LE RESEAU DES REPONDANTES A LA CONDITION DES FEMMES
Linda Simoneau, répondante à la condition des femmes –
Diocèse de Sherbrooke
II m’a été confié l’agréable mission de présenter, dans ce numéro de L’autre Parole, le réseau québécois des répondantes à la condition des femmes dans l’Église. Bien que mon souci soit de traduire le plus fidèlement possible la réalité du vécu des répondantes à travers la province, je suis consciente que ces réflexions resteront les miennes, teintées par ma propre perception et mon expérience personnelle.
RAPPEL HISTORIQUE
Tout d’abord, un petit brin d’histoire, pour rappeler la genèse du réseau des répondantes dans l’Église du Québec.
A la suite de la publication du Conseil du statut de la femme qui résumait sa politique d’ensemble sous le titre « Pour les Québécoises: égalité et indépendance », le Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques du Québec organisait en 1979 deux tables rondes, réunissant une dizaine de femmes pour échanger autour du document. Le rapport de ces deux rencontres de consultation recommandait qu’une répondante soit désignée dans chacun des diocèses avec, comme mandat initial, de « répondre » auprès de l’évêque de la situation vécue par les femmes dans la société.
Toutefois, au fil des observations, et d’une présence attentive à la réalité des conditions de vie des femmes, les répondantes ont vite fait de réaliser que les injustices et les inégalités n’existent pas uniquement dans la société mais qu’elles sont monnaie courante à l’intérieur même de l’organisation de l’Église… Cette prise de conscience marqua une réorientation importante dans le mandat des répondantes. Tout en conservant une présence signifiante auprès des groupes de femmes dans la société, elles intégrèrent à leur préoccupation la dimension ecclésiale.
Question d’honnêteté et de vérité, l’Église ne peut se permettre d’intervenir sur la situation des femmes dans la société sans se questionner sur le sort qu’elle leur fait subir dans ses propres structures.
SESSION DES EVEQUES ET DES FEMMES
Un événement majeur aura marqué le cheminement du Comité des affaires sociales avec le réseau des répondantes à la condition des femmes: la session, en mars 86, sur le thème « LE MOUVEMENT DES FEMMES ET L’EGLISE » qui a réuni l’ensemble des évêques et une centaine de laïques (hommes-femmes)1.
A l’issue de cette session, 28 recommandations ont été retenues, gravitant autour des six thèmes approfondis (langage, pouvoir, travail, violence, sexualité, famille). La mise en application de ces recommandations relève de trois instances: les répondantes, les évêques et le Comité des affaires sociales. Les dossiers qui touchent plus particulièrement les répondantes concernent le langage inclusif, la violence faite aux femmes et le partenariat hommes-femmes dans l’Église.
QUI SONT LES RÉPONDANTES?
Il est difficile de tracer le profil des répondantes. Autant il y a de visages, autant il y a de situations et de personnalités différentes. L’ensemble offre un panorama très diversifié et polyvalent, des plus jeunes aux plus sages, d’anciennes routières aux nouvelles converties, des féministes aguerries aux femmes vigilantes, des femmes mariées, célibataires ou religieuses. Généralement, ce sont des femmes très actives dans l’Église; agentes en pastorale, (paroissiale, scolaire, sociale), responsables de mouvements de femmes (A.F.E.À.S., Mouvement des femmes chrétiennes). Le dénominateur commun est sans aucun doute leur intérêt pour la promotion des femmes dans la société et dans l’Église.
Assurément, il faut être passionnée et convaincue pour assumer cette responsabilité car au chapitre des conditions de travail, le tableau s’assombrit. Ce n’est certainement pas à ce niveau que les répondantes puisent leur motivation et encore moins leur récompense! Près de la moitié de celles-ci sont engagées seulement une journée/semaine sur une base bénévole ou rémunérée. D’autres, plus chanceuses, peuvent profiter d’un temps partiel et une seule a le privilège de jouir d’un temps plein. Cette situation est une des principales difficultés que rencontrent les répondantes. Tant que des améliorations substantielles ne seront pas apportées à leurs conditions de travail, elles resteront restreintes, voire même paralysées dans leurs moyens d’action. C’est là un problème crucial auquel il faudra s’attaquer au cours des prochaines années.
