LE GENRE DE DIEU:
MASCULIN OU FÉMININ?
Une des nôtres, Monique Dumais, a voulu découvrir comment la notion de divinité est abordée dans quelques discours féministes. Elle nous fait part des résultats de son analyse dans un article: « Pour que les noces aient lieu entre Dieu et les femmes. »1 Pour sa recherche, elle a étudié des textes de Naomi Goldenberg (psychologue de la religion), de Luce Irigaray (psychanaliste et philosophe) et de Mary Daly (théologienne et philosophe). Elle a ainsi dégagé trois grands axes:
1. Il y a dans ces écrits une contestation de la représentation exclusive de Dieu au masculin. Ainsi N. Goldenberg dans « Chanoinq of God » trouve que si les femmes sont aliénées dans les traditions juive et chrétienne c’est parce que, pour elles, il n’y a pas de symboles signifiants dans la religion. De plus cette aliénation émane du genre de Dieu et de ses représentants dans le monde. Et dans « The End of God ». Monique Dumais nous fait découvrir que N. Goldenberg a scruté les théories de Freud et en a conclu que les images de Dieu-Père sont opprimantes pour les femmes. De plus, avec N. Goldenberg, Monique Dumais constate que Yung est allé au-delà de cette oppression puisqu’il « ajoute une imagerie féminine à l’iconographie religieuse » en saluant le dogme de l’Assomption comme un événement très important permettant à l’égalité des femmes « d’être enracinée métaphysiquement dans la figure d’une femme divine. » Cela, d’après Monique Dumais, permet aux femmes d’introduire de nouveaux symboles qui vont dépasser les catégories patriarcales sur Dieu. Quant à Luce Irigaray dans « Ethique de la différence sexuelle » elle trouve, d’après Monique Dumais, que « le genre de Dieu gardien de tout sujet et de tout discours est toujours au masculin-paternel, en Occident »; ceci est en lien direct avec la mainmise mâle sur l’univers.
Mary Daly dans « Beyond God thé Father » dit que l’image de Dieu le Père est le symbole créé par les hommes pour servir une société à leur image dans laquelle les femmes sont subordonnées. Dans cette perspective on aboutit facilement à la déduction que « si Dieu est mâle, le mâle est Dieu. » Pour l’auteure de l’article, Mary Daly suggère qu’il ne faut pas remplacer « il » par « elle » pour parler de Dieu mais changer l’image de Dieu.
2. Le deuxième axe que Monique Dumais dégage de sa recherche est que les auteures ne peuvent dire Dieu qu’à partir de leurs expériences de femmes. Ainsi Mary Daly proteste contre l’utilisation des symboles anthropomorphiques. Pour elle, Dieu ne devrait pas être un nom « mais un verbe, le plus actif et le plus dynamique de tous: l « Etant » car un Dieu « transexué est encore patriarcal » parce que sa symbolique est extérieure à la nature et à l’expérience des femmes. Tandis que N. Goldenberg dans « The End of God ». passant en revue les innovations religieuses réalisées par des femmes, montre qu’à la suite de leurs tentatives, la Bible perd de son autorité alors que l’expérience personnelle acquiert plus de poids. Et Luce Irigaray dans « Éthique de la différence sexuelle » explicite sa conception du divin à partir de ses expériences personnelles qu’elle confronte aux rituels traditionnels.
3. Enfin le troisième axe que Monique Dumais dégage est l’implication éthique pour la vie des femmes, découvrant avec L. Irigaray que » la femme devient divine par son fils » qu’elle n’a aucune référence à un dieu au féminin et que « pour devenir, il est nécessaire d’avoir un genre ou une essence comme horizon. Sinon, le devenir reste partiel … » et que l’absence d’horizon bloque la communication entre les femmes. Ainsi pour accomplir leur subjectivité les femmes ont besoin d’imaginer Dieu au féminin en posant de nouvelles valeurs. Monique Dumais termine son article en disant: pour que « les noces aient lieu entre Dieu et les femmes » et pour que les femmes réalisent qu’elles sont elles aussi image de Dieu, il faut que Dieu soit aussi exprimé dans une symbolique féminine afin de montrer qu’en Dieu il y a du masculin et du féminin et même que Dieu est au-delà tout en n’étant pas dans un ciel abstrait où les expériences des femmes et des hommes n’auraient plus de sens dans notre quête du divin.
Yvette Nehma-Teofilovic – Vasthi
1 Sciences Religieuses, 16/1/hiver 1987.