Le féminisme et les féminismes

Jo Ann Lévesque, Déborah

On le sait plusieurs féminismes se côtoient. Et depuis quelques années, il est question d’un féminisme « postmoderne ». Cet article propose une exploration des divers concepts reliés à la postmodernité.

Le féminisme est un concept qui fait directement référence aux femmes, aux prises de conscience qu’elles ont faites individuellement et collectivement et aux sentiments de révolte qui en ont émané pour faire cesser le traitement de subordination systématique et systémique du deuxième sexe au cours des siècles. Reconnu comme un mouvement qui commencera à la fin du XIXsiècle, il prendra de l’ampleur au milieu du XXe siècle et s’articulera en de multiples possibilités au XXIe.

Le mouvement de reconnaissance des femmes comme une personne ne date pas d’hier. Si dans l’Antiquité, Aristote affirmait que la femme est perçue comme la moitié de l’homme et qu’elle avait une âme fêlée, Aristophane, lui, écrivait des comédies pour dénoncer la misogynie d’Euripide.  Au Canada, ce n’est que depuis 1929 que les femmes sont reconnues comme personne grâce au travail acharné de cinq Albertaines qui ont sensibilisé d’autres femmes à cette cause par des rencontres autour d’une tasse de thé. Rappelons également que ce n’est qu’en 1960 que le droit de vote aux femmes des Premières Nations a été reconnu. C’est dire le long chemin qu’il a fallu parcourir pour qu’une femme soit reconnue comme un être humain à part entière.

Au début du XXe siècle, d’autres femmes travailleront pour le droit de dire leur mot sur l’avenir d’une société sous le contrôle d’une église triomphaliste préjudiciable à la valeur de l’être humain femme. Mais ce n’est qu’en 1940, bien longtemps après les provinces de l’Ouest et de l’Est, que les femmes de la province du Québec obtiendront le droit de vote.

On attribue à ces droits de base une valeur symbolique d’affirmation à un féminisme égalitaire libéral. Cette quête mobilise les femmes à revendiquer et à vouloir obtenir les mêmes droits que les hommes. Ce type de féminisme s’exprimera à travers différentes revendications : le droit à une éducation, à un emploi, à l’égalité dans les salaires, aux garderies sans frais, à un avortement libre et gratuit, à la gestion de son propre corps, à l’égalité en matière juridique, enfin à une égalité complète. Bien du chemin a été fait dans la société et de multiples droits ont été reconnus, mais comme on le sait, il reste un long chemin à parcourir.

Ce vouloir de droit inhérent que représente le féminisme égalitaire libéral est encore toujours présent, mais au fil des années de la Révolution tranquille et des différentes crises financières, politiques et sociales, de l’évolution de différentes compréhensions des mécanismes qui subordonnent les femmes, naîtront d’autres types de féminismes dans un monde que l’on définit comme postmoderne. On dit que dans ce monde, ce sont les intérêts des individus qui priment sur ceux des collectivités.

Un féminisme dénommé marxiste orthodoxe identifie le capitalisme comme l’objet principal de subordination des femmes, mais un féminisme socialiste ajoutera que l’accès à la propriété conduit l’homme à considérer sa femme comme une propriété. Encore poussée plus loin, cette appropriation de la femme conduit à un système que l’on nomme patriarcat où tout ce que l’homme représente devient une ontologie destructrice pour la femme. Certes, certaines ont poussé très loin leur analyse, mais si l’on regarde le comportement d’une institution comme l’Église catholique, comme le souligne Frédéric Martel dans Sodoma (2019), l’homme est l’entité complète « femme et homme », le prêtre, l’animus s’habille de la robe sacerdotale, son anima de marié entre en relation avec son époux, le Christ. Quel narcissisme poussé à son paroxysme !

De telles analyses sont possibles grâce au développement de la psychanalyse ainsi qu’à l’émergence de théories et de concepts clés, sociologiques, politiques, anthropologiques, économiques, et provenant d’autres disciplines qui agissent comme des prismes approfondis et regardés sous différents angles qui donnent naissance à un ensemble de féminismes en fonction de l’objet d’identification sous la postmodernité : que l’on pense au féminisme ouvrier, au féminisme populaire, au féminisme radical qui regarde la relation homme-femme comme un système dominant-dominé. Un choc, une rupture est alors nécessaire, d’où vont naître le féminisme LGBTQ+ qui préconise le droit à une sexualité différente, le féminisme afro-américain, le féminisme postcolonial, le féminisme environnementaliste, le féminisme religieux, le féminisme intersectoriel, le féminisme autochtone, etc. Retenons que dans la postmodernité, le féminisme prend les couleurs du besoin le plus profond inscrit dans l’être.

Reste-t-il du chemin à parcourir ? Évidemment oui. Mais ensemble par l’écoute des différences, de nouvelles attitudes d’accueil, nous pouvons contribuer à construire un monde où les fillettes, filles, femmes, mères, grand-mères de tous âges soient respectées et reconnues dans leur ontologie profonde et perçue comme un don à l’humanité.