Marie Evans Bouclin, Déborah
Parlons du féminisme dans les religions, plus particulièrement en christianisme. Lorsque Marie de Magdala annonce aux disciples que Jésus est vivant, ces derniers ne l’ont pas crue. Et depuis deux mille ans, très peu a changé. La voix des femmes qui proclament la présence active de Dieu/e, par le biais de l’Esprit est à peine entendue. Le travail des femmes dans les religions ne reste-t-il pas méconnu et sous-valorisé ?
Très tôt les femmes ont été exclues des décisions concernant la doctrine, la morale et les rites du christianisme. Le patriarcat gréco-romain règne en absolu. Au cours des siècles, pourtant, les femmes n’ont jamais cessé de proclamer le message chrétien par des vies de compassion, de sollicitude pour les pauvres et les malades, de quête de spiritualité vivifiante. Dans la sécurité relative des monastères, des femmes médiévales étudient les sciences, la médecine et la théologie (qu’elles déguisent souvent en « révélations mystiques »).
Dans la période moderne, emboîtant le pas du féminisme social, souvent comme cheffes de file, les femmes protestantes font avancer le dossier de l’égalité en obtenant pour les femmes le droit à l’ordination aux ministères avec accès à certains postes décisionnels. En régime catholique, les femmes se heurtent non au plafond de verre, mais à un « plafond de marbre italien ». La porte d’accès aux postes décisionnels leur étant toujours fermée, elles continuent les œuvres humanitaires, s’engagent plus avant dans la justice sociale, les études et la création de réseaux progressistes pour faire Église autrement.
À notre époque, et surtout pendant la pandémie qui sévit actuellement, des femmes créent de nouvelles communautés de foi afin de « rénover la maison catholique romaine » et de la rendre plus habitable, plus accessible, plus accueillante.
Elles rejoignent les chercheuses et chercheurs de sens de toutes races et ethnies, des catholiques « distants » de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud, de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie. Ici, chez nous, elles portent une attention toute particulière aux survivantes du génocide culturel intenté contre les Autochtones.
Comme Marie de Magdala, elles répondent à l’appel de la Christa-Sagesse, plutôt qu’à celui des hommes d’Église. Elles abandonnent la « vieille » théologie sacrificielle et violente du patriarcat pour proclamer une spiritualité égalitaire de la gratitude et de la tendresse. Leurs célébrations empruntent un nouveau langage pour « dire la Déité », un langage désexisé et inclusif… le langage de l’amour et du service… plutôt que celui de l’obéissance aveugle et du pouvoir dominateur.
À l’écoute des voix des autres femmes, elles entament le dialogue avec les féministes des Églises protestantes, du judaïsme, de l’islam, du bouddhisme, avec celles de toutes affiliations religieuses ou spirituelles et avec celles qui n’en ont aucune.
La tâche reste pourtant énorme : poursuivre notre quête d’égalité en dépit des résistances de la part des autorités religieuses afin d’enrayer la pauvreté et la violence féminisées, le racisme manifeste, la « suprématie blanche », le cléricalisme phallocratique pour enfin célébrer l’égalité d’une humanité multicolore, multiculturelle, multigenre et multicroyante.