Libération féministe et salut chrétien :
Mary Daily et Paul Tillich
Michel Dion.
Montréal, Recherches; nouvelles séries no 2, Bellarmin, 1995, 231 pages.
Voici un ouvrage peu facile à lire mais passionnant : il démontre que la question du sexisme ou de la relation homme-femme n’échappe pas à la réflexion théologique. Faute de temps et de compétence pour l’apprécier avec coeur et intelligence, je me limite à vous en livrer ici les conclusions.
Plusieurs enjeux de taille sous-tendent l’ouvrage de Michel Dion, dont celui de la politique de la foi : « Avec la montée du mouvement féministe en Occident, la foi chrétienne fut critiquée comme étant porteuse ou justificatrice d’une politique sexiste ou patriarcale. » (p. 9). Et l’intérêt de la théologie féministe de Daly par rapport à la résolution de ce problème réside dans le rapport direct qui est établi entre la conscience de l’aliénation et la possibilité d’une libération des femmes.
Après avoir montré les points de convergence et de divergence entre Mary Daly et Paul Tillich sur différents aspects de la libération féministe et du salut chrétien, l’auteur pose finalement la question : la théologie féministe peut-elle prôner la libération des femmes sans la considérer comme leur salut ? (p. 207).
La libération féministe implique une affirmation individuelle et collective des femmes dans la société, soutient l’auteur. Il n’y a pas de libération féministe sans que les femmes se ‘centrent’ sur elles-mêmes. Pour qu’il y ait libération, les femmes doivent exorciser la présence patriarcale dans leur individualité, dans leur monde et dans les symboles de la Réalité Ultime. Au terme de cet exorcisme, elles sont amenées à s’engager dans un processus qui consiste à se créer comme femmes sans se référer à aucun standard établi. Les femmes atteignent le sommet de leur libération lorsqu’elles se créent elles-mêmes, lorsqu’elles s’actualisent en définissant elles-mêmes les normes de leur actualisation. Cependant, une femme qui se définit elle-même comme féministe et chrétienne est amenée à distinguer la libération féministe et le salut chrétien » écrit Michel Dion (p. 208).
La libération féministe ‘sauve’ les femmes d’une des formes d’aliénation (le sexisme), donc de façon partielle, rappelle Michel Dion. Une fois libérées de l’aliénation du sexisme, rien ne garantit que les femmes ne subiront pas une autre forme d’aliénation, car la libération féministe est réalisée dans un espace/temps donné; elle obtient donc un succès partiel face à l’aliénation qui est une structure de l’existence humaine. Par contre, le salut chrétien est donné par anticipation de la vie éternelle à ceux qui croient en Jésus comme Christ, crucifié et ressuscité. Il obtient de ce fait, en principe du moins, une victoire totale sur l’aliénation (p. 208).
Enfin, l’auteur croit devoir distinguer l’être en devenir féminin et l’être en tant qu’être. À ce sujet, il note que la libération féministe concerne un mode d’être particulier : l’être en devenir féministe, alors que le salut chrétien concerne plutôt l’être en tant qu’être (p. 208). Mais il pense aussi qu’autant la libération féministe que le salut chrétien sont une affaire de ‘préoccupation’, de souci pour l’être en tant qu’être humain : la libération féministe est une affaire de préoccupation ultime. Or, il n’y a pas de préoccupation ultime sans préoccupations préliminaires actualisées dans l’existence et qui sont porteuses de sa signification et de sa profondeur. Donc, la libération féministe est un véhicule, une expression particulière suscitée et orientée par les femmes. À ce titre, elle fait partie intégrante du processus global du salut et donc, le salut chrétien doit impliquer la libération concrète des femmes et des hommes par rapport au péché de sexisme (p. 209).
Rappelons que ce livre est le produit d’une thèse de doctorat dont Louise Melançon, professeure à la Faculté de théologie de l’Université de Sherbrooke et membre bien connue de L’autre Parole, a été codirectrice.
AGATHE LAFORTUNE, VASTHI