Les quatre femmes de Dieu La putain, la sorcière, la sainte et Bécassine (1)
D’entrée de jeu, l’auteur annonce son projet : écrire l’histoire de la misogynie ecclésiastique, de l’antiféminisme chrétien. Il consacre son premier chapitre à démontrer que l’antiféminisme chrétien prend racine dans le mythe de l’infériorité féminine présent à peu près dans toutes les religions, en tout cas dans le judaïsme et dans l’islamisme. Le deuxième chapitre expose la théorie chrétienne du sexe selon laquelle la femme n’est pas seulement médiocre et insignifiante mais une putain. Lubrique, soucieuse de plaisirs et de revanche, la femme est forcément portée à la sorcellerie : là où il y a la femme, là se trouve le péché, là se trouve le diable. Le troisième chapitre est consacré à la sorcière, l’his-toire de la sorcellerie étant pour Bechtel l’histoire du martyre des femmes. Mais l’on pourrait penser que l’Église a au moins aimé ses saintes et ses religieuses, mais l’auteur conclut son quatrième chapitre ainsi : “ Elle (l’Église) aime les femmes dans la mesure où elles ne sont pas trop sensibles, pas trop intelligentes, pas trop cultivées, pas trop éloquentes, pas trop visibles et munies d’un tout petit carnet d’adresses. Elle les aime bien effacées et sans relations surtout haut placées. C’est à se demander si elle ne les a pas toujours préférées un peu bêtes ”. Il reste Bécassine, héroïne d’une des premières bandes dessinées françaises, cette nigaude au grand cœur, laide, illettrée qui incarnerait le modèle de femme que l’Église propose depuis longtemps aux catholiques, démonstration qui fait l’objet du cinquième chapitre. Incisif, écrit avec un parti-pris résolument féministe, j’ai beaucoup aimé ce livre qui démonte avec précision les mécanismes de l’infériorisation des femmes dans l’Église, mécanismes mis en place voilà des siècles et qui opèrent efficacement encore aujourd’hui.
Louise Desmarais
(1) Guy Bechtel, Les quatre femmes de Dieu. La putain, la sorcière, la sainte et Bécassine,Plon, 2000, 335 pages.