Les coûts de la pandémie pour les femmes – Quelques données complémentaires

Les coûts de la pandémie pour les femmes – Quelques données complémentaires

Monique Hamelin, Vasthi

À l’été 2020, la collective L’autre Parole se réunissait pour réfléchir sur quelques questions féministes soulevées par la pandémie. Trois membres prennent la parole. Ces femmes, les conférencières, sont issues du milieu de la santé et des services sociaux. Femmes de terrain, elles sont nourries par leur expérience. Leurs questions et leurs espoirs pour l’avenir, pour le monde d’après la pandémie, sont issus entre autres de leurs observations liées à leur lieu d’insertion : soutien à domicile, travail social et CLSC et leur profonde croyance en un monde où la justice sociale a toute sa place.

Au fil des mois qui ont suivi cette rencontre, nous, les femmes de L’autre Parole, avons continué à creuser les enjeux de la pandémie pour les femmes. Comme vous le constaterez à la lecture des quelques données complémentaires fournies ici et de l’aperçu du rapport intermédiaire de la Protectrice du citoyen qui enquête sur la mortalité survenue dans les CHSLD lors de la première vague, les impacts sont énormes pour les femmes, tant comme soignantes ou travailleuses que comme patientes. Il est urgent entre autres pour les femmes, de mettre de l’avant les constats et de dire nos rêves pour l’avenir, pour le monde de demain, car c’est maintenant que les décisions se prennent et influenceront l’avenir.

La COVID-19 chez le personnel de la santé et des services sociaux

En octobre 2020, selon un article paru dans Le Devoir[1], depuis le début de la pandémie, ce sont :

  • Du 1er mars au 15 juin 2020, 13 500 travailleuses et travailleurs qui ont été infecté∙e∙s.
  • Entre le début de l’été 2020 et la mise à jour des statistiques du MSSS remise au Devoir, 3 400 autres se sont ajouté∙e∙s.
    • Ce sont donc près de 17 000 travailleuses et travailleurs de la santé qui ont reçu un diagnostic de COVID-19.
    • 400 ont été hospitalisé∙e∙s.
    • 13 y ont laissé leur vie
      • 8 préposé·e·s aux bénéficiaires, un médecin, un adjoint administratif, une travailleuse sociale et deux autres personnes dont le titre d’emploi était inconnu en octobre 2020.
  • En février 2021, selon un autre article du Devoir[2]
    • Après 10 mois de pandémie, ce sont près de 40 000 malades chez les soignantes et soignants.
    • 16 morts.
    • Plus de la moitié au cours de la deuxième vague (22 000) !
  • Durant la première vague, ces personnes étaient 10 fois plus à risque d’être infectées que le reste de la population.
  • En plein confinement, la contagion est principalement liée au travail.

Enquête de l’INSPQ auprès de plus de 5 000 des 13 500 travailleuses et travailleurs infecté∙e∙s durant la première vague

  • Pas moins de 79 % étaient des femmes.
  • L’âge en moyenne : 43 ans.

Le personnel infecté entre le mois de mars et la mi-juin 2020

  • Plus de 33 % étaient des préposé·e·s aux bénéficiaires.
  • 22 % des infirmières et infirmiers.
  • 12 % des infirmières auxiliaires.
  • 3 % des médecins.
  • 27 % provenaient de catégories diverses d’emplois.

Lieux où la contagion a prévalu

  • 48 % des infections du personnel de la santé sont recensées parmi le personnel des CHSLD.
  • 34 % dans le réseau hospitalier.
    • 50 % des infections sont chez les préposé·e·s aux bénéficiaires.
    • 50 % chez les infirmières et infirmiers.
  • 10 % du personnel infecté était issu des résidences privées pour personnes aînées (RPA).
  • 5 % des ressources familiales ou intermédiaires.

 

Taux d’infection du personnel de la santé causée par la COVID-19

Comparaison Québec versus ailleurs au Canada et dans le monde

  • Québec : 25 %
  • France : 18 %
  • États-Unis : 17 %
  • Espagne : 16 %
  • Ontario : 16 %
  • Italie : 12 %

Rapport de la Protectrice du citoyen et de la citoyenne[3]

En décembre 2020, la Protectrice du citoyen et de la citoyenne rendait public son rapport d’étape public.Il était accablant non seulement pour le gouvernement en place, mais pour tous les gouvernements qui se sont succédé depuis de nombreuses années au Québec et cela comme le rappellent les autrices de ce numéro.

