[…] L’autre Parole
C’est toujours un plaisir pour moi de parler de L’autre Parole! Cet organisme existe depuis 1976. En tant que femmes chrétiennes et féministes, nous avons formé une collective et nous travaillons à intégrer nos expériences de femmes afin de :
- nous réapproprier la tradition chrétienne, ses pratiques et ses discours;
- développer une nouvelle manière de réécrire les textes traditionnels;
- vivre de nouvelles pratiques liturgiques;
- nous inscrire dans des réseaux de solidarité avec des personnes en quête de justice et d’égalité.
La Collective L’autre Parole s’inscrit dans la tradition chrétienne d’une ekklèsia en devenir. Nous entendons par ekklèsia « la communauté de disciples égales ». Chacune est porteuse d’une parole vivante qui stimule une praxis de libération et refuse toute domination. Notre lecture de la Bible nous invite à dépasser la culture patriarcale dans laquelle elle est véhiculée. Nous appuyant sur la vitalité de nos expériences de femmes, nous nous sommes lancées dans un processus de réécriture collective. Les colloques annuels sont le moment privilégié pour des tentatives et des réalisations qui nous apparaissent très significatives. Par petits groupes, nous lisons un texte de la Bible et nous nous laissons aller à une réécriture; par exemple, la réécriture de Genèse 1,1-3,27 :
À l’origine est l’Amour
cette énergie créatrice
cette lumière jaillissante
qui anime des femmes,
des hommes libres.
Mais cet amour s’est obscurci
s’est détérioré
dans des relations de domination
entre les humains,
entre les hommes et les femmes.
Chaque fois que nous expérimentons la réécriture, nous sentons la poussée du souffle de l’Esprit qui nous alimente et qui crée des liens entre les femmes à l’œuvre. Nous percevons que malgré quelques résistances, la ruah ne nous laissera pas tomber et nous donnera l’énergie pour aller au bout de notre quête. L’Esprit a un dessein et soutient tous ceux et celles qui se donnent dans un projet de communion. La réécriture est devenue, au fil des ans, une force qui nous porte et nous continuons de lui faire confiance.
La Collective L’autre Parole a aussi développé une pratique liturgique qui lui permet d’élaborer et de célébrer selon de multiples rituels, avec le recours à des symboles divers : lait et miel, eau et chocolat, etc., sans mettre de côté le pain et le vin. Les célébrations sont préparées et vécues par des femmes, avec des hommes qui sont invités à l’occasion. Elles témoignent des recherches des femmes, de la conscience de leur aliénation et de la force de libération à l’œuvre, de leur désir d’engagement. La remise d’une étole à l’ouverture d’une célébration donne le sens de ce qui est ressorti du colloque pour le 35e anniversaire de fondation, en août 2011 : « Reçois cette étole en signe de ton engagement de féministe et de chrétienne. »
[…]
Les bases théologiques de L’autre Parole s’appuient premièrement sur la force de la ruah qui ne cesse de nous envahir. Elle nous donne de passer la tradition chrétienne au crible de la critique féministe, de démasquer la culture patriarcale et de mettre en évidence nos expériences de femmes en quête de libération. C’est une poussée qui nous presse d’aller plus loin. Une seconde base théologique est l’incarnation de la Parole de Dieu dans le terreau des femmes trop souvent dominées et violentées dans une société très male qui n’est pas ouverte à certaines valeurs que portent plus intensément les femmes. Jésus mort et ressuscité entraîne les femmes à se rendre attentives aux personnes démunies et en recherche de leur pleine identité pour un monde juste, égal, libre, pacifique, solidaire.
[…]
Source :
Dumais, Monique. « Des lieux de sollicitations ». Dans Pouliot, Fortin et Champagne, dir., Pratiques émergentes en théologie. Des « printemps théologiques »? Leuven, Paris, Bristol : Peeters, 2016. pp.197-199