LES CÉLÉBRATIONS

LES CÉLÉBRATIONS

Mercredi 26 mars 1997 : une célébration de L’autre Parole. J’ai mal à la tête. Je n’ai que ce temps pour préparer en communauté, la fête de Pâques. Monique et Lise prennent un bol d’eau et, en grandes prêtresses, passent dans les rangées pour asperger les participantes et les participants. Ces gestes trop collés aux rituels des prêtres m’agacent, je dois l’avouer. Monique passe tout près de moi et, avec un sourire narquois, elle secoue avec vigueur son rameau séché, me mouillant assez copieusement le visage. La fraîcheur du geste autant que de l’eau me font un bien immense : l’un à mon agacement, l’autre à ma migraine. Je retrouve la vraie signification du symbole : un éveil, une joie, un jaillissement de bien-être.

Je suis entrée dans L’autre Parole à cause d’une célébration. Nous n’étions que quatre, je m’en souviendrai toujours. Et j’avais à dire mon expérience, à partager mes réflexions, à me manifester. L’audace de ces gestes, que je prends pour acquis aujourd’hui, m’avaient soufflée, alors. La simplicité des choses, leur signification renouvelée avaient été pour moi comme une révélation : il n’y avait nul doute, ma place c’était là, avec ces femmes.

Les célébrations sont pour moi le lien majeur qui m’attache au groupe. Sans elles, toute la réflexion que nous y menons n’aurait aucun aboutissement, elle vaudrait un bon cours universitaire. Les célébrations ont toujours représenté l’apothéose de nos colloques. Là où l’on se dit : « II y avait la théorie; voilà la pratique ». Une pratique joyeuse, pénétrante, vivante.

C’est au cours de nos célébrations que je ressens le plus intimement la présence de l’Esprit. C’est là que je vis avec le plus de passion le miracle L’autre Parolien. Car il circule toujours un vent de grâce, lors de ces minutes de cheminement spirituel. Bien sûr, elles ne sont pas toutes aussi réussies; certaines, nous l’avons vu, me rejoignent moins que d’autres. Mais j’en ressers toujours grandi, ayant avancé dans ma démarche de foi.

Organiser la célébration d’un colloque est un moment d’intense activité dans la vie d’un groupe. Certaines préparations peuvent s’avérer stressantes. En effet, si on peut en planifier la structure de base, il faut obligatoirement laisser une place à l’imprévu, ne serait-ce que pour intégrer à nos rituels, les mots du travail collectif qui a précédé. Pour moi, ces temps de création sont devenus une espèce de profession de foi et un geste d’abandon. Nous préparons ce qu’il y a à préparer, le reste est à la grâce de Dieue. Et Dieue, y joue toujours son rôle, ne serait-ce parfois que pour cacher aux yeux de nos invitées, certaines imperfections.

Les célébrations des autres, c’est un autre type de joie; au lieu de préparer le repas, il nous est préparé. Quelle joie de voir des femmes timides et réservées se métamorphoser en Marie-Madeleine ou en Vasthi! Quelle joie d’être surprise par une réflexion ou un geste que le travail ne nous avait pas révélé et qui nous est présenté là, en toute simplicité. Combien de remises en question sont provoquées par l’invitation à poser ensemble des gestes symboliques, qu’ils soient d’une douceur amoureuse ou bien à la limite de la violence!

Les célébrations ont été pour moi de belles occasions d’écriture, de grands moments de réflexion et de création. Elles ont aussi été le temps et le lieu de grands aspects terrifiants. Voici qu’après m’être fait nommée par mon nom, mêlé à tous ces noms de femmes, lors de notre célébration du 20e anniversaire de L’autre Parole, je me suis dit que jamais plus ma vie ne devait être la même. Cette expérience m’a rendue différente, commise à une mission qui me dépasse : je suis chrétienne.

CHRISTINE LEMAIRE, BONNE NOUV’AILES