LES ORIGINES DU MAL Une histoire du péché originel
Georges Minois France, Fayard, 2002, 439 pages par Marie Gratton, Myriam
Vous me direz peut-être qu’il est impertinent d’inviter une fois encore les «filles d’Ève » à se pencher sur l’histoire du péché originel. Ne savent-elles pas mieux que personne les terribles déboires que leur a valus, ainsi qu’à toute l’humanité, cette doctrine que saint Augustin s’est employé, avec un zèle dévorant, à faire définir comme un dogme au XVIe concile de Carthage en 418, et que le concile de Trente est venu renforcer par un décret, en 1546. Nous croyons en savoir long sur la question, mais il nous en reste toujours à apprendre, tellement le sujet a fait couler l’encre des plus beaux esprits comme d’une foule d’hommes et de quelques femmes aussi, hélas, à l’imagination débordante ou carrément tordue. Voilà pourquoi je ne saurais vous recommander trop vivement la lecture du livre Les origines du mal.
Georges Minois est un spécialiste de l’histoire des idées qui a déjà publié, entre autres, une synthèse tout à fait remarquable des rapports que l’Église a entretenus avec la science tout au long des siècles jusqu’à nos jours. Impossible de ne pas évoquer les liens qui existent entre ces deux thèmes traités l’un et l’autre par cet auteur. Faut-il en effet rappeler ici que le Catéchisme de l’Église catholique, publié en latin en 1992, et dont nous avons au Canada une version française depuis 1993, parle encore de l’histoire de la chute comme d’« un événement primordial, un fait qui a eu lieu au commencement de l’histoire de l’homme ». Les italiques sont dans le texte. Ce sont les auteurs du Catéchisme qui semblent vouloir à tout prix souligner le peu de cas qu’ils font de tous les acquis actuels de la paléontologie et de toutes les autres sciences qui traitent des origines du monde et de l’apparition de l’homo sapiens sapiens sur la terre à la suite d’une longue évolution.
Les livres de Georges Minois apparaissent toujours comme le fruit d’une recherche très fouillée. S’il multiplie les références et les notes, c’est toujours par souci de précision et de clarté. Il possède un don remarquable de synthèse quand il s’agit de montrer l’évolution de l’histoire d’une idée ou d’une doctrine que des siècles de réflexions n’ont souvent contribué qu’à faire paraître plus compliquée et moins crédible. Enrichi de nombreuses citations, l’ouvrage se lit « comme un roman ». Certaines sont très sérieuses, d’autres témoignent du fait que des personnes réputées fort intelligentes n’ont pas échappé au délire quand il s’est agi de traiter du péché attribué à nos présumés premiers parents, et d’imaginer dans quel état ils se trouvaient avant la chute. Je ne cite aucun nom ; je choisis de vous laisser tout le plaisir de la découverte. Je vous promets des surprises. Il vous arrivera parfois de grincer des dents, mais aussi de rire. Mais peut-être ne le saviez-vous pas : le rire autant que la peine est une conséquence du péché originel. Après bien des hommes, il s’est trouvé au moins une femme brillante et rendue célèbre par les féministes chrétiennes pour soutenir cette thèse-là. Je vous ai rendues curieuses ? Bravo ! Mais je ne vous dis pas de qui il s’agit. Peut-être est-ce le péché originel qui me porte ici à vous faire languir. Mais peut-être est-ce plutôt un effet de la grâce qui m’incite à chercher par tous les moyens honnêtes à vous pousser à lire un ouvrage tout à fait captivant.
P.S. Vous connaissez cette définition du péché originel ? Une pomme, deux poires et une infinité de pépins…
Pour rétablir l’équilibre rompu « au commencement », je vous propose une recette sans pomme, ni poire ni pépins.