  • Des personnes sont décédées seules dans des conditions pas toujours décentes.
  • Du personnel soignant a dû choisir entre deux résidents pour donner des soins de confort.
  • Des ruptures de soins de base ont eu lieu dans certains CHSLD.
  • Lors de la première vague, 69 % des personnes décédées de la COVID-19 étaient des résident·e·s de CHSLD.
  • La Protectrice note un décalage entre le discours public et la réalité vécue par le personnel du milieu de la santé.
  • Des élu∙e∙s ont reconnu qu’il faut revoir la manière dont on s’occupe des personnes aînées.

 

Pandémie, emploi et les femmes

Ici Radio-Canada titrait le 8 septembre 2020[4] : « L’emploi des femmes plus touché par la pandémie, selon un rapport ». C’est la Chambre de commerce de l’Ontario qui indiquait que « la pandémie a plus durement touché les femmes sur le marché du travail et que l’effet se fait encore sentir malgré la reprise de l’activité économique ». On observait « le plus bas taux de participation des femmes à l’économie de la province en 30 ans » ! Des mesures pour contrer lesdits effets de la pandémie sont suggérées.

Véronique Prince[5] note que « 68 % des emplois perdus au Québec étaient occupés par des femmes, selon le ministère du Travail. [C’est le] double des pertes d’emplois chez les hommes ». Les principaux secteurs d’emplois touchés : restauration, tourisme, milieu culturel.

Dans le secteur manufacturier, l’emploi féminin recule de 20 %, celui des hommes bondit de 7 % !

Dans le secteur de la santé, les femmes sont plus nombreuses dans les emplois, elles ont été surexposées au risque d’infection et sont plus nombreuses que les hommes à contracter la maladie.

Quant à Gérald Fillion[6], dans un article du 12 février 2021, il note que :

Les dernières données statistiques, au Canada, comme aux États-Unis [indiquent que] […] Les secteurs les plus malmenés par les fermetures sont des segments de l’économie qui emploient généralement plus de femmes que d’hommes : le commerce de détail, la restauration et l’hébergement, notamment. On pourrait ajouter également les établissements d’enseignement et les garderies.

Ainsi, par rapport à janvier 2020, chez les 25 à 54 ans, on observe :

  • 156 000 emplois de moins chez les hommes
  • 193 000 emplois de moins chez les femmes.

Les milieux les plus touchés par la pandémie et les responsabilités familiales accrues pour les femmes monoparentales ou pas, ont rendu ces dernières plus vulnérables économiquement et psychologiquement. Les solutions passent entre autres par les décideurs politiques où discours et soutien financier doivent être au rendez-vous.

[1] Source : Enquête de l’INSPQ auprès de 5000 personnes touchées par la COVID-19 lors de la première vague et des données complémentaires du MSSS citée par Isabelle PARÉ, « Près de 17 000 travailleurs québécois de la santé frappés par la COVID-19 »,Le Devoir, 15 octobre 2020.

[2] Source : Isabelle PARÉ, « Les masques N95 seront obligatoires en “zone chaude” », Le Devoir,10 février 2021.

[3] Marie-Michèle SIOUI, « Des aînés morts dans l’indignité », Le Devoir, 11 décembre 2020.

[4] Francis BEAUDRY, « L’emploi des femmes plus touché par la pandémie, selon un rapport », Ici Radio-Canada : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1732324/egalite-entreprenariat-coivd-reprise-diversite.

[5] Véronique PRINCE, « COVID-19 : 68 % des emplois perdus par des femmes au Québec », Ici Radio-Canada : https://iciradio-canada.ca/nouvelle/ 1756478/perte-emplois-femmes-retention-conciliation-famillle-sante-mentale.

[6] Gérald FILLION, « Les femmes, davantage touchées par la crise », Ici Radio-Canada : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1770228/femmes-crise-economique-coronavirus-covid.