Le statut de la répondante varie lui aussi d’un diocèse à l’autre. Pour les mieux nanties, elles sont intégrées aux structures diocésaines en étant membres d’un office ou d’un service. Cette appartenance leur permet de bénéficier d’une plus d’un office ou d’un service. Cette appartenance leur permet de bénéficier d’une plus grande visibilité et leur offre un lieu d’influence et de leadership. D’autres, plus isolées, doivent travailler seules, sans réels liens avec l’organisation de la vie diocésaine. Dans ces cas, les difficultés de la répondante s’accentuent par le fait de sa situation « flottante ».
Toutefois, grâce à leur détermination et à leur créativité, les répondantes ont su surmonter leur solitude en réussissant à s’infiltrer habilement dans le milieu et en développant des alliances précieuses avec des personnes-clefs pour l’avancement du dossier.
Deux points d’ancrage solides me semblent importants d’être mentionnés. Un premier lieu d’enracinement pour la répondante, c’est le comité de la condition féminine. Ce groupe, en plus d’offrir soutien et collaboration à la répondante dans son travail, assure, au niveau du diocèse, continuité et permanence au dossier des femmes. Un deuxième point d’ancrage important est le lien étroit qui existe entre la répondante et l’évêque. Dans les meilleurs cas, peuvent se nouer des relations de compréhension et de complicité qui contribuent grandement à faire reconnaître le travail de la répondante et à faire évoluer la situation des femmes. Dans les autres cas…
ORGANISATION DU RÉSEAU
Actuellement, tous les diocèses du Québec, à l’exception d’un seul, ont la chance de bénéficier du travail d’une répondante.
L’organisation du réseau offre aux répondantes une forme d’encadrement et de ressourcement. Les deux rencontres annuelles (automne-printemps) sont pour elles un lieu de retrouvailles, de solidarité, de partage d’expériences, de formation, etc.
Pour les prochaines années, la priorité portera sur le thème du partenariat hommes-femmes dans l’Église, en vue de la réalisation d’un forum dans chacun des diocèses (Ce projet faisait partie des recommandations de la session des évêques avec les femmes).
Le réseau vit présentement un moment important dans son cheminement. Après sept années d’existence, le temps est venu de faire le point sur nos pratiques, et d’en évaluer la portée. Un questionnement de fond également se pose sur les orientations du réseau en lien avec l’Assemblée des évêques du Québec et le Comité des affaires sociales. L’expérience acquise nous conduit à une nouvelle étape de maturité dans le sens d’un partage réel des responsabilités avec les évêques.
DES PRATIQUES PLURIELLES
« Rendre accessible la place qui revient aux femmes dans l’Église ». Voilà la description de tâche que je retrouvais sur mon contrat de travail au moment où j’ai été engagée comme répondante. Une définition aussi large exprime bien l’ampleur des changements et des transformations à entreprendre.
Des outils importants servent de points de repères pour guider nos actions. Pour en nommer quelques-uns, pensons aux recommandations de la session de mars 86, au dossier d’animation « Les femmes dans l’Église », publié par la Conférence des évêques catholiques du Canada, aux interventions des évêques québécois, lors des derniers synodes, sur des questions touchant les femmes, et tout particulièrement à celle de Mgr Jean-Guy Hamelin au synode sur les laïques, où il traitait de « la participation des femmes à la vie de l’Église ».
Les actions des répondantes visent une évolution du rôle et de la place des femmes dans l’Église, à la fois au niveau des mentalités et des structures. Les types d’interventions, pour leur part, sont des plus variés. Passant de la sensibilisation aux transformations, il revient à chacune d’établir dans son diocèse ses priorités d’action, à partir de la situation et des besoins du milieu.
UN AVENIR A INVENTER
Par leur travail patient et courageux, c’est tout le visage de l’Église que les répondantes, sont lentement à transformer. Elles travaillent aujourd’hui pour construire l’Église de demain.
La foi et l’espérance de celles-ci sont à la mesure du défi qui se présente devant elles:
– A la lourdeur de l’institution elles opposent la créativité de leurs coeurs
– A la lenteur des changements elles injectent l’énergie de leurs dynamismes
– A l’épaisseur des résistances elles proposent la grandeur de leurs aspirations
L’apport du travail des répondantes à travers le Québec pour faire avancer le dossier des femmes dans la société et dans l’Église est inestimable. L’avenir nous permettra de mieux en évaluer les fruits.
1 Pour le contenu et le déroulement de cette rencontre, voir l’excellent article de Marie-Andrée Roy et Monique Hamelin publié dans L’autre Parole (no. 30, mai 86).