de lama Dorjé, et Natina, une adolescente européenne, fille de Gabrielle, la philosophe.
Ils arriveront à sept grands principes à respecter en cette vie « pour la réussir, dans le sens le plus profond du terme » (p. 51) et qui partent de leurs expériences singulières de la recherche de la sagesse. Afin d’éviter une référence explicite à une religion donnée, ils s’entendent aussi pour exprimer ce vers quoi leur quête les tire : « L’Âme du monde ». Ils laissent donc de côté « les aspects théologiques et ritualistes » qui distinguent leurs traditions et ne gardent que « les préceptes qui aident à vivre et à avancer sur le chemin spirituel. » (p. 51)
La chose n’est pas simple. Certains sages seront tentés de se retirer de ce processus au nom de leurs croyances et des racines qui les lient à leurs ancêtres. Mais leurs efforts finissent par aboutir, stimulés par l’échéance toute proche.
Gabrielle s’émerveillera devant cette quête de consensus. De fait, l’attitude empreinte de respect de ces huit sages l’amène à faire cette comparaison avantageuse : habituellement, « On se donne l’accolade en public, et c’est mieux que de s’entretuer, cependant au fond de soi on continue de penser qu’on a raison et que l’autre a tort. Alors que ce qui se passe ici est d’un autre ordre. Même si certaines manières de dire les choses sont colorées par nos cultures respectives, nous adhérons tous pleinement au contenu de cet enseignement que nous vous transmettons, parce qu’il nous fait vivre. » (p. 89) Elle en conclut : « Cela signifie que l’être humain est le même partout, qu’il ressent les mêmes aspirations et les mêmes craintes, les mêmes élans du cœur et les mêmes égoïsmes. Ce qui le rassemble est infiniment plus important que ce qui le sépare, et qui n’est que le fruit des différentes cultures. » (p. 90)
Frédéric Lenoir exprime ainsi sa conviction profonde : chaque culture présente un aspect précieux, mais parcellaire de la sagesse humaine. « Ceux qui sont enfermés dans une posture dogmatique sont sûrs du contraire et leur cœur ne peut accueillir la vie avec humilité et autrui dans un véritable respect. » (p. 139)
Même si elle se passe dans une atmosphère de fin du monde, cette histoire donne espoir pour l’avenir de la race humaine. On la termine avec un grand sentiment de paix. On me dira sans doute que c’est la vérité profonde qu’évoque le mot « apocalypse ».
Frédéric LENOIR, L’Âme du monde, Paris, 2012, NiL, 202 